vendredi 26 février 2016

Noix de Coco de Joseph Santley et Robert Florey (1929) Note : 8/20

Un début hasardeux pour les Marx




Quelle déception ! Je me faisais une joie de découvrir le premier long-métrage des Marx Brothers, quitte à y aller avec une bienveillance critique caricaturale.

Et pourtant cela n’aura pas suffi à trouver de l’intérêt ou une once de génie à Noix de Coco. Seul Groucho tire son épingle du jeu avec des dialogues, répliques et réparties faisant le mince sel du film.

Chico, quant à lui est inutile et Harpo, plus effrayant qu’amusant avec sa jambe folle, son air débile et ses talents de pickpocket. Et pour Zeppo, j’ai été incapable de l’identifier ne sachant toujours pas à quoi il peut bien ressembler.

Si ce film était réalisé aujourd’hui il serait implacablement le pire navet de son année, aussi bien sur le plan scénaristique que de la réalisation. Bien sûr l’indulgence voudrait que l’on considère que nous nous trouvons dans l’an 1 du vrai cinéma, le parlant et que nous sommes plus devant un morceau d’histoire qu’une grande œuvre. Mais cette mansuétude s’estompe lorsque l’on constate que John Ford accumulait déjà les petits bijoux à la même époque, puis tout au long des années trente.

Ce n’est pas affligeant mais c’est clairement mauvais, l’équivalent des bidasses en folie avec évidemment un Groucho disert en supplément.

Pour conclure, une petite chose, à la fois incontournable et parfaitement oubliable ou négligeable. Ne reste que le charme d’une époque lointaine où le septième art n’en était qu’à ces balbutiements, à l’édification de ses fondamentaux, de ses références, construit avec des moyens indigents et n’ayant aucune espèce de conscience de barboter dans la mare d’un art devenu majeur.








Samuel d’Halescourt

jeudi 25 février 2016

Préambule de la rétrospective intégrale des Marx Brothers à quatre (soit cinq films)


Le nom des Marx Brothers sonne comme une légende, une ancestrale renommée d’acteurs ayant marqués leur temps.

Jusque là une simple rumeur, un mythe oublié, dont seule nous est parvenue le célèbre slogan en forme de blague : « je suis marxiste tendance Groucho ! ».

Il faut encore savoir qu’à l’origine les Marx étaient cinq, puis quatre avant de finir à trois à l’instar de nos charlots nationaux. Et c’est bien sur leurs tribulations à quatre que je vous propose de porter l’intérêt.

Oublions « Humour Risk » de 1921, film perdu et à jamais enterré pour commencer notre étude avec « Noix de Coco » de 1929, le premier long officiel de la joyeuse bande et auquel succèderont quatre films.

Groucho, Harpo, Chico et Zeppo, quatre flammes du début du cinéma parlant dont l’écho est parvenu jusqu’à nous en ignorant totalement leur œuvre. Il est temps re remédier à ce manquement et de se plonger dans les cinq opus des Marx Brothers à quatre.




Samuel d’Halescourt

mardi 23 février 2016

Cabaret de Bob Fosse (1972) Note : 15/20

Berlin, 1931, entre fête, bohème et proto-nazisme


C’est toujours fascinant de voir une époque traitée par une autre ; ici les années trente vues par les années soixante dix et visionnées quarante ans après, cela crée une totale mise en abîme, un méchant vertige, une perspective étourdissante et algébriquement parfaite, les tranches décennales séparant les trois époques étant égales.

L’attraction du film est évidemment la prestation de Lisa Minelli qui donne quelques bonnes performances sur la scène de son cabaret, le Kit Kat Club.

C’est une histoire d’amour entre deux exilés américains dans un Berlin interlope sur fond de montée du nazisme, de miliciens au premier abord débonnaires mais se révélant ultraviolents.

Nous sommes du côté des riches, des artistes, des étudiants étrangers et des juifs, des catégories qui n’ont aucun intérêt à l’instauration du régime hitlérien et dont le point de vue ne peut éclaircir le pourquoi du comment du désir populaire.

La part musicale, les chansons délivrées sur la scène du cabaret sont excellentes et emblématiques, fidèles à ce que l’on attend de ce Berlin là, entrecoupée de scènes de la vie courante où une douce bohème s’abat sur nos héros, à l’âge de toutes les célestes désinvoltures. L’aventure et l’improvisation comme seul horizon. Bob Fosse fut certes un chorégraphe célèbre, mais un réalisateur confidentiel mise à part ce cabaret multirécompensé et oscarisé.

Pour conclure, un film agréable entre comédie musicale et romance vagabonde et éthérée.

Il est toujours difficile de dire qu’un film a vieilli, ce qui est une façon de dénigrer sans trop se mouiller ou paraître objectif. Du coup je m’en dispenserai et déclarerai simplement qu’il est un archétypal reflet de son temps. C’est la folie libertaire des années 70, transposée aux années 30 et fantasmée au travers de ce prisme hippisant. Même si cela reste très classique et que les artistes viscéraux, de cabaret ou non, ont toujours eu ce genre de vie.




Samuel d’Halescourt

samedi 20 février 2016

François le Petit, Chronique d’un règne – Patrick Rambaud (2016) Note : 12/20

Et Sarkozy le minuscule


Rambaud est un auteur qui suscite l’intérêt de l’époque mais on devine malheureusement, et avec ce livre un peu plus, que sa notoriété sera balayée par les années qui ne manqueront pas de s’écouler. Et pourtant « François le petit » a été écrit pour le futur, pour dans cent ans où l’on aura oublié Hollande et son règne comme on a aujourd’hui oublié Jean Casimir Périer et Armand Fallières, obscurs présidents de la IIIème république, pour une époque où l’on prendra plaisir à revivre un morceau d’histoire de France.

On peut aisément reprocher à Rambaud de manquer d’originalité, d’avoir la satire facile, même s’il ne fait que relater des faits avec des mots orientés, il recycle les poncifs les plus médiatiques en guise de critique.

Et satiriser, égratigner Hollande n’est en fait qu’une manigance pour dégoiser et dégueuler un peu plus sur Sarkozy qui est sa vraie cible, son véritable antagoniste. Il entérine définitivement sa déception du Hollandisme et sa haine du Sarkozisme.

Le style est classique, sans anicroche linguistique particulière, ça coule dans une certaine forme de banalité du langage. Sa seule fantaisie est l’emploi du mot coruscant dont je félicite l’emploi audacieux et qui m’a sorti de ma léthargie de lecteur devant le récit d’évènements vécus il y a peu, encore frais dans nos mémoires et dont la narration fait redondance.

Pour conclure, un livre faiblement drôle, stylistiquement poussif, littérairement mineur et pourtant relativement jubilatoire. Ses portraits des hommes et femmes politiques sont généralement assez savoureux et les titres qui précèdent leurs patronymes, qu’ils soient issus de la noblesse ou du clergé, marquent une certaine vérité au delà de la farce.

Ce bouquin réussit le tour de force d’être à la fois mineur et incontournable.




Samuel d’Halescourt



mercredi 17 février 2016

Quatorzième message du Kindred : Les secrets du métier


Dans peu de temps, nous serons hyper-réceptifs au moindre soubresaut du quotidien : le sas qui se referme, un rire trop appuyé, de l’alcool se déversant dans un verre, une démarche spécieuse, une main parcourant une chevelure ou celle de Dridge qui me tape sur l’épaule en me disant « on se débarrasse du deal maintenant ! »

L’échange s’est déroulé dans une chambre que Floyd et moi avons louée pour la nuit. Cinq mille cachetons de V-X autrement appelés Greyhead. La composition chimique, j’en sais foutre rien. Quant aux effets, il paraît que cela vous permet d’éprouver les sensations sensorielles d’un petit gris l’espace de quelques heures. Je parle par témoignage interposé, ne l’ayant pas testé moi-même. Ce genre de merde synthétique, je suis suffisamment néophobe pour en réfréner mon désir d’expérimentation.

Dridge nous a remis les 50000 HD prévus. Il pourra doubler son investissement s’il revend chaque pilule au prix du marché, à savoir 20 HD l’unité. Nous, nous doublons également notre mise de départ, l’ayant acheté 5 HD la dose directement à la sortie du laboratoire clandestin.

Dridge a rangé l’illicite marchandise dans une mallette et nous a priés de le suivre prendre un autre verre au bar avec lui et son pote Guillermo, le maître des lieux qui n’était autre que le barman qui nous avait servi nos Sméagols.

Cette fois-ci, heureux d’avoir engrangé beaucoup d’argent, nous nous sommes fait plaisir en commandant un Aragorn, un cocktail de roi, plus prestigieux que le meilleur des champagnes, un mélange d’une dizaine d’alcools parmi les plus rares et exotiques. 400 HD le verre, celui là je vous garantis que je vais le savourer !

Je vous recontacte prochainement.








Samuel d’Halescourt

jeudi 11 février 2016

Un léger passage à vide – Nicolas Rey (2010) Note : 15/20

Le Hank Moody francais (californication franchouillard)


Soyons objectifs, Nicolas Rey a une belle écriture mais ça n’a rien de transcendant. Pourtant j’adore ce qu’il fait, peut-être parce que je l’ai choisi et décidé d’aimer, juste comme ça, par détermination, l’intuition d’une sororité d’âme, d’un compagnonnage spectral et désespéré ou le fait que nous ayons fréquenté le même lycée.

Ce livre est une sorte de renaissance pour Rey, après un « Vallauris plage » qui n’était vraiment pas bon du fait de sa trop grande confusion et de son ankylose, celui-ci est un retour aux sources, celui de « Treize minutes » et « Mémoire courte ».

Cette autobiographie romancée, en forme de suprême joyeuseté, est un ravissement pour celui qui comme l’auteur a connu un léger passage à vide de plus d’une décennie ou qui le vit encore avec son cortège d’errances autodestructrices.

Entre son statut de père qu’il gère comme il peut, son rapport à l’amour, passé ou présent et ses différentes addictions qui le mèneront tout droit en cure de désintox, sans oublier son agent, personnage plus grand que nature, on subodore qu’il est bel et bien réel.

Ce bouquin pourrait devenir avec les années un bréviaire estampillé « paumé », au même titre qu’un Bukowski ou un Fante (père ou fils peu importe).

Pour conclure, un livre bien construit aux courts chapitres qui permettent d’attaquer directement aux tripes. Certes, légèrement boboïsant, mais qui n’a jamais frayé avec la bohême bourgeoisie lui jette la première pierre. Son personnage d’ectoplasme gauchisant prêt à vaciller à la première apparition du réel est assez jouissif et attendrissant.

Et puis le style est correct, complètement potable, il ne surnage pas mais se maintient dans la catégorie de ceux qui ont légitimement droit de cité.

Je me rends compte qu’avec « Un léger passage à vide », j’ai lu l’intégralité de la production de Nicolas Rey. Je n’en tire aucune gloriole personnelle, un simple sentiment de satisfaction. Mais on m’indique qu’un nouveau Rey est disponible en librairie. Je me rue de ce pas chez mon fournisseur habituel.




Samuel d’Halescourt

mardi 9 février 2016

The Artist de Michel Hazanavicius (2011) Note : 17/20

L’orgueil et la parole


Hazanavicius avait déjà frappé fort avec ses deux OSS117 et surtout le second, Rio ne répond plus, qui est une très grande comédie, certains dialogues y étant stratosphériques.

Et avec The artist, il réalise le coup de maître, un noir et blanc muet, unanimement salué et ovationné. Tous les honneurs qui lui ont été faits sont largement mérités et justifiés.

Ce vibrant hommage au cinéma d’antan, d’un hollywoodland au début de sa gloire, d’acteurs pionniers abattus en pleine ascension par l’arrivée du parlant dont certains puristes, voire fanatiques, prétendent qu’il signe la mort du vrai cinéma.

Nenni, c’est l’exact contraire, le vrai cinéma ne naît vraiment qu’avec le parlant, il y prend tout son corps, sa dimension pour devenir définitivement l’art total, la grande synthèse du théâtre et de la peinture.

Le film doit sa réussite au fait qu’il n’est pas un pastiche d’une œuvre des années 20 mais est au contraire très moderne. Par son montage, son découpage, il est très actuel et nous parle directement, son caractère muet n’étant qu’une coquetterie.

On a l’étrange impression d’avoir toujours connu ce George Valentin comme un comparse d’un Chaplin, d’un Keaton, d’un Lloyd ou d’un Fairbanks. Un Max Linder mâtiné d’un Rudolph Valentino.

A l’instar de « Je suis une légende », cette grande entité à la fois cynique et hautement catholique qu’est le chien joue un rôle important, prépondérant dans la construction du récit.

Pour conclure, un film atypique, un pari osé qui touche juste, destiné simultanément au grand public et aux cinéphiles les plus hardcores.

Une vedette qui rate le virage du parlant par orgueil et une absence de vision qui entraînera sa déchéance avant d’être sauvé par un bras amoureux et bienveillant.

Si seulement The artist avait convaincu certains spectateurs l’ayant vu que les profo-films du balbutiement cinématographique avaient quelque intérêt.

Pour un réalisateur, utiliser un acteur est toujours une forme d’engagement. C’est lié sa filmographie à la sienne. La courte apparition de Malcolm Mc Dowell est une façon de créer un lien indélébile, éternel entre l’acteur légendaire d’« Orange Mécanique » et « La Féline » avec l’œuvre d’Hazanivicius. Une parenté qui survivra au passage du temps.




Samuel d’Halescourt

jeudi 4 février 2016

Treizième message du Kindred : Un sméagol chez Daddi Tolkien


Notre nouvelle destination, Léda, un étrange bout de caillou, flottant au milieu d’un vide impeccable, avec pour seul décor toute l’armada du système jovien.

L’enseigne était visible à plusieurs dizaines de kilomètres à la ronde et affichait ses lettres phosphorescentes : Daddi Tolkien.

Le petit astromotel était le lieu de rencontre entre voyageurs itinérants en quête d’escale et ouvriers exploitant les mines du satellite venus se rassasier en alcool fantasque.

Le Kindred s’est posé sans encombre sur une des nombreuses places libres du parking spatial. Nous empruntons le long tunnel en forme d’accordéon qui mène au centre du cosmique estaminet. L’endroit est semblable à une taverne anglaise d’un haut Moyen Âge mythifié avec ses fausses pierres et ses imitations de bois traditionnel, son immense cheminée dans laquelle brûle un feu factice et ses tapisseries illustrant nains, elfes et hobbits.

Dans cette atmosphère chaleureuse, nous nous ruons au bar et après avoir succinctement consulté la carte des cocktails, nous commandons deux sméagols.

Le barman, un blondinet estropié exhibant par son bermuda sa jambe bionique, nous servit l’excentrique breuvage. Un mélange à base de gin et de malibu à l’intérieur duquel surnage une tête effervescente de Gollum qui est en fait un dérivé de morphine à haute teneur en caféine.

A côté de nous, deux rouquines aux peaux dichotomiques, l’une blanche et l’autre noire, boivent un verre dans d’indécents éclats de rire. Floyd me raconte ses exploits en ligne, je l’écoute d’une oreille, l’autre étant solidaire de mes yeux, braqués sur l’enchanteresse apparition mitoyenne.

Une fois le minuscule visage disparu dans la mixture, nous nous sommes empressés de l’ingurgiter avant d’en recommander un deuxième.




Samuel d’Halescourt

lundi 1 février 2016

Millénium – Les hommes qui n’aimaient pas les femmes De David Fincher (2011) Note : 16/20

I am a rapist pig (la sensation Rooney Mara)


D’abord... d’abord, il y a Rooney Mara dans le rôle de Lisbeth, grungeo-punkette tourmentée et asociale, bisexuelle et hautement vengeresse. L’incarnation est incroyable, au-delà du crédible, sensationnelle, on voit sous nos yeux l’éclosion miraculeuse d’une future grande actrice. Son personnage et ses épreuves, soumis à la turpitude d’un fonctionnaire social est le seul véritable intérêt du film.

Et puis il y a Michael, interprété par Daniel Craig qui, malgré son physique de boxeur Biélorusse, arrive à nous faire croire à la réalité de ce journaliste, écrivain et investigateur, embarqué dans la résolution d’une affaire de disparition dont on a l’impression de l’avoir déjà vue cent fois. Son personnage ne devient savoureux qu’à partir du moment où il entre en interaction avec celui de Mara. Une grande alchimie s’en dégage qui les poussera d’ailleurs à s’accoupler.

L’image est belle, léchée, personnelle, elle est Finchérienne, entre merveilleux et sordide. Ici on ressent la froideur scandinave, la pesanteur de l’enquête, la distance d’une famille richissime, le tout enrobé d’une magique irréalité propre au traitement des films de Fincher.

Pour conclure, du beau travail, des personnages originaux et captivants mais une histoire, une trame tellement galvaudée qu’elle confine à l’ennui.

Millénium aurait pu être un film de Polanski tant il se rapproche de l’atmosphère d’un « Ghost Writer ».

Fincher, sur ce coup là, s’inscrit comme un escroc de génie, capable de produire un bel objet de cinéma avec une matière pour le moins pauvre en atomes.




Samuel d’Halescourt