lundi 24 avril 2017

Underworld 3 : Le soulèvement des lycans de Patrick Tatopoulos (2009) 11/20

Sortez les balistes !


Quand Spartacus rencontre Roméo et Juliette par l’entremise de la littérature gothique du XIXème siècle cela donne ce soulèvement des lycans. Entre pauvreté du scénario, atmosphère fidèle aux précédents et réalisation tout juste acceptable, le film s’inscrit dans une passabilité qui, poussée au maximum de ses possibilités artistiques, lui fait échapper de peu à une forme souterraine de médiocrité.

Il y a quelques belles séquences, quelques moments réussis. J’invoquerai la scène de la diligence, le pilonnage du couloir à coups de flèches géantes ou la mise en cendres de l’héroïne vampirique par soleil interposé, malencontreusement amoureuse du mauvais loup-garou, d’un loup-garou tout court. A ce sujet on apprend cette fois de façon claire qu’il existe deux engeances de lycans. Ceux qui peuvent prendre forme humaine et se métamorphoser à l’envie et puis les chimiquement purs ou les archaïques qui demeurent éternellement sous forme garou, dans une sauvagerie inextinguible.

Bill Nighy est très bon, livrant une performance étonnante qui éclate de son talent le petit statut de série B de cette révolte d’esclaves poilus. Il restera une des meilleures incarnations de cette créature mythique que l’on nomme vampire au cinéma.

Pour conclure, un troisième volet, finalement assez ambitieux, qui prend le contre pied des deux premiers pour nous narrer la genèse du conflit et de l’antagonisme des deux races mais qui pâtit du manque de sens artistique des demi-tacherons qui gèrent cette franchise.

Ne boudons pas le plaisir de rôliste que constitue l’affrontement d’espèces célébrissimes issues de l’imaginaire gothique et romantique de ces originaux créateurs et l’étude sociologique et méta-antropologue observée par ce film. Une sorte de cryptozoologie cinématographique.




Samuel d’Halescourt

samedi 22 avril 2017

Chronique des enfers

Chapitre I (3)


Elle s’appelait Naïla et devait avoir le même âge que moi. En pleurant et geignant, elle se débattait à s’en désarticuler, maintenue fermement par ses parents devant l’entrée d’une yourte sacrée, contrainte de participer à une cérémonie ritualisée. Elle hurlait et s’agitait comme si on l’emmenait à l’abattoir. Comme possédée par l’esprit de l’autodétermination.

Cette vision m’a profondément marqué et ne m’a plus jamais quitté. Elle était porteuse de tout ce qui nourrira plus tard mon ressentiment à l’égard de l’existence. A peine conscient, je savais désormais que la vie serait dure et brutale. Contraint par des règles sociales iniques, leurs dominations seraient totales. Aucune échappatoire, la souffrance ne faisait que commencer. Je pouvais moi aussi me débattre à m’en désarticuler, la force en jeu est d’une autre grandeur, elle nous met à genoux, la lutte est vaine.

J’y vois également la révélation précoce des grands ordonnateurs du vivant, des entités cosmiques et de leurs plans machiavéliques.

Par mon détachement et ma nature observatrice, j’ai compris qu’il n’y avait que deux routes, deux voies possibles. L’on est soumis aux autres hommes ou l’on est soumis à Dieu, c’est-à-dire à soi-même. Car ce dieu choisi dans le catalogue vous accordera toutes les libéralités pour peu que vous suiviez votre intuition et votre instinct.

C’est avec cette expérience que je me détache à jamais de la tyrannie des hommes et de leurs conventions pour convoquer le divin et mon rapport direct avec lui, authentiquement mystique.

Et ce ne sera aucun des dieux des Nah Hassar que je rejetterai les uns après les autres mais celui que ma quête irréfrénée, entre mon âme et le couronnement supérieur, mettra sur mon chemin. Celui dont la doctrine répondra et épousera les raisonnements de mon intériorité bien qu’elle fût distordue par mes névroses et mes passions, apanage d’une jeunesse trop furieuse pour s’appesantir sur une analyse sérieuse de son moi. Distorsion qui sera encore accentuée par la découverte de mes différences physiques avec le reste des membres de la tribu.




Samuel d’Halescourt

vendredi 14 avril 2017

Le petit gars qui se roulait par terre – Patrick Eudeline (2016) Note : 12/20


Quand les Johnny H. étaient pléthoriques


Petit ouvrage sympathique de Patrick Eudeline dans la collection Incipit, qui devient de plus en plus passionnante au fur et à mesure des parutions.

Ici, c’est l’aventure quotidienne d’un jeune français lambda en 1960, frénétiquement épris de musique rock et de son esprit, sans la connaître véritablement, à une époque où culture underground était synonyme d’introuvabilité.

Et c’est au milieu de la petite vie de Freddy et de ses potes que celui qui deviendra légende, Johnny Hallyday, fait sa première apparition à la télévision et séduit tous les demi-loubards et autres amateurs de 400 coups en milieu urbain, surtout parisien.

Le style d’Eudeline incarne assez bien l’ambiance et le caractère de cette époque. Un endroit du temps où les racailles de l’époque, les fameux blousons noirs, avaient plus d’éducation que la majorité des quidams d’aujourd’hui. Un calme et une sérénité difficilement imaginables de nos jours car suivant la sacro-sainte loi du progrès linéaire, rien ne saurait être enviable dans notre passé.

Freddy répond à l’injonction des trois désirs masculins de base de celui qui débute dans l’existence et que Johnny évoque dans son chef d’œuvre « Elle est terrible ». Ces trois désirs étant dans l’ordre : une femme, une voiture et une maison. Le tout ne pouvant être définitivement pérennisé que par l’obtention d’un travail honnête, loin des miettes proposées par la rue.

Pour conclure, Eudeline nous parle des origines, du plasma primordial d’où émergera toute une culture qui emportera tout avec elle, jusqu’à la respectabilité.

Il aborde également avec pertinence la question de l’amitié, complète et transcendantale que l’on peut vivre à ces âges précédant la majorité civile ; de ces nuits passées à discuter de tout et de rien lorsque l’on va pioncer les uns chez les autres. Quand le dénuement, la non possession et l’avenir incertain nous plongent dans un état de galère qui peut faire de nous d’authentiques frères.




Samuel d’Halescourt

jeudi 6 avril 2017

Chronique des enfers

Chapitre I (2)


Certains plaidaient pour que l’on me confie à un temple ou à un orphelinat. D’autres pour que l’on me ramène là où on m’avait trouvé. Un original voulait que l’on me sacrifie aux dieux en échange de grâces en tout genre de leurs parts. Enfin un couple, qui tentait désespérément de mettre au monde un enfant depuis une dizaine d’années, émit le souhait de m’adopter.

Après un échange confus et délétère pour la cohésion de la tribu qui dura une éternité, le chef, le grand sage et le chaman décidèrent d’évacuer les représentants et de décider par eux-mêmes sachant que personne n’oserait remettre en cause leur jugement.

Les trois autorités suprêmes disputèrent une heure entière avant d’énoncer leur sentence unanime : « cet enfant, nous le garderons et l’élèverons en le confiant à Lakmar et Sodaya comme ils en ont fait la demande. Mais attention, il devra comprendre, et ce dès son plus jeune âge, qu’il n’est pas tout à fait des nôtres ! »

Et c’est ainsi que quelques jours plus tard, je fus intronisé par un baptême rituel, sous l’égide du dieu du sang purifié, chez les Nach Hassar. Mes adoptants me nommèrent Haegel en l’honneur d’un obscur vieil oncle maternel mort en affrontant un demi-ogre lors d’une virée aventurière vingt ans auparavant.

La yourte familiale était une des plus imposantes, privilège dû au rang qu’impliquait le métier de mon père, il faisait office de maréchal soigneur, charge ancestrale qu’il avait héritée de ses aïeux. Quant à ma mère, en plus de ses occupations domestiques, elle s’adonnait à la poterie, dont elle approvisionnait toute une partie de la tribu, le surplus étant vendu une fois l’an sur le marché d’une grande place judicieusement choisie.

C’est dans ce contexte que je ferai mes premiers pas, non pas empli d’amour mais correctement choyé. J’aurais pu regretter de ne pas être abandonné sur les marches d’un temple. Mais puisque l’on juge toujours le passé en fonction de notre présent, j’estime que le destin a bien fait les choses.

Et bientôt viendra l’heure de mon premier souvenir alors que je n’avais que trois ans.




Samuel d’Halescourt

lundi 3 avril 2017

Un Fauve – Enguerrand Guépy (2016) Note : 14/20

Dans l’imaginaire peau de Patrick Dewaere


Livre découvert au détour d’une flânerie dans ma librairie mère où deux arguments de poids m’ont décidé à l’acheter. D’abord le sujet, les derniers jours du prodigieux acteur Patrick Dewaere et puis la bibliographie de l’auteur. Un type qui a écrit des ouvrages dont les titres sont « L’effervescence de la pitié » ou « Marie-Madeleine », revêtant un caractère clairement catholique ne pouvaient que susciter mon intérêt.

Je me demande qu’elle est le niveau d’enquête qu’a dû mener Guépy pour pénétrer à ce point sans douter dans la psyché de Dewaere. S’est-il contenté de se documenter, compilant articles et interviews ou a-t-il poussé le vice de l’investigation en rencontrant tous les protagonistes qu’il cite et met en scène dans son livre ; au premier chef Claude Lelouch, omniprésent dans l’ouvrage en qualité de dernier metteur en scène de l’artiste sur « Edith et Marcel ».

C’est correctement écrit, on voit que l’on a affaire à un écrivain sérieux, appliqué et cultivé mais rien de suffisamment transcendant qui puisse laisser dire que l’on est en présence d’une personnalité véritablement singulière.

La thèse du bouquin est que, comme son titre l’indique, Dewaere est un fauve incontrable et instinctif alors que Guépy s’échine à nous prouver que sa réputation est exagérée voire carrément erronée. Mais si c’est hypertrophié, où est le fauve ?

Pour conclure, une belle tentative littéraire, celle de nous plonger dans les derniers jours d’une légende du cinéma français avant son suicide inexorable.

La narration des quelques jours de tournage avec Lelouch et Evelyne Bouix est passionnante pour qui s’intéresse un tant soit peu au cinéma hexagonal.

Et puis ce chauffeur de taxi, qui semble envoyé du ciel, démoniaque ou angélique, dialoguant avec le fauve pour un peu mieux le perturber, restera un personnage éminemment mystérieux.




Samuel d’Halescourt