dimanche 20 novembre 2016

Danse avec les loups de Kévin Costner (1990) note: 17/20

Pourquoi ont-ils tué Chaussette ?



Qu’on m’épargne les mots, les lieux communs concernant « Danse avec les loups » : romantique, écologique, humaniste. A ces trivialités de magazine les deux pieds dans l’époque, je réponds l’inverse : cruauté des hommes, implacable chiennerie de la nature et poids de la solitude.

Assurément c’est une ode à l’Ouest sauvage encore préservé, intact, quasiment authentique, avec sa faune (ses loups et ses hordes de bisons), sa flore (ses plaines et ses prairies) et ses occupants (quelques nations indiennes).

Le traitement des tribus autochtones par Costner est d’autant plus plaisant qu’il n’est pas manichéen, l’une étant assoiffée de sang et l’autre, pourtant plus pacifique, ne rechigne pas à certaines violences toutes paléolithiques. Traitement similaire chez les soldats yankee où il y a les gradés, pondérés et bien éduqués et puis la piétaille, stupide, inculte et cruelle. Impossible de déterminer si tout ceci est le reflet d’une quelconque réalité des caractères et des pulsions, mais ça semble crédible.

Le personnage de Kévin Costner est une sorte d’ethnologue amateur qui aurait épousé les mœurs et coutumes de la peuplade qu’il était censé étudier avec neutralité. C’est l’assimilation qu’auraient dû subir les blancs venus du vieux continent s’ils n’avaient colonisé farouchement, contraints par le nombre et l’organisation. ?

Pour conclure, un film magnifique où la contemplation et la stricte observance des rythmes ancestraux et naturels sont violemment percutées par l’avancée civilisatrice d’une armée en marche.

Des Nordistes affranchisseurs d’esclaves et perçus comme les gentils de l’histoire seront également les génocideurs en chef du totémisme à plumes. Les libérateurs des uns étant les bourreaux, les ensevelisseurs des autres.

Si les Sudistes avaient gagné la guerre de Sécession, le joug esclavagiste aurait sûrement perduré quelques décennies mais on compterait peut-être les indiens nord-américains par dizaine de millions.

« Danse avec les loups » est un western atypique, lyrique et gracieux, l’enfant légitime qu’auraient eu ensemble « Little Big Man » et « Jeremiah Jonhson ».




Samuel d’Halescourt

lundi 14 novembre 2016

Province – Richard Millet (2016) Note : 18/20

Uxeilles ou l’ironiste désespéré

C’est avant tout une déclaration d’amour aux petites villes de province qui parlera à ceux qui y vivent mais également aux citadins, ceux des grandes villes, dont je fais parti et qui continuent à y croupir après en avoir exploité toutes les possibilités, en rêvant d’exil salvateur dans des provincialités profondes.

C’est l’histoire de Pierre Mambre qui au début se fait appeler Saint-Roch, débarquant à Uxeilles, son bourg natal dont la rumeur, entretenue par la narratrice, nous dit qu’il est revenu pour baiser le plus de femmes possibles.

C’est l’occasion pour Millet, en dépeignant et détaillant sa petite ville, de faire un portrait global de ce qu’est la France. Des deux clans idéologiques qui s’opposent, les lépantistes (figures de la droite réactionnaire) face aux océaniques (la gauche tolérante et irénique), jusqu’au désœuvrement des chevaliers de la perfection.

Millet nous offre une langue, un style sublime comme à son habitude, rehaussés par un fond riche en réflexions et quotidiennetés aventureuses.

Des phrases à la fois interminables et somptueuses pouvant dépasser la page et demie nous hypnotisent par leur majesté.

Une tentative d’hommage rendu à Balzac et à ces bourgades qui vivent encore à son heure, même si sa pertinence et son irrévérence le renverrait plutôt du côté d’un Barbey d’Aurevilly.

Pour conclure, un grand roman, pour les esthètes, les fondus de la belle langue française et de ses agencements. Pour les orphelins d’une culture française éternelle qu’ils n’ont entrevue qu’en nostalgie rêveuse et qu’ils peuvent ici sentir dans tout son éclat et son ironie sans concession.

Province est « le livre dont vous êtes le héros » pour tous les intuitifs de la saine réaction, c’est la huitième symphonie perdue de Sibélius.




Samuel d’Halescourt

jeudi 3 novembre 2016

Préambule à la rétrospective intégrale de la saga Underworld



Des vampires et des loups-garous s’affrontant dans une mégapole et perpétrant un conflit hors d’âge, cela ne peut que me plaire. Mais malheureusement la saga est notoirement connue pour avoir délibérément franchi une frontière qui est celle de la série B et j’avoue que ça m’inquiète.

C’est une sous-licence qui doit sûrement compter des amateurs parmi les plus divergents du goût mainstream et à ce titre, les films méritent d’être vus et critiqués sans parti pris dépositaire d’une attente particulière.

Je me lance en subodorant le caractère gothique-punk dans le traitement qui serait peut-être la mise en image du « monde des ténèbres » (le cadre d’une série de jeu de rôles), qui dépeint notre réalité mais plus sombre, plus abrupte dans les rapports et admettant tout un bestiaire de créatures fantastiques cachées dans l’ombre.

Bref, je me souhaite bonne chance et plonge, à la fois enthousiaste et sceptique, dans cet univers en quatre bobines.




Samuel d’Halescourt