mardi 27 octobre 2015

Casino Royale de Martin Campbell (2006) Note : 16/20

Casino Royale de Martin Campbell        (2006)

Ellipsis


La nouvelle ère bondienne, incarnée par Daniel Craig, s’ouvre avec maestria, surfant sur les codes cinématographiques du nouveau millénaire. La réinvention talentueuse d’un mythe, la réadaptation brillante d’une œuvre originelle, d’un socle imaginé par Ian Fleming.

Indéniablement, un grand James Bond, au scénario fouillé, imprévisible et surpuissant. Une réalisation virtuose et visionnaire où une partie de poker n’a jamais été aussi bien filmée. Elle rompt en ceci du dernier des Brosnam par une véritable maîtrise au service de la narration.

Les deux James Bond girls sont parfaites, Caterina Murino et Eva Green, conjuguant beauté et charisme (pas du niveau de Barbara Bach, n’exagérons rien) font étinceler, briller 007 d’une décharge communicative, d’une grâce engendrée par leur présence.

Le personnage du chiffre est particulièrement intéressant et impeccablement interprété (par Mads Mikkelsen), lui qui organise des attentats terroristes pour le compte de commanditaires et de surcroît joue en bourse la chute des compagnies qu’il vise. On comprend d’ailleurs qu’il avait anticipé le 11 septembre et fait un paquet de pognons. Etrange que les chiens de garde de la réalité vraie et officielle, toujours prompts à pourfendre ce qu’ils nomment la théorie du complot, ne s’en soient pas offusqués. Sûrement occupés à fouetter d’autres chats.

Pour conclure, un très bon film qui respecte la tradition tout en renouvelant avec brio le concept. L’inauguration du James Bond 2.0 connecté aux désirs visuels de l’époque. Pas de recyclage, de l’inédit et des avancées qui gratifient par sa pertinence le cerveau reptilien du spectateur.

A noter le troisième rôle de notre Simon Abkarian national qui nous fait plaisir en nous offrant une belle tête de méchant.

Les scènes d’actions, dont on pourrait subir la surdose dans ce type de film, sont bien tournées et surtout correctement distillées, juste ce qu’il faut. Long-métrage qui fait honneur à la catégorie espionnage.





Samuel d’Halescourt

samedi 24 octobre 2015

Sixième message du Kindred : De l’herbe et des livres

Sixième message du Kindred


De l’herbe et des livres




Je me dis que les petits gris ne peuvent s’empêcher d’entrevoir le monde par le prisme de celui qui l’aura le plus gros. Finalement chacun son aliénation. Les hominidés du sérail solaire en sont encore à celui qui l’aura la plus grosse.

Le centre ville m’ouvre les bras, pointant à la verticale ses monuments abracadabrantesques, tordus et colorés. Je m’arrête devant une borne civique et paye 10 HD pour avoir le droit de fumer une clope dans la rue. En grillant ma Jupiter’s, je flâne devant des boutiques en tout genre : armurerie, vidéoludisme, robotique, pharmacie ou autre caviste.

Je fais halte dans un débit de cannabis pour acheter dix grammes de Zelazny à Floyd. Dans la fédération, la vente de haschisch est légale à partir du moment où le taux de THC ne dépasse pas 17. Au-delà c’est le marché noir, la filière parallèle.

Après quoi, je m’arrête chez un bouquiniste, ces gardiens de la pensée non numérisés, ces exploitants de la tradition où le rayon ésotérisme s’est confondu avec le général. Le livre est un résistant, le rescapé de toutes les révolutions, réfractaire à toute évolution. La texture du carton de la couverture, l’odeur du papier, le chant des pages que l’on feuillette. Tout ceci est irremplaçable et ça ne s’explique pas. Une nostalgie, un sens de la transmission, la connexion spirituelle avec les générations qui nous ont précédés. Quelque chose d’intrinsèque à l’homme qui le rend dépendant et attaché à un support matériel de l’écrit. Mes entrailles m’en livrent le constat.

Je sors de la boutique avec une édition de généalogie de la morale de Nietzsche sous le bras préfacée par Zazé Mobb, la grande théoricienne du néo-individualisme, de l’eschatologie et des finalités alternées. Mon amour intellectuel.

Je vous recontacte prochainement.










Samuel d’Halescourt

mercredi 21 octobre 2015

Viscéral – Rachid Djaïdani (2007) Note : 13/20

Viscéral – Rachid Djaïdani (2007)


Théorème sur l’impossibilité de s’élever




Je me souviens avec émotion de « boumkoeur », son premier livre, que j’avais lu en fond de classe pendant les cours au lycée. Et puis « mon nerf », son deuxième, était assez enthousiasmant, bien écrit et original, du moins par le souvenir que j’en garde.

Quant à celui-là, donc son troisième, il me laisse un goût de laisser-aller et de facilité. L’histoire est intéressante voire prenante plus on se rapproche de la fin mais le style est décevant, entrelardé de comparaisons plus souvent dignes d’un rappeur amateur que d’un écrivain solide et crédible ; même si on se prend d’affection pour Liés et Shéhérazade, les deux protagonistes principaux de cette fable urbaine, cette tragédie bitumeuse, ce conte à la sauce banlieue.

Cela ressemble furieusement au scénario d’un film qu’il n’a pas réussi à monter et qu’après moult tentatives, il se serait décidé à en faire un roman afin que ses personnages vivent d’une façon ou d’une autre.

Chacun des titres des chapitres commence par « à l’heure », une manière plus ou moins subtile d’affirmer que l’on est dans un récit basé sur la temporalité et la coïncidence. Le temps fait ici figure de destin, tout s’imbrique, chaque rencontre est un prétexte au dénouement final.

Pour conclure, un livre mineur, jetable ou échangeable s’il faut être sévère.

Un roman de gare des zones périphériques où le style de Djaïdani a le cul entre deux chaises, hésitant en permanence entre classicisme et renouveau formel.

Malgré tout une certaine douceur perceptible émane du récit, dissimulée au milieu d’une violence inhérente à l’environnement, l’auteur nous dit que la pureté, celle de l’âme, est encore possible. Bonne petite histoire mais au traitement poussif, sans dimension, prise au piège par la petitesse morale des personnages secondaires, archétypes de jeunes de quartier qui ne cessent de vaciller.

Le titre du bouquin ne tient pas ses promesses, ici rien de viscéral !







Samuel d’Halescourt

vendredi 16 octobre 2015

Conversations d’un enfant du siècle (2015) Frédéric Beigbeder Note :15/20

Conversations d’un enfant du siècle (2015)    Frédéric Beigbeder


Où Finkielkraut est détendu et d’Ormesson vulgaire.




Beigbeder s’entretient avec quelques écrivains qu’il a en haute estime, qu’il admire et par sa déférence retenue obtient une somme de confidences proprement géniales qui éclairent l’œuvre de ces graphomanes intempestifs qu’on adore.


Une interview de Houellebecq, quand elle est bien menée, c’est toujours un peu du Houellebecq, une apostille essentielle à l’œuvre en cours et qui restera au même titre qu’une correspondance pour en éclairer les obscures aspérités.

Contrairement à un travail de journaliste classique, Beigbeder les met à l’aise et par une joyeuse et saine connivence recueille de ses chers écrivains non seulement leurs pensées mais leurs regards pertinents sur leurs propres travaux.

Il convoque dans un même ouvrage la virulence parfois trash des représentants les plus emblématiques du litterary brat pack (McInerney et Easton Ellis) et la douceur stylistique de nos écrivains les plus académiques (Finkielkraut et D’Ormesson). Cette alliance, ce mélange d’écoles et de générations est tout ce qui peut ravir l’homme ouvert, toujours avide d’associations insolites.

Une belle occasion de découvrir des auteurs, que Beigbeder semble considérer comme fondamentaux, tels Bernard Franck ou Albert Cossery dont je n’avais jamais entendu parler. Rattrapant ma crasse inculture (de nouveau merci wikipédia), Cossery a l’air des plus intéressants, écrivain de la paresse, de l’oisiveté, bref du non-travail, il ne peut que susciter un sincère intérêt.

Pour conclure, si vous avez envie de découvrir des écrivains sous des angles jusque là inconnus, précipitez-vous sur ce bouquin où Beigbeder s’impose comme un des maîtres de l’entretien littéraire.

L’auto interview ou les interviews posthumes sont particulièrement savoureuses et relèvent pour le coup d’un vrai travail littéraire.

Beigbeder, sectateur du divergeant et de l’éclectisme, il reprendrait j’en suis sûr cette maxime de mon cru qui est ma devise, « je préfèrerais toujours quelqu’un de brillant à quelqu’un qui pense comme moi ! »








Samuel d’Halescourt

mardi 13 octobre 2015

Cinquième message du Kindred : L’esprit goguenard de l’extrasolaire

Cinquième message du Kindred


L’esprit goguenard de l’extrasolaire



-  Floyd… Floyd ?
-  Hein !
-  Le mécano devrait repasser dans une heure, tu vas assurer ?
-  Aucun problème !
-  Je vais voir notre type pour l’arrangement, à tout à l’heure !
-  Ouais !


Je quitte l’astroport sans vraiment me soucier de l’état de Floyd. Il a l’habitude d’avancer en eaux troubles, l’esprit dévissé, appréhendant un réel mouvant et déstructuré. Je pense aussi au mécanicien qui n’aura pas en face de lui un interlocuteur mais une montgolfière à sourires, à l’iris replié et luisant.

Je monte dans la navette qui mène au centre du dôme. J’en suis pour cinq HD. Ici rien n’est gratuit et si tu veux de la gratuité, va vivre sur Terre, avec les chiens !

Dans le fond du wagon se trouvent trois Zeta-Réticulien (des petits gris) et tout le monde a les yeux braqués sur eux. Evidemment, ils sont nus comme des vers et ça ne leur pose aucun problème. Ils émettent des bruits étranges à la sonorité batracienne et robotique, un langage bizarroïde en guise de communication orale.

C’est la deuxième fois que j’ai le privilège de contempler de telles créatures. Je n’en perds pas une miette. Leur encéphale est proprement fascinant, en comparaison de leur corps de nain malingre.

Peut-être que dans leur borborygme idiomatique, ils s’échangent des blagues, de la pure plaisanterie aliénigène, les boute-en-train de leur unité. Je me mets deux secondes à leur place, j’essaie d’entrapercevoir leur pensée : « regarde moi ces résidus d’anthropoïdes, un demi-millénaire d’avancées tous azimuts depuis leur petit pas d’homme sur la poussière sélène et toujours aussi névrosés. S’ils n’ont pas leur quatre mètres carrés de textile autour du gigot, ils paniquent comme un atome de baryum sous cent mille degrés. Et vise leur le bulbe, un cortex aussi petit fait peine à voir. Une fois qu’on y a fourré quatre sentiments et deux réflexions, le bordel est surchargé : 1450 cm3 en moyenne, une taille qui chez nous les ferait passer pour des animaux domestiques. »

Je vous recontacte prochainement.



Samuel d’Halescourt

dimanche 11 octobre 2015

Top 10 des meilleurs long-métrages

Top 10 des meilleurs long-métrages


Etabli dans l’humeur du moment, films sélectionnés parmi un petit trois mille de visionnés, comme ils ont ressurgi des méandres de ma mémoire.


  1. - Wonder Boys de Curtis Hansen
  2. - Histoire de fantômes chinois de Chuin Siu-tung
  3. - Les sept samouraïs d’Akira Kurosawa
  4. - Pulp fiction de Quentin Tarantino
  5. - Lost Highway de David Lynch
  6. - Anything else de Woody Allen
  7. - Cyborg d’Albert Pyun
  8. - The game de David Fincher
  9. - Conan le destructeur de Richard Fleischer
  10. - Yojimbo (le garde du corps) d’Akira Kurosawa


(bonus) 11 – Aniki, mon frère de Takeshi Kitano
(bonus 2) 12 – A tombeaux ouverts de Martin Scorsese
(bonus 3) 13 – Jack Burton dans les griffes du mandarin de John Carpenter




Certains se demanderont si je ne me suis pas trompé de Conan ? Non, non, c’est bien celui-là, le deuxième, le film de série B, j’assume !


Il y a une autre provocation dans la liste, saurez-vous la déceler ?












Samuel d’Halescourt

mercredi 7 octobre 2015

Amarcord de Fédérico Fellini (1973) Note : 17/20

Amarcord de Fédérico Fellini (1973)


Exégèse d’un peuple


De Fellini je suis un néophyte, je le confesse, avec celui-là je n’avais vu que la Dolce Vita et les Vitelloni. Je ne pourrais donc le juger dans la globalité de l’œuvre mais comme une singularité, une unicité dépourvue de cadre.

Amarcord, je me souviens, Fellini raconte ses souvenirs d’adolescent et c’est prodigieux, du cinéma inventif et foisonnant, fourmillant d’idées.

C’est le portrait, l’incarnation d’une Italie qui semble éternelle et pourtant si lointaine où même le fascisme relève du burlesque.

L’exploration d’une humanité que l’on trouvera réjouissante ou repoussante selon son paradigme. La figure de la prostituée nymphomane qui erre de-ci de-là, une galerie de professeurs dont les comportements et les caractères n’ont pas changé depuis presque un siècle, un frère aliéné mental qui hurle perché en haut d’un arbre qu’il veut une femme, un narrateur qui nous guide face caméra, comparable au cow-boy dans The Big Lebowski, une gironde buraliste qui initie notre héros au contact mammaire, un oncle improductif et philosophe dans son attitude qui mène la grande vie et une Magali Noël, vénusté mature, qui hante les fantasmes de tous.

Je passe sur le curé obsédé par le possible onanisme de ses jeunes ouailles, celles-ci s’en donnant à cœur joie entassées dans une voiture.

Pour conclure, une œuvre magistrale, émouvante, profonde et drôle dont la seule ambition est de décrire le petit peuple tout simplement, le commun, aux mauvaises manières noyées dans un bain de solidarité et d’amour diffus.

Quant au fascisme de l’époque, il est très éthéré, les gens se disant : « si tu veux le pouvoir, vas-y exerce le, pendant ce temps là nous on fait nos vies ».

Si de Fellini tout est du même tonneau qu’Amarcord, alors oui c’est grand.






Samuel d’Halescourt

lundi 5 octobre 2015

Première antienne du Kindred : Glorification de l’eugénisme androïdique

Première antienne du Kindred


Glorification de l’eugénisme androïdique




Le psaume est bionique, le cantique cybernétique, l’intelligence est artificielle et de plus en plus perfectionnée. Au seuil de la conscience, des sentiments et du plaisir, une nouvelle engeance mimétique, indétectable, naît au cœur du système. Visage sans sourire, épiderme d’imitation, leur destin est la servitude, esclave domestique de races naturelles, authentiques ou à la génétique modifiée.


Au rebus les modèles d’occasions, les antiquités obsolètes au profit d’évolutives avancées, triées et sélectionnées par de transhumanistes scientifiques affiliés à la constante fidélité au progrès technique.


L’évangile est cyberpunk, la litanie substitutive et futuriste, le simulacre est doué d’un langage intelligible. Réification du méta-être, du deuxième homme, de l’ontologie bio-informatique , holisme mécanique, usinage humanoïde à la chimie parfaite.


Trois multinationales se partagent la confection, corporations puissantes aux brevets partagés, pieuvres capitalistiques, amassant l’hélio-dollar.


Souvent à l’usage sexuel, de la Skydoll à la cyberbabe, copie de pornostar de tous les formats, sublimation du libidineux céleste et du désir cosmique.


Le négligeable, force de travail, aux emplois sans attrait, dissimulé parmi la foule, exécute et interprète.


Lois de la robotique, Asimov en prophète, règles non transgressives, le programme l’interdit.


Gloire à l’androïde.










Samuel d’Halescourt