jeudi 26 février 2015

Glaneurs de rêves – Patti Smith Note : 13/20

Glaneurs de rêves – Patti Smith

La reine proto-punk a eu une enfance




Micro ouvrage d’à peine une centaine de pages agrémenté de photographies prises par l’auteur
ou d’elle petite fille.

C’est une belle évocation de l’enfance avec sa mélancolie bucolique et sa fantasmagorie enivrante.
Une certaine forme de licence poétique, de la prose nostalgique qui prend racine dans les tourments d’un âge adulte consommé, au bord du gouffre, noyée par la déprime, se rattachant à la pureté d’un monde perdu pour ne pas sombrer de façon définitive.

Ce n’est pas non plus le livre du siècle mais il y a quelque chose de surprenant et de touchant à sa lecture ; se dire que Patti Smith en est l’auteur est assez troublant. Rien de rock, de furieux, d’énergique, d’acidulé ; simplement une courte complainte relevant presque d’une certaine forme de fantaisie quotidienne, quasiment un conte oublié de Tolkien, les glaneurs de rêves au bout de la juvénilité.

Pour conclure, un texte assez beau, plein de poésie autour de choses simples, d’impressions, de ressentis, de palpations littéraires.

A conseiller à ceux qui aiment les mots quand ils sont doux et les phrases quand elles sont tendres.


Merci Bruno pour le livre.




Samuel d’Halescourt

jeudi 19 février 2015

Le roi disait que j’étais diable – Clara Dupont-Monod (2014) Note : 12/20

Le roi disait que j’étais diable – Clara Dupont-Monod (2014)


Troubadours et croisades




Livre intéressant, une espèce d’apostille au « trône de fer » de Martin, mais dans un passé bien réel, un moyen-âge authentique, courtois et parfois somptueux.

Texte à deux voix, celles d’Aliénor d’Aquitaine et Louis VII ; deux points de vue sur les évènements et les sentiments.

Ils se répondent mutuellement, chassés-croisés entre la dureté d’Aliénor et les largesses de louis, débonnaire par amour.

La forme présente une accumulation de phrases courtes, voire lapidaires avec des mots orientés, les profs de français parleraient de champ lexical, tournant autour de thèmes médiévaux.

On les suit tous les deux jusqu’aux croisades, troubadours dans les bagages d’Aliénor, conseillers dans ceux de Louis.

A la fin du roman, les deux époux se séparent, allant jusqu’à réclamer et faire appliquer une obscure loi de l’église qui interdit un mariage entre cousin jusqu’au cinquième degré. Aliénor rejoindra ensuite Henri Plantagenêt.

C’est relativement bien écrit, dans la définition du mot correct, même si on se perd parfois, la subjectivité des deux héros rendant alambiquée la trame historique.

Pour conclure, livre agréable quoique confus parfois, qui délivre un regard littéraire sur des personnages lointains et partiellement oubliés car il est vrai qu’à part les férus de l’histoire de France, la figure de Louis VII est quelque peu méconnue.

Le tout relève d’une belle ambition, faire de l’histoire brute un roman d’amour à sens unique, une bluette non partagée

Malheureusement le livre n’est pas assez fort pour qu’on ait envie de se plonger dans le reste de la bibliographie de l’auteur.







Samuel d’Halescourt

mercredi 11 février 2015

Poème personnel : Toi mon adolescence, mon spleen ! (2003)

Poème personnel : Toi mon adolescence, mon spleen ! (2003)




Toi mon adolescence, mon spleen !




Tu m’as donné le goût de l’extrême
Du marginal, des femmes qu’on aime


Tu m’as ouvert le cœur et l’esprit
De l’alcool et du shit, j’ai tout pris


Tu m’a donné l’immortelle chaleur
D’un manteau protégeant ma candeur


Tu m’as ouvert le ventre début septembre
Avec la peur de sombrer en décembre


Tu m’as donné bien plus que l’horizon
Des bribes de bonheur dans d’autres maisons


Tu m’as ouvert au second cycle de rue
Sur nos pas vacillants et nos gerbes crues


Tu m’as donné la clef du coffre des fantasmes
Pauvre pandore inquiète, livrée au marasme


Tu m’as ouvert la route qui mène à l’allégresse
Refermée comme un rideau sanglant de détresse


Tu m’as donné des frères, de l’amitié le sens
Dont ne reste aujourd’hui que la reconnaissance






Samuel d’Halescourt

dimanche 8 février 2015

Pas pleurer – Lydie Salvayre (2014) Note : 13/20

Pas pleurer – Lydie Salvayre (2014)

Durruti est mort


Ah ! le Goncourt ! C’est toujours un rendez-vous que l’on ne saurait manquer.

Ce n’est pas un livre sur la guerre d’Espagne mais qui se passe pendant la guerre d’Espagne, ce qui fait une grande différence. C’est avant tout un témoignage, romancé certes, de la mère de la romancière, la grande histoire par son petit bout de lorgnette.

Le récit est truffé de jargons espagnolisants et de barbarismes inventés par la mère ; mais aussi de mots rares et littéraires, tel que munificent, qui veut dire très généreux, et c’est très agréable d’être confronté à un vocabulaire d’élite qui nous fait plonger dans le dictionnaire.

Il y a également l’évocation permanente de Bernanos et de son grand cimetière sous la lune, de son dégoût des massacres couverts par l’église catholique, sa si chère église catholique. Livre de Bernanos à lire, indubitablement. La guerre larvée et sous-jacente entre anarchistes et communistes incarnée par deux personnages, le frère et le futur époux de la narratrice, nous montre qu’au-delà de l’idéologie, ce sont aussi et avant tout des rancœurs personnelles qui les agitent.

Le titre de l’ouvrage reste énigmatique, « pas pleurer », difficile d’identifier ce à quoi cela peut faire référence. Et en fait si, c’est ce moment où enceinte de son amant français rencontré pendant ses pérégrinations libertaires, elle doit épouser le parti que sa mère a choisi, accepter son sort comme une adulte, ne pas pleurer.

Pour conclure, un livre bien écrit, d’une grande exigence, que ce soit au niveau du vocabulaire ou du style. Un voyage dans les méandres d’un conflit qui opposa quatre factions, les unes massacrant les autres à tour de rôle.

Est évoquée la figure de Durruti, célèbre anarchiste de l’époque, que je ne connaissais pas et dont l’annonce de la mort soudaine et suspecte rend furieux l’anar qui en rend responsable son rival communiste.

Histoire passionnante et fascinante, prix Goncourt mérité, faute de mieux !



Samuel d’Halescourt

vendredi 6 février 2015

La vie, l’amour, la mort de Claude Lelouch (1969) Note : 11/20

La vie, l’amour, la mort de Claude Lelouch (1969)


Quand la guillotine fonctionnait encore.




Du Lelouch engagé, dénonçant la peine de mort, on pouvait craindre le pire. Et finalement ça se laisse regarder malgré quelques longueurs et un manque significatif de moyens, bon pas au niveau de Smic Smac Smoc que l’on pourrait rebaptiser le Charles Gérard show mais tout de même.

Le film repose sur les épaules d’Amidou, le Jean-Paul Belmondo du pauvre, qui s’en sort avec un relatif brio.

Lelouch ne joue pas la facilité dans son plaidoyer anti peine capitale. Il aurait pu mettre en scène un innocent injustement condamné. Non, il propose de raconter l’histoire d’un vrai tueur, de prostituées en l’occurrence, qu’il assassine à l’aide d’une obscure technique de karaté qu’il a appris dans les dojos. C’est un tueur compulsif dont on peut se demander si la place est dans une geôle ou dans une structure psychiatrique.

Ici sa place sera la cellule, emprisonné après le verdict, attendant la sentence, le couperet.

A l’annonce de sa condamnation à mort, le film passe de la couleur au noir et blanc qui souligne le caractère pathétique, la froideur administrative et l’absence d’espoir qui accompagneront désormais le personnage principal.

La peur, la terreur qui étreignent Amidou au moment de passer à la guillotine est palpable et fait, quoiqu’on pense du sujet, froid dans le dos. Du Kafka, peut-être mérité, mais du Kafka.

Pour conclure, un film mineur de Lelouch et largement oublié, à juste titre, pas pour le sujet mais par le traitement.
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Un Lelouch singulier, avec un message, heureux de l’avoir exhumé.








Samuel d’Halescourt

mardi 3 février 2015

Cosmopolis de David Cronenberg (2012) Note : 15/20

Cosmopolis de David Cronenberg (2012)

« Ma prostate est asymétrique »


Tout commence avec le plan d’ouverture, un long travelling sur une rangée de limousines blanches autour desquelles s’affairent leurs chauffeurs. Puis arrive Pattinson en compagnie de son garde du corps, figure du golden boy qui a réussi, de la start-up à la fortune.

C’est l’histoire de ce jeune homme, désespéré, au bout d’un cycle, quasiment nihiliste. Les protagonistes défilent dans sa limousine et lui exposent leur part de vérité.

Quand une foule anarchisante massacre sa voiture de graffitis, il ne réagit pas, au contraire, il fait corps avec cette fin de monde, le rat devenu hypothétique monnaie d’échange, balancé dans un restaurant où il mange avec sa récente femme.

Son errance le pousse au délire, à l’assassinat de son garde du corps ce qui n’a, à priori, aucun sens si ce n’est celui de se débarrasser de son garde fou afin d’affronter son destin, sa chute, sa descente aux enfers.

Etat suicidaire, logique autodestructrice, il supplie sa maîtresse de le tazer, se tire une balle dans la main, ne réagit pas quand l’arme est pointée sur sa tête prête à tirer avant l’écran noir.

Un film à base de dialogue, ça parle tout le temps, ce qui n’est pas pour me déplaire, surtout quand l’échange est à base de supputations, d’envolées pseudo-philosophiques ou de platitudes sublimées.

Pour conclure, un film à l’atmosphère pesante, un héros éthéré et perdu, une limousine pour fil conducteur, une ville assiégée de manifestants enragés.

L’ensemble reste très mystérieux, le message n’est pas évident, la perte de repère d’un homme riche et puissant qui se jette volontairement dans la gueule du loup après un périple typiquement New-Yorkais : discussions, scènes de sexe et un meurtre froid et incompréhensible.

Film magnifique par l’esthétique, l’ambiance flirtant avec le cyberpunk, la galerie de personnages, du plus sage au plus barré.

Et cette angoisse qui rend humain Pattinson dans son nihilisme et qui revient : « ma prostate est asymétrique ». Un bon film de plus de l’iconoclaste Cronenberg.








Samuel d’Halescourt