dimanche 24 mai 2015

Je suis une légende de Francis Lawrence (2007) Note : 13/20

Je suis une légende de Francis Lawrence (2007)


Etude sur la goulification ou l’éloge des canidés




Du post-apocalyptique dans sa veine virus qui décime et zombifie voire vampirise, même si pour les créatures présentes ici on pourrait aisément parler de goules au vu de leur rapidité, de leur célérité. Will Smith prouve qu’il a du charisme. Tenir une heure dans un New-York désert sur sa seule tronche est prodigieux, même si le berger allemand apporte lui aussi une belle présence.

Le berger allemand, parlons-en, Samantha, pourquoi sa mort m’a touché, plus que celle du héros ? Parce que le chien est l’innocence, la pureté, la candeur incarnée. C’est une créature céleste qui apaise et humanise tous les grands cyniques, toujours éblouis par la naïveté et sa présente incarnation. Sa loyauté, même si elle confine il est vrai à la servitude, est émouvante, caractéristique d’un animal hautement catholique qui comme dans le film donnerait sa vie pour vous protéger. C’est un samouraï au service du clan, de son daimyo.

L’ambiance générale est très agréable. Un New-York vide, rongé par une végétation reprenant ses droits où antilopes sauvages et lions pullulent. Où le golf sur un avion de chasse planté sur un porte-avion est une activité courante. La solitude de la « légende », scientifique cherchant un remède au virus, est très bien rendue, jusqu’à la folie quand la timidité l’empêche de parler ouvertement à un mannequin à perruque.

Pour conclure, un film habile, une réflexion sur l’annihilation de l’humanité et de ses survivants. Le réalisateur a pris le parti de mettre en valeur la lumière, contrastant avec un sujet plutôt sombre, les scènes de journée sont éblouissantes, le soleil se souciant peu du destin de l’humanité continue à briller sans relâche.

Un bon film de genre, même si c’est aussi dans sa part commerciale. Tout est à sa place, chaque élément remplit une case, le héros solitaire, la meute de zombies-vampires (des zompires), la majesté du chien et une ville déserte.


Ne reste plus qu’à lire le livre de Richard Matheson.





Samuel d’Halescourt

vendredi 15 mai 2015

Assassins de Richard Donner (1995) Note : 14/20

Assassins de Richard Donner (1995)


Aux échecs, le fou prend la tour !



Du bon Stallone, dans sa période premier de la classe. Propre sur lui, sérieux dans son boulot, fût-il assassin.

Ce film a pourtant une décennie de retard, il est estampillé année 80 malgré lui, ça aurait été un film culte en 1985 mais un simple bon divertissement dix ans plus tard, où le genre s’essouffle irrémédiablement.

Film de « gun fight », les Hong-Kongais avec John Woo en figure de proue sont passés par-là et Richard Donner n’en a pas perdu une miette ; son imitation ou son hommage (suivant les points de vue) est parfaitement réussie. Le réalisateur des quatre mythiques « L’Arme fatale » s’empare du phénomène internet et en met en scène les balbutiements, époque que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître où accompagnés de nos modems, sonores pendant la connexion, nous mettions cinq minutes pour afficher une simple image mais participant enthousiaste à l’avènement de la matrice.

Nos assassins sont au top de la technologie de leur temps, métier oblige, garantissant confidentialité et instantanéité. Les premiers shadowrunners (clins d’œil à mes rôlistes) de l’histoire du cinéma.

Avec le recul le casting se trouve être assez prestigieux, Antonio Bandéras et Julianne Moore entourant un Sly inspiré et toujours aussi charismatique.

Pour conclure, une histoire de tueurs à gage en conflit ouvert entre la vieille et la jeune garde, et l’intrusion d’une jeune femme qui a une disquette à vendre.

C’est bien fait. Découvrant au générique avec surprise qu’il s’agit d’un scénario des frères Wachowski. Mais finalement pas si illogique, il y a une unité avec ce qu’ils feront plus tard.

Je n’avais pas vu ce film lors de sa projection étant déjà sorti de l’adoration de la sainte trinité des enfants des années quatre vingt : Stallone, Schwarzenegger, Van Damme, avec Chuck Norris et Jackie Chan en embuscade et Bruce Lee en figure tutélaire.










Samuel d’Halescourt

lundi 11 mai 2015

Vernon Subutex – Virginie Despentes (2015) Note : 13/20

Vernon Subutex – Virginie Despentes (2015)
Tome 1

Chorale du macadam


Le style est assez inégal, alternant passages plats et ennuyeux à des paragraphes énergiques et passionnant comme si Virginie Despentes s’endormait sur sa propre écriture avant de se réveiller, peut-être sous le coup d’un ou deux verres de whisky, et désinhibée, donnait le meilleur d’elle-même.

Le roman accumule et fait la part belle aux personnages féminins, tous plus iconoclastes et délirants les uns que les autres. Pamela Kant, Lydia Bazooka ou la hyène, autant d’entités cartoonesques et fascinantes d’un gynécée littéraire au bord de l’implosion. Les personnages masculins eux, pourtant égalitairement présents, peinent à enchanter et même à exister, maussades ou aigris, éclopés du cortex, ils errent au milieu de l’hécatombe qui fait office de préambule. Despentes, auréolée d’un féminisme de combat, donne de la couleur aux femmes et si peu de relief aux hommes, parti pris naturel plutôt réjouissant.

Vernon Subutex, ancien disquaire au chômage et à la rue, est un prétexte pour évoluer dans le monde post-punk de Despentes, sauvage et libéral, aux références rocks disséminées.

Je dois le confesser, j’aime Virginie Despentes et je me sens proche de sa genèse issue d’un limon punkoïde, fait d’anarchisme clownesque, abondance d’alcool et transgression surréaliste.

Pour conclure, du Balzac contemporain, une étude de mœurs post-moderne de parisiens en perdition, saccage en règle d’une ribambelle hétéroclite en proie à ses petites névroses.

Prostituées, actrices pornos, lesbiennes endurcies, on est au cœur du système Despentes. Ode aux nouvelles prêtresses de l’amour à qui il ne manque qu’un bras bionique pour coller définitivement à leur temps.

Un bon livre, même si comme je le dis au début, sinusoïdal dans la qualité narrative, quand le style se met à cracher du feu, ça dépote, ça emballe le cœur, comme une drogue de synthèse, enfin de ce que j’en imagine.




Samuel d’Halescourt

mercredi 6 mai 2015

Soumission – Michel Houellebecq Note : 16/20

Soumission – Michel Houellebecq


Itinéraire d’un renoncement




Du grand Houellebecq ; pléonasme me direz-vous ! Mais tout de même, il n’est pas évident, livre après livre, de rester dans les hautes limbes de la littérature.

Chaque bouquin de Houellebecq est un monde à lui tout seul, une déclinaison du contemporain ou une anticipation clairvoyante. Celui-ci met en scène un homme seul, errant, certes professeur d’université mais en marge par ses doutes. Sifflant ces deux bouteilles de vin quasiment tous les soirs, en extase devant les soirées électorales, il passe en zigzaguant..

Certains prétendent que « soumission » est islamophobe, alors deux solutions, soit ils ne l’ont pas lu et répètent bêtement ce qu’ils entendent, soit ils lisent avec leurs pieds ; car jusqu’à preuve du contraire la polygamie jusqu’à quatre femmes est une interprétation commune de l’islam, pas de quoi s’offusquer. Parce qu’est bien là la motivation première de la conversion du personnage principal et de ses obsessions sexuelles, peut-être proprement masculines mais j’en doute, avoir droit à plusieurs femmes de tous les âges.

Spécialiste de Karl-Joris Huysmans, l’écrivain est au centre du livre comme un fil conducteur, sans cesse invoqué, nous est vivement conseillé la lecture « d’à rebours ». Si l’on part du principe que le postulat, l’élection du leader d’un parti musulman à la présidence, est visionnaire, sa réalisation admettra quelques décennies de décalage. A l’image de la prophétie de Jean Raspail qui aura intégré quarante ans d’écart.

Pour conclure, c’est vrai que l’on n’est plus face au Houellebecq qui nous avait habitués à une fulgurance par page mais à celui qui a opté pour un récit plus classique, moins entrecoupé de réflexions fortes.

La conversion, encouragée et accélérée par quelques considérations astronomico-mystiques, est effectivement une soumission à un nouvel environnement. La résistance, l’antidote, seraient avant tout d’admettre que lorsqu’on est issu du monde judéo-chrétien, se convertir à l’islam c’est un renoncement à cette culture à triple titre. Envers sa famille, ses ancêtres et sa patrie.






Samuel d’Halescourt