lundi 18 janvier 2016

Madame H. – Régis Debray (2015) Note : 15/20

Madame H. – Régis Debray (2015)

Le général et la pipe


Le bon vieux compagnon du Che fait ici preuve d’un style détonnant, tout en saillie, de phrases courtes mais destructrices, hautement efficaces, à faire tomber tous les murs (comme le chante Renaud).

C’est tellement surprenant qu’il faut bien deux chapitres pour se mettre dans le bain et adhérer au choix formel du gaulliste d’extrême gauche.

Deux chapitres essentiels, le premier où Debray narre sa rencontre désastreuse avec le grand Charles, de comment il était ivre mort et incapable d’assurer toute conversation et de comment il fut mis à la porte manu militari. Le second est un éloge des fumeurs de pipe, déplorant la lente agonie qu’aura subie la subtile activité, réservée à ceux qui aiment prendre le temps et peu à peu remplacée par le trop rapide adepte de la cigarette. Il rappelle qu’ils furent autrefois les incarnations de l’avant-garde pour être aujourd’hui les tenants de la réaction dans l’imaginaire d’une société qui évolue trop vite.

Un bel ouvrage, écrit à la mitrailleuse lourde où Debray évoque sa juvénile fascination pour l’histoire en marche et pour ceux qui la font.

Ses premiers frissons devant la défaite de Diên Biên Phu et ses regrets devant l’atonie politique de ces dernières décennies en France.

Pour conclure, un livre qui peut déranger car il hurle son désir d’histoire, de la faire et donc le lot de tragédies et de crimes consubstantielles à l’idée. Mais Debray l’assume et s’exclut du clan des tièdes, du consensus démocratique des mous pour réclamer à corps et à cris de l’étincelant et de l’ambitieux quelqu’en soit le prix.

Cette madame H. (l’histoire) le fascine à un point tel qu’il en vient à invoquer de l’événement dans le seul but de jouir d’elle.

Régis Debray est un des intellectuels les plus sainement urticants de l’époque avec Zemmour, l’outrance cognitive, Onfray, l’explosion hédoniste sans conséquence, Finkielkraut, la foudre enrobée de tempérance et Soral, l’impérissable théoricien des douces paranoïas.




Samuel d’Halescourt.

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