mercredi 30 décembre 2015

Onzième message du Kindred : Menace douanière



Le soir venu, le vieux briscard se consacrait toujours à sa besogne. Un petit chariot à ses côtés, contenant tout le matériel du parfait petit mécano de l’espace, qu’il traînait avec difficulté.

  • Je n’en ai plus que pour une demi-heure ! me dit-il
  • Prenez votre temps ! Je veux que ce soit bien fait !

A ce moment précis, j’ai tourné la tête et vu débouler trois agents des douanes en même temps que la camionnette destinée à nous délester de notre tonne de pastèques.

  • Lieutenant Dmitri Spears ! me dit l’un d’eux en m’agitant son insigne sous le nez.
  • Que puis-je faire pour vous lieutenant ?
  • Me laisser fouiller votre charmant petit vaisseau en faisant preuve d’une collaboration des plus zélées !
  • Allez-y ! Je vous demanderai juste de pas déranger mon pote qui végète dans sa mousse !
  • Ça j’en serai seul juge ! Stayer, McJill, au boulot ! Retournez-moi tout ça !
  • Et on peut savoir ce que vous cherchez ?
  • Je sais pas : contrefaçon, drogue, armement illégal ? On peut trouver tout un tas de truc délictueux chez des gens immatriculés Pluton !

L’ancien continue sa réparation sans se soucier particulièrement de la pseudo-perquisition qui se déroule sous ses yeux.

Je sors mon paquet de Jupiter’s, allume une clope puis le tend vers Spears :

  • Une cigarette lieutenant ?
  • Pas de soudoiement ! me répond-il sèchement.
  • Comme vous voulez !

J’ai tiré une première taffe profonde pour me donner courage et assurance. Une deuxième uniquement pour le plaisir et consacrer la jubilation d’une certaine forme de fuite en avant.

Quand les limiers sont entrés dans ma caravane stellaire, j’ai aspiré une troisième bouffée et eu l’envie de m’écrouler sur un matelas rembourré de plumes de phœnix.




Je vous recontacte prochainement.








Samuel d’Halescourt

lundi 21 décembre 2015

Le Trône de Fer 11 – Les Sables de Dorne – George R.R. Martin (2005) Note : 14/20

Mais où est Tyrion Lannister ?




Le Trône de Fer commençait sur les chapeaux de roue avec le premier volume et sa suite « Le Donjon Rouge » avant de décliner, d’entamer une longue descente qualitative, avec quelques sursauts évidemment, jusqu’à ce présent ouvrage.

Largement consacré à Brienne, Cersei et Jaime alors que les personnages les plus passionnants et ceux dont on attend la progression narrative sont Tyrion, Arya Starck et Jon Snow.

Il faut dire la vérité, la saga est souvent excellente et trépidante mais il est des chapitres alambiqués et sibyllins où l’on est complètement perdu, ne sachant plus où nous nous trouvons et avec quel protagoniste nous ferraillons. Je tire d’ailleurs mon chapeau aux scénaristes de Game of Thrones qui eux arrivent à s’y retrouver et à donner une forme de cohérence à tout ça.

Cependant dans ce pur univers de fantasy médiévale, austère et ultra violent où l’on regrette parfois qu’il n’y ait pas plus de créatures surnaturelles (même si c’est un contresens avec le postulat de fantasy), on se laisse bercer par le flot des mots extrêmement bien choisis et en adéquation avec le décorum proposé.

Les dialogues sont souvent impeccables et correspondent aux personnages qui les envoient malgré une propension à la stérilité et à la lenteur sur l’avancement de l’intrigue.

Pour conclure, un tome honnête, inférieur aux précédents, à l’instar de « Le Chaos » où il ne se passait également pas grand chose. Martin a certes un certain génie mais on sent qu’il a eu du mal à l’écrire et qu’il a tendance à se reposer sur ses lauriers.

Déjà quatre mille pages du Trône de Fer et l’enthousiasme à découvrir les nouvelles péripéties des héros de Westeros est toujours intact, en espérant que le tome 12 sera de meilleure facture et retrouve la qualité des débuts.








Samuel d’Halescourt

dimanche 20 décembre 2015

Or Noir de Jean-jacques Annaud (2011) Note : 15/20

Or Noir de Jean-jacques Annaud (2011)


« Soyons sérieux, il est bibliothécaire, pour l’amour du ciel »



Un film de Jean-Jacques Annaud est toujours un plaisir, une forme profonde de délice, une joie extatique. Le seul réalisateur français qui, avec des moyens et des méthodes hollywoodiennes, est capable de produire un pur film d’auteur.

Celui-ci n’est pas un des meilleurs mais reste un cru excellent, entre Lawrence d’Arabie, Tintin au pays de l’or noir et le Diamant du Nil.

Une grande aventure dans l’Arabie des années trente quand les premiers puits de pétrole ont redistribué les gouvernances. Dans ce décor historique, il nous est proposé de suivre l’ascension d’un petit bibliothécaire, certes de sang royal, de l’insignifiance au contrôle de tout un royaume.

C’est une grande fresque à l’ancienne, pas une expérimentation du désert et de ce qui va avec le soleil, le vent et la soif comme dans Lawrence d’Arabie, mais une épopée où s’affrontent modernes et conservateurs.

Au niveau du jeu des acteurs, deux remarques, la prestation exceptionnelle d’Antonio Banderas et la présence magnétique de Freida Pinto.

Le film s’intéresse à un monde, une culture dont il présente une vision relativement honnête avec ses bassesses et ses grandeurs.

Tahar Rahim, quant à lui, n’est pas étincelant, il confine même au fade mais a le grand mérite d’avoir la gueule de l’emploi, crédible dans son rôle de petit intellectuel qui par les hasards de la vie se retrouve chef de guerre.

Pour conclure, une suite logique à la carrière positivement surdimensionnée d’Annaud où l’emphase et la juste prétention ont du style, de l’allure, suffisamment pour nous laisser expectatif devant la progression d’un rêve cinématographique.

La réincarnation de David Lean, le pétrole en plus mais avec la même conflictualité tribale. Annaud se devait de traiter cette Arabie islamique pour compléter sa collection de tableau qui tente d’appréhender l’ensemble de l’humanité.






Samuel d’Halescourt

samedi 19 décembre 2015

Dixième message du Kindred : Le repos des guerriers


J’ai refilé son deuxième cadeau à Floyd. Il n’était plus vraiment en état de développer une émotion alors il s’est contenté de sourire bêtement. Cinq minutes plus tard il reprenait son rôle de dragon avec une seule idée en tête, atteindre le prochain niveau. Bien au chaud dans sa mousse ergonomique, casque projecteur vissé sur l’occiput, manettes au poing, je ne le reverrai pas avant un bout de temps.

De mon côté, je me suis lu une cinquantaine de pages de mon « Généalogie de la morale » et puis je me suis endormi, à l’heure de la sieste, devant un documentaire qui tentait de faire le point sur les bienfaits de l’influence aliénigène.

Je suis sorti de ma torpeur éphémère en début de soirée, dans une heure géoconstante, avec un léger mal de crâne au niveau du front. De mon sommeil je me souviens qu’une baleine bleue essayait de me grignoter les doigts de pieds.

Dans le salon Floyd était sorti de sa cabine à duvet Nintendo pour se ravitailler en pizzas dont deux boîtes éventrées gisaient sur la table basse.

Nous échangeons quelques mots :

  • Alors ? je lui envoie.
  • 150ème !
  • Mortel !

Après quoi il repart se blottir dans sa mousse, rejoindre hypnotisé le ventre de maman, batailler sans relâche pour étendre sont territoire et son empire.

Je prends une bonne douche, réajuste ma crête et me rends au guichet de l’astroport pour régler nos deux journées de villégiature. J’en profite pour commander une bonne quantité de bouffe ainsi qu’un plein d’eau et d’oxygène, une autonomie assurée pour au moins un mois.


Je vous recontacte prochainement.




Samuel d’Halescourt

samedi 12 décembre 2015

Paul Verlaine - Stefan Zweig (2015) Note : 18/20

Paul Verlaine - Stefan Zweig (2015)

Elu prince des poètes en son temps


Un livre merveilleux composé de quatre parties, deux biographies de Paul Verlaine, l’une de jeunesse et l’autre plus tardive, un court texte sur Rimbaud puis conclut par trois poèmes, pour le coup mineurs, de Zweig.

Un grand romancier qui narre la vie tumultueuse d’un grand poète, cela ne peut déboucher que sur du magistral, une littérature soyeuse et élégante, du caviar dans une coupelle en or.

L’éloge démarre pourtant mal, Zweig affirme que ce qui caractérise le mieux Verlaine c’est la faiblesse, le manque de personnalité et l’absence de caractère. L’inverse complet de ce qu’était Rimbaud. Le pauvre Lélian tire avant tout son statut de poète maudit de cette description impitoyable.

Outre le style supérieur et complexe, on y apprend énormément de choses sur la vie de Verlaine. Les trois coups de feu qui visent Rimbaud, l’un des tirs le touchant superficiellement, ne supportant pas la séparation et qui lui vaudront quelques années de prison. Zweig nous indique qu’il s’est converti au catholicisme mais point de conversion, un simple retour à ses racines, à une ontologie enfouie. De ce moment il rejoint officiellement les rangs des poètes catholiques.

Il fera un autre séjour en prison après avoir frappé sa pauvre mère, la seule voulant encore bien de lui et prête à l’héberger. Après cela, ce sera la rue mais la reconnaissance de toute une génération

Pour conclure, un livre peut-être pour érudit mais tellement jouissif autant dans le contenu que dans la langue. Tous les amateurs des poèmes Saturniens trouveront ici un évangile selon saint-Zweig, un début d’éclaircissement sur une figure révérée et adulée par bon membre de marginaux romantiques dans l’acception étymologique du terme.

Enfin, je milite pour remettre au goût du jour cette vieille tradition et que soit élu de nouveau et dans l’instant un prince des poètes.




Samuel d’Halescourt

jeudi 10 décembre 2015

L’ordre et la morale de Mathieu Kassovitz (2011) Note : 16/20

L’ordre et la morale de Mathieu Kassovitz (2011)


« Ici c’est Kanakie »

Magnifique oeuvre, entre film de guerre et film d’assaut, très bien réalisé, presque virtuose où chaque plan est d’une richesse incroyable.

La trame fait partie de l’histoire de France moderne. Un groupe d’indépendantistes Kanak assaille une petite gendarmerie de campagne puis se constitue des otages qu’il retient captifs dans la grotte d’Ouvéa.

Ça apparaît comme le deuxième volet de la 317ème section de Pierre Schoendoerffer, n’ayant rien eu d’aussi réussi dans le genre pendant ce long laps temporel et on espère que dans vingt ou trente ans un autre grand cinéaste tricolore conclura le triptyque.

Le grain de l’image, la lumière, la contemplation en arrière plan d’une nature sauvage et luxuriante, tout fait penser à du Terence Malik inspiré, au sommet de son art.

Kassovitz s’était un peu perdu pendant sa parenthèse américaine, même si Gothika était plutôt bon, et nous revient avec une production bien française, un film objectif, correctement maîtrisé, doucement politique.

Une œuvre où le manichéisme n’est pas de mise, donnant la parole à toutes les parties, à chaque camp, indépendantistes comme agents du GIGN jusqu’au ministre de l’Outre-mer et finalement ne contentant personne, ce qui peut expliquer son relatif échec et que Kasso veuille enculer le cinéma français.

Pour conclure, un film brillant, tempéré, tout en nuance dans son approche où commençant par le massacre, le décompte des jours s’égrène, de J-10 au jour J, nous progressons vers un dénouement au sordide inéluctable.

Une tragédie estampillée année 80 sur fond d’élection présidentielle avec la séquence d’un assaut final proprement ébouriffante.












Samuel d’Halescourt.

lundi 7 décembre 2015

Neuvième message du Kindred : La danse de l’inflation

Neuvième message du Kindred


La danse de l’inflation




Je rejoins l’astroport du dôme Cherryh, traverse la flotte des vaisseaux interplanétaires jusqu’à l’emplacement du Kindred.

Sur place, le vieux noir à la barbe blanchie pointe sa clef de seize en direction du visage de Floyd :

  • Arrête de me faire chier mon gars ! J’en ai maté des plus gros que toi !
  • Hola ! qu’est-ce qui se passe ? j’interviens en contractant l’intégralité des rides de mon front.
  • Ce vieux con veut nous soutirer 8000 HD ! dit Floyd en planant à moitié.
  • C’est ce que ça coûte ! renchérit le mécanicien.
  • Bon Floyd je prends le relais ! Va te taper un bang de ma part ! déclarais-je en lui lançant le sachet rempli d’herbe que je viens d’acheter.

Il s’exécute en maugréant d’une démarche digne d’un pingouin qui aurait dix kilos de chibres à déplacer. Pour monter la rampe d’accès au vaisseau ça lui prendra le temps qu’il faut pour courir un 400 mètres haies.

  • Bon ! je dis à l’ancêtre. C’est quoi cette histoire de 8000 HD ? Vous voulez nous arnaquer ?
  • C’est ce que j’essayais d’expliquer au gros lard ! L’injecteur est nase et des comme ça on en trouve plus sur le marché, je vais devoir bidouiller un modèle plus récent, beaucoup plus cher et l’adapter. C’est quand même pas de ma faute si vous vous plaisez à jouer les antiquaires de l’espace !
  • OK ! Je suis prêt à payer mais je veux que demain matin on soit en état de décoller et en toute sécurité.
  • Je vais faire de mon mieux.
  • J’en suis ravi !



Je vous recontacte prochainement.








Samuel d’Halescourt


mardi 1 décembre 2015

Cheval de guerre de Steven Spielberg (2011) Note : 18/20

Cheval de guerre de Steven Spielberg (2011)


Un erratique voyage équestre




Un Spielberg confidentiel qui a fait peu de bruit mais du grand Spielberg, spectaculaire, épique, élégiaque.

Après « Il faut sauver le soldat Ryan », « 1941 » ou encore « La liste de Schindler », il traite enfin la première guerre mondiale et avec quelle maestria. Ne lui reste plus qu’à évoquer le Vietnam et sa couverture de la guerre au cinéma sera complète, totale.

L’épopée d’un canasson, de sa naissance, son dressage dans une modeste ferme anglaise, son rôle dans la grande guerre et son retour dans l’enclos originel. Un cheval autour duquel gravitera toute une panoplie de personnages fascinés par cette bête exceptionnelle qui rivaliseront de bienveillance à son égard. Le point culminant étant sa prise au piège par des barbelés au milieu des tranchées où un impalpable et immense sentiment de commisération nous saisit.

La campagne anglaise est magnifiquement rendue, avec ses couleurs, son odeur, sa dureté, l’effroyable combat des fermiers d’avant la modernité pour leur survie.

Et puis Niels Arestrup surgissant, apparaissant tel un hobbit dans son bucolique environnement, sa maison chaleureuse, son bon sens et sa bonhomie paysanne.

Pour conclure, un film maîtrisé, superbement réalisé, qui traite directement avec le myocarde, fait vibrer une corde sensible, remontant directement de l’enfance. Un film de gosse pour adulte, dépourvu d’amnésie, un croc-blanc remastérisé, l’anodin au milieu de la grande histoire, une certaine forme de pureté mise en image, la plus belle facette de l’humanité dans un film consacré à un bourrin, à en verser des larmes de plusieurs hectolitres.









Samuel d’Halescourt