mercredi 28 septembre 2016

Les délices de 36 – Nicolas Rey (2016) Note : 14/20

Quand l’obsession confine au hors sujet




Ca devait être un livre sur les premiers congés payés de 1936 et ce n’est qu’une toile de fond pour la description d’une amourette de vacances où son héros Marius, l’adolescent prolétaire, apprendra la vie et son lot de désillusions.

Nicolas Rey nous fait du Nicolas Rey, même avec sujet imposé. Il y développe son célèbre romantisme sauvage, par la genèse, où la partie masculine du binôme amoureux se casse les dents sur la réalité de l’indifférence pour finir désabusé et la proie d’addictions psychotropes.

Rey dévoile ici l’origine de son mal être et celui de ses personnages. Fracassé en pleine adolescence, le cœur en mille morceaux, anéanti dans l’engouement d’une sincérité première, d’un élan naïf où la moindre protection relèverait du manque flagrant d’éthique. Et toutes nos pensées étant conditionnées par la première expérience comme l’écrivait Nietzsche, la divergence prend racine avec tout au long du tunnel : alcoolisme, tabagie, récurrence de l’anxiolytique et peut-être quelques lignes de blanche.

Rey introduit habilement une différence de classe sociale entre ces deux juvéniles protagonistes. Marius, fils de pauvre profite pour la première fois de vacances (à Deauville). Emma, elle, est fille de bourgeois. Pour lui, elle est une chance historique ; pour elle, il est un amusement passager. Leur écart de rang pourrait en être la cause, car se mêle au désir physique tout un faisceau d’intérêts plus ou moins objectifs et conscients qui forme l’amour.

Pour conclure, l’homonyme du célèbre réalisateur de Johnny Guitar nous a fait un beau hors sujet au vu du défi lancé par la collection, mais il nous dévoile une part du mystère de son œuvre et de sa vision.

Dans la même collection, je me permets de vous conseiller le « Spiridon superstar » de Jaenada qui, lui, respecte le deal avec son éditeur, et avec maestria.




Samuel d’Halescourt

mercredi 14 septembre 2016

Dix-neuvième message du Kindred : Frères orques, qui après nous vivez

Frères orques, qui après nous vivez


L’histoire des orques remonte au début du XXII ème siècle, en 2107 exactement, année où le premier d’entre eux est sorti d’un caisson utérin, réplique du ventre d’une femme. On le prénomma Ceylan et dans la foulée d’autres de son espèce furent mis au monde.

Avant lui et ses congénères, l’entreprise Genetic Fantasy avait déjà donné naissance à des elfes, des nains et mêmes des gobelins et qui par la suite invoquerait des dragons et tout un tas de bestioles issues de bestiaires monstrueux imaginés par l’humanité, le tout répondant à cette maxime ; « tout ce qu’il sera possible de faire, l’humanité le fera ». Les manipulations génétiques étant capables de donner naissance à n’importe quoi pour peu qu’on en ait préalablement eu la projection mentale.

La petite communauté orque traversera un siècle en se posant un nombre considérable de questions identitaires et surtout métaphysiques, lot commun à toutes les créatures intelligentes propulsées hors du néant, jusqu’à ce que l’un d’entre eux exhume un ancien ouvrage d’un obscur animateur de la télévision française qui a vécu à cheval sur le XXème et le XXIème siècle dont les deux faits d’armes principaux étaient d’avoir introduit le prompteur et le télé-achat dans le pays.

Cet homme, Pierre Bellemare, avait à la fin de sa vie, à l’âge de 89 ans, sortit un livre émaillé de délires mystiques où il prétend avoir rencontré Dieu et révèle entre autre chose que celui-ci est de couleur verte.

Assez rapidement le prophète Pierre Bellemare s’imposa à tous et ce qu’il relata dans son livre sacré, « Ma rencontre », fut l’objet de centaines d’exégèses, devenues les piliers du Bellemarisme, religion commune à la plupart des peaux vertes.




Samuel d’Halescourt

mercredi 7 septembre 2016

Psycho de Gus Van Sant (1998) note : 10/20

La preuve que le cinéma a évolué



Sur le papier le concept était plutôt bon. Refaire à l’identique un chef d’œuvre du cinéma mondial en accusant un intervalle de quarante années.

Une sorte de remake primal, de copie totale, d’hommage plagiesque. Et finalement au vu du résultat, quelle putain de mauvaise idée !

Car, non seulement « Psycho » est d’une fadeur agressive mais en plus de cela, comme une hérésie suprême, il viendrait à nous faire douter du caractère génial de l’original. Le « Psychose » d’Hitchcock ne serait peut-être pas si formidable. Dépouillé de son aura de légende, notre œil aurait-il été sous influence ?

Simplement la preuve que le cinéma a évolué et que les trouvailles d’antan sont admirables une fois remises dans leurs contextes et par leurs puissances historiques dont il faut s’inspirer mais qu’il est vain de vouloir imiter.

Malgré la présence d’acteurs rares et fascinants comme Viggo Mortensen et William H.Macy, nous assistons à l’échec parfait, à l’effondrement d’une certaine forme d’idolâtrie nostalgique, de culte ancien réitératif, de bégaiement créatif.

On aurait pu assister au lancement d’un nouveau genre mais Gus Van Sant initie une tradition qui est tuée instantanément dans l’œuf.

Pour conclure, de bons acteurs bien dirigés et un scénario qui a fait ses preuves (évidemment) mais de fait une mise en scène surannée et une photographie des plus banales qui en deviendrait personnelle par son manque total d’individualisation.

Un hommage malheureux, raté qui fait d’un réalisateur estimé et estimable, un fournisseur officiel de quasi série B. On en éprouvera de la tristesse, un rassissement de l’estime ou alors on ne l’en aimera que plus, touché et rasséréné par l’échouement.




Samuel d’Halescourt