Le juge et l’assassin de Bertrand
Tavernier (1975/76)
L’anarchiste de Dieu
Galabru mérite mille fois son
césar du meilleur acteur, il est incroyable dans le rôle de
Bouvier, ce fou, ce psychopathe illuminé, ce vagabond nihiliste,
cette canaille enragée à l’affliction parfois lyrique. Bouvier,
dont les méandres de son cerveau esquinté lui font répéter cette
formule qui sonne comme un suprême oxymore : je suis
l’anarchiste de Dieu. Même si l’anarchisme chrétien a existé
sous le grand patronage, l’égide de Tolstoï, il reste une
bizarrerie. Peut-on se détacher de tous les dogmes en se réclamant
du plus institutionnel d’entre eux ?
Pour conclure, un grand film dont
on ne sait jamais où se situe vraiment Bertrand Tavernier, quel est
son tropisme, sa part partisane. A mon avis il se contente de décrire
une situation, de filmer un état de fait, sa présentation est
clinique, dessinant des personnages forts ; sauf à la fin
évidemment où un panneau incrusté nous rappelle que pendant que
Bouvier commettait ses meurtres, des milliers d’enfants tombaient
dans les usines sans procès pour leurs dirigeants.
Le titre n’est pas mensonger,
il s’agit bien de l’histoire d’un juge et d’un assassin.
Petit clin d’œil à Gérard
Jugnot dans un rôle de photographe, un de ses premiers. Question
fondamentale pour l’acteur, vaut-il mieux obtenir un micro-rôle
dans une œuvre majeure qui sera toujours vue par une armada de
cinéphiles français dans les siècles avenirs ou un rôle majeur
dans une fiction médiocre, oublié dès sa sortie ?
Samuel d’Halescourt