jeudi 26 octobre 2017

Chronique des enfers


Chapitre I (5)



La part de mon enfance heureuse est gorgée de souvenirs d'images et d'odeurs, de visions bucoliques troublées par des bourrasques de vents poussiéreux et capricieux, de chevaux magnifiques montés par des cavaliers à l'air hiératique, de prairies immenses aux arbres solitaires, d'éclats de rire de marmots aux visages laiteux, de jeux traditionnels ou inventés dans l'instant, de camarades certes violents mais compréhensifs. Nous n'étions sujet à aucune contrainte si ce n'est la connaissance d'épopées divines et l'apprentissage de nombreux métiers.

Cet age ne s'encombrait d'aucune ambition, d'aucun rêve particulier sur le devenir, simplement le plaisir d’être au monde et d’évoluer au contact hasardeux du destin.

De ces années, une interrogation de mes petits camarades revenait sans cesse : « pourquoi tu ne te bats jamais ? » Je ne savais pas quoi répondre mais le fait était là ! Mon caractère pacifique, mon esprit profondément androgyne impropre à toute violence étaient bien réels. J'étais une énigme pour moi comme pour les autres.

Seuls mes plus proches, mon groupe d'amis, n'y voyaient rien de ridicule. Médi, Xima et Malène, liés par l'enfance et l'entraide. Je vous retrouverai un jour pour vous extirper à cette vie de misère, pour votre malheur à tous.

Médi était un colosse pour son jeune age et sa simple présence suffisait à dissuader d'éventuels harceleurs de venir nous chatouiller.

Xima était le fils du chef de la tribu et jouissait de ce fait d'avantages héréditaires, un mélange de respect et de mise à l'écart.
Quant à Malène, pourtant convoitée par d'autres groupes plus attrayants, conformes et prometteurs, elle s'était entichée de notre petit groupe de marginaux prépubères auquel elle apportait toute sa générosité et sa différence en plus de sa beauté et de son intelligence.

Les nombreuses transhumances dont nous suivions servilement l'itinéraire ne repassaient jamais deux fois au même endroit, ce qui nous donnait une impression de perpétuelle aventure mais de nous sentir comme étranger partout où nous atterrissions.




Samuel d'Halescourt

jeudi 12 octobre 2017

Chronique d’une fin de règne (2017) – Patrick Rambaud                           Note :  14/20

Un benêt confronté à l’histoire



L’ouvrage est meilleur que le précédent, consacré lui aussi au règne de François Hollande. Ce qui est dû non pas à une qualité renouvelée de l’auteur mais au fascinant foisonnement de l’actualité, entendez par là l’abondance des attentats terroristes sur notre sol. Quelque part l’impéritie reste flagrante et c’est le cadre qui tient en haleine.

Il s’y trouve également une moindre obsession pour Sarkozy même si celui-ci reste présent, son retour en politique le justifiant cette fois.

J’ai retenu deux erreurs factuelles : Duterte n’est pas le président de l’Indonésie mais des Philippines et Jean-Marie Le Pen n’a pas crié « Jeanne, sauve-nous » mais « Jeanne, au secours » au pied de la statue de celle-ci.

Ces chroniques aristocratisantes et médiévales mises au goût de notre temps nous permettent de nous repasser le film d’une mémoire fraîche, d’une actualité déjà devenue évènements incontournables de notre histoire. C’est donc par la force des choses, un livre plus sur la gestion d’un embryon de guerre civile que sur l’action à proprement parler d’un président aussi entravé en fin de mandat fût-il.

Comme pour « François le Petit », c’est finalement un livre qui n’a que peu d’intérêt pour nous autres, contemporains des faits, mais qui en aura pour les générations à venir. Dans cent ans, si la planète n’est pas devenue un barbecue géant, il en aura.

Pour conclure, Rambaud insiste, continue à caricaturer avec détermination les rois de son époque et cela, mine de rien, commence à constituer une part importante de son œuvre, peut-être même que l’on ne retiendra de lui que « la bataille » et ses chroniques de la brochette Sarkozy-Hollande, étendue à Macron si le cœur lui en dit.

Rambaud force-t-il le trait, prend-t-il plaisir à dénigrer nos présidents, ou sont-ils, hasard de l’histoire, intrinsèquement ridicules ?




Samuel d’Halescourt