mercredi 21 mars 2018

Dementia 13 de Francis Ford Coppola (1963) Note : 9/20

Néo-psychose ou quand la hache remplace le couteau.


Ce premier film officiel de Coppola tient quelques promesses et en oblitère d'autres. Tourné en parallèle d'une production plus importante, il pâtit d'un manque de tout mais pas de la maestria précoce d'un des futurs grands du nouvel Hollywood.

Tourné trois ans après le célèbre « Psychose » d'Hitchcock, pierre fondatrice du slasher, il en reprend les codes, le suspens, la construction et le dénouement. Leur rapprochement temporel nous empêche de parler d'hommage de la part de Coppola mais plutôt d'exploitation d'un genre qui avait largement séduit le public et qui pourrait garantir un certain succès.

Et puis il y a les éléments que je qualifierais de lovecraftien, au centre desquels se tient le principal : le manoir familial et son cortège de morts illustres. L'étang lugubre, témoin d'un premier meurtre à la hache en constitue le second.

Quant au personnage le plus important, il s'agit sans nul doute du docteur Caleb, médecin de famille, interprété par Patrick Magee. Au premier abord antipathique lorsqu'il s'adresse autoritairement à une domestique, il le devient de moins en moins, au centre de tout lorsqu'il commence à mener l'enquête comme un bon Hercule Poirot, le meurtrier est parmi nous mais qui est-ce exactement ?

Pour conclure, le manque de budget et les conditions de tournage rendent le film médiocre mais il est sauvé par sa substance, intrinsèquement captivante.

Comme dans « Psychose », on joue sur un traumatisme émotionnel originel qui confine le tueur à des délires macabres qui le dépassent. Sur quoi un investigateur apparaît et démasque le psychopathe comme dans une bonne partie de cluedo.

On pourrait donc définir ce film comme « le petit « Psychose » lovecraftien perfusé à l'Agatha Christie ».

Difficile de comprendre immédiatement que Coppola deviendrait une pointure après ce premier film mais il s'y trouvait malgré tout quelques indices pertinents.






Samuel d'Halescourt

samedi 3 mars 2018

The Giver - Le Passeur de Phillip Noyce (2014) 13/20

Précision du langage.


Phillip Noyce qui avait jusque là une filmographie destinée clairement aux adultes, se lance dans la science-fiction pour adolescent, prenant le train en marche d'un genre qui fonctionne.

On pourrait parler de dystopie pour décrire l'univers du film mais préférant garder ce terme pour le post-apocalyptique et le cyberpunk où il me semble plus adéquat, les termes de contre-utopie ou d'anti-utopie paraissent plus appropriés pour définir ce genre de fascisme futuriste.

Les deux gros points forts du film sont d'abord son casting prestigieux, Meryl Streep et Jeff Bridges, légendes s'il en est du septième art, incarnant respectivement l'ordre intransigeant et l'artiste débonnaire, qui s'affrontent tels des Dieux par l'entremise de pauvres mortels. Et puis la réalisation de Noyce, impeccable et parfois virtuose, qui prouve qu'il n'est pas un manchot dans le métier.

Il est dommage que le tout soit terni par un scénario poussif, réduit à son strict minimum, reposant sur un monde mal défini et assez incohérent. Pourquoi prendre le risque de conserver ce passeur de mémoire qui a la possibilité de tout foutre par terre dans ce que l'on veut être un totalitarisme parfait ? Sans cela il n'y aurait pas de film me direz-vous !

Le passage du noir et blanc à la couleur est un procédé connu mais intéressant dans le cas présent. La couleur revient avec les émotions retrouvées, là où auparavant tout était terne, gris, sans intérêt.

Pour conclure, un cinéaste expérimenté qui a de la bouteille, met son talent au service des ados et le mélange prend bien, ce n'est ni honteux, ni catastrophique, et même plutôt plaisant.

En découvrant la sublime bibliothèque du personnage de Jeff Bridges, je m'attendais à un éloge du livre, que Jonas ouvrirait les yeux en s'en farcissant une bonne partie. Eh bien non, les livres sont juste là pour le décor, toute la connaissance passe par un toucher télépathique des plus paranormaux. Le livre est là pour faire beau mais ne sert à rien.




Samuel d'Halescourt