Madame H. – Régis Debray
(2015)
Le général et la pipe
Le bon vieux compagnon du Che fait
ici preuve d’un style détonnant, tout en saillie, de phrases
courtes mais destructrices, hautement efficaces, à faire tomber tous
les murs (comme le chante Renaud).
Deux chapitres essentiels, le
premier où Debray narre sa rencontre désastreuse avec le grand
Charles, de comment il était ivre mort et incapable d’assurer
toute conversation et de comment il fut mis à la porte manu
militari. Le second est un éloge des fumeurs de pipe, déplorant la
lente agonie qu’aura subie la subtile activité, réservée à ceux
qui aiment prendre le temps et peu à peu remplacée par le trop
rapide adepte de la cigarette. Il rappelle qu’ils furent autrefois
les incarnations de l’avant-garde pour être aujourd’hui les
tenants de la réaction dans l’imaginaire d’une société qui
évolue trop vite.
Un bel ouvrage, écrit à la
mitrailleuse lourde où Debray évoque sa juvénile fascination pour
l’histoire en marche et pour ceux qui la font.
Ses premiers frissons devant la
défaite de Diên Biên Phu et ses regrets devant l’atonie
politique de ces dernières décennies en France.
Pour conclure, un livre qui peut
déranger car il hurle son désir d’histoire, de la faire et donc
le lot de tragédies et de crimes consubstantielles à l’idée.
Mais Debray l’assume et s’exclut du clan des tièdes, du
consensus démocratique des mous pour réclamer à corps et à cris
de l’étincelant et de l’ambitieux quelqu’en soit le prix.
Cette madame H. (l’histoire) le
fascine à un point tel qu’il en vient à invoquer de l’événement
dans le seul but de jouir d’elle.
Samuel d’Halescourt.
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