mercredi 25 mai 2016

Orgasme – Chuck PALAHNIUK (2016) Note : 13/20

Anticipation des nouvelles lubricités




Après « Damnés », roman pour le moins pusillanime et ouaté qui s’arrête au seuil du trash pour ne délivrer qu’une fantasmagorie infernale digne d’une adolescente biberonnée à l’eau de rose, d’une punkette sans vices (rebelle mais conforme), Polahniunk nous transmet cet « orgasme » qui a un peu plus d’intérêt dans ses modulations et son traitement.

Entre anticipation et allégorie, alternant des éléments crédibles, type hard-science, et des éléments surnaturels incohérents d’un point de vue physique.

« Orgasme » n’a rien d’un roman érotique, toutes les scènes de sexe, nombreuses, sont techniques, froides et cliniques, une simple expérimentation du geek milliardaire mettant au point ses produits Beautiful you. Si vous envisagiez l’excitation, passez votre chemin et c’est sans évoquer les séances avec baba Barbe-grise qui, si elles ne vous dégoûtent pas, vous laisseront dubitatif, spectateur d’un maître yoda qui aurait troqué la force par la lubricité.

Quant aux tableaux pouvant faire frétiller, cela se termine par la mutilation d’un pénis par des nanorobots agressifs lovés au fond du vagin de l’héroïne, Penny. De quoi largement faire débander une demi-molle à peine formée.

Le livre repose sur l’idée qu’une gamme de sexetoy révolutionnaire concentre les femmes sur leur désir au détriment de la société qui s’écroule irrémédiablement.

Pour conclure, Palahniuk est indispensable à la littérature contemporaine en ce sens qu’il ose pas mal de trucs que l’on ne voit nulle part ailleurs. Toujours satirique, il explose ici les codes du roman érotique typiquement féminin pour dessiner un futur envisageable fait d’orgasmes totaux qui ne sont que la mise en pratique de décennies de théories souhaitées.

Un bon livre qui, sans être exceptionnel, a le mérite d’être suffisamment original pour ne pas laisser indifférent, marque de fabrique du grand Palahniuk !








Samuel d’Halescourt

dimanche 22 mai 2016

Dix-septième message du Kindred : Tenir sa position dans les bas-fonds

Tenir sa position dans les bas-fonds


Ils m’avaient commandé quinze cachets de Red Gently autrement appelé la rouge. Un psychotrope des plus puissants qui vous plonge dans un délire hallucinatoire et cauchemardesque de plusieurs heures. A ne réserver qu’aux connaisseurs, à ceux qui savent jouer avec leur cerveau comme avec un élastique.

La légende veut qu’elle vous révèle vos peurs les plus profondes, les plus enfouies, les plus insoupçonnées et, ce faisant, qu’elle vous fasse gagner dix ans de psychanalyse. Elle enclencherait une connaissance accrue de vous-même.

Les deux acheteurs semblaient fébriles, donnant l’impression d’être peu habitués à ce genre de transaction. Un noir et un jaune, étrange association, surtout au XXVI ème siècle . Au premier abord, deux étudiants qui avaient pour projet d’arroser leur petit cercle d’amis de rouge.

Le marché se déroule au bas d’une ruelle sombre donnant sur l’entrée d’un train navette reliant Vance City à un autre dôme martien. La pénombre garantissait une certaine discrétion pour un acte hautement illégal, promettant quelques années de prison dans le cadre des lois de la fédération solaire.

Je me présente et m’assure de la bonne identité de mes clients :

  • Vous êtes Tony et Andy ?
  • C’est nous ! dit l’un des deux.
  • J’ai ce que vous m’avez demandé, continuais-je en sortant un petit sachet rempli de pilules écarlates.

Le noir sortit une liasse de billets de cinquante. Trente exactement pour aboutir au mille cinq cents Héllio-dollar réclamés. L’échange se fait, chaque trésor changeant de main.

  • C’est la première fois que vous m’achetez quelque chose ?
  • C’est pour nous et nos potes, soutint le jaune, ça fait un bail qu’on voulait essayer.
  • Si vous en revoulez ou quoi que ce soit d’autres, n’hésitez pas à me recontacter !

Sur quoi on se serre la main et les futurs consommateurs prennent la tangente. Je reste au milieu de ce cloaque urbain le temps de m’allumer une cigarette, une Jupiter’s extra, au filtre sucré et profondément addictif.

En inspirant une bouffée, je me demande qui était Tony et qui était Andy ?

Je vous recontacte prochainement.




Samuel d’Halescourt

samedi 14 mai 2016

Quatrième antienne du Kindred

L’avènement du troisième œil




Sorcier, magicien, chaman, marabout ou shogenja, autant d’appellations pour une même fonction, issue de la mutation de l’épiphyse. Excroissance hypertrophiée blottie dans une coque de métal à l’arrière du crâne, cerveau extérieur fragile, à la merci de l’assénement d’une arme malveillante. Les cliniques spécialisées délivrent leur traitement à ces quelques fous prêts à jouer leur santé mentale afin d’assouvir leurs sacerdoces surnaturels.

Leurs pouvoirs dépassent l’entendement, de la télépathie à la clairaudience, de la télékinésie à la thaumaturgie. Ils jonglent avec les éléments et la matière, l’électromagnétisme et la transmutation.

Hybridation entre le génie médical et le réveil des savoirs anciens, ils terrorisent ou réconfortent les âmes des peuplades rencontrées suivant la colorimétrie qui est la leur : magie blanche, noire ou rouge, pour les trois principales branches de leur art.

Lumière ou ténèbres, le troisième œil est un mode de vie au service d’une communauté primitiviste ou de missions rémunérées qui relèvent de leurs divines compétences.

Pas plus de cent mille dans le saint système solaire, ils s’organisent en cercles, confréries ou coteries, tous concurrents les uns des autres.

Malheur à celui qui les aura sur son chemin sans s’être préparé, il goûtera à la combustion spontanée s’il n’a pas anticipé l’ignifugeant.

Ils perçoivent d’autres dimensions, s’acoquinent souvent avec l’enfer et en convoquent les rejetons. Se confondant aux religieux, ils se font cybermoines, conjuguant l’ascétisme et la haute technologie. Mais même pour ces mutants du cortex, le fusil d’assaut reste un ami fidèle.








Samuel d’Halescourt

lundi 9 mai 2016

Penser l’islam – Michel Onfray (2016) Note : 14/20

Déchirement de l’interprétation


Il faut l’avouer, Onfray, pour ce livre-ci ne s’est pas cassé, le plus gros de l’ouvrage étant un entretien qu’il a eu avec une journaliste algérienne venue avec des questions salement orientées et d’une naïveté d’un autre bord.

Onfray fait assez vite la liste des sourates qui appellent au massacre et celles qui exhortent à la pondérence et sans en faire directement le constat, la balance penche irrémédiablement du côté du carnage pour celui qui se rangerait derrière une interprétation de la quantité des textes.

Il y développe encore une fois sa chère thèse sur les attaques occidentales envers les pays musulmans de ces vingt-cinq dernières années qui auraient déclenché celles dont nous fûmes victimes en 2015. Idée séduisante bien sûr mais n’ayant de seconde planète sous la main où ces incursions n’auraient pas eu lieu, constatant ainsi ce qu’il serait différemment avenu, nous ne pouvons la valider avec certitude et simplement y croire très fort pour ceux qui en sont capables.

J’apprends grâce à lui qu’en plus du coran et des hadiths, il existe un troisième livre fondamental qu’est la Sîra, une sorte de biographie officielle du prophète principal de l’islam et dont la sauvagerie, nous rapporte Onfray, est là aussi caractérisée.

Pour conclure, un livre intéressant, guidé par la raison et l’équilibre, ce qui peut défriser en temps de grande soumission. Les faits, rien que les faits, le texte, rien que le texte, et ainsi de suite en ce qui concerne le réel et la lucidité.

Je sens poindre la critique, il serait temps de lire le Coran (dans une traduction fidèle) pour se forger son propre avis, en effet il serait temps !

Mais en attendant le passage à l’acte et pour paraphraser Rockin’ Squat, en matière d’islam, j’écoute Eric Zemmour car il sait de quoi il parle, j’écoute Michel Onfray car il sait de quoi il parle.




Samuel d’Halescourt