mardi 29 mars 2016

Ecoute le chant du vent (2016) - Haruki Murakami 15/20

Le Rat, bières et cigarettes

Merveilleux premier roman de Murakami qui peut donner de l’espoir à tous les écrivaillons en herbe en levant la difficulté de la mise en pratique, il suffit simplement de jeter sur le papier tout ce qui nous passe par la tête, sans se soucier d’une quelconque structure.

Murakami signe ici son « moins que zéro » remplaçant la drogue par bières et cigarettes dont le personnage principal est friand, lui arrivant même d’en fumer plus de 6000 en six mois, seul Gainsbourg pouvant faire mieux.

C’est avant tout l’histoire d’un type qui coule des bières avec son pote le Rat au J’s bar et qui vivra une succincte histoire d’amour avec une fille aux réflexions originales et n’ayant que quatre doigts à l’une des mains.

C’est singulier et très imaginatif, d’une grande créativité, d’un sérieux bouillonnement cortéxical aussi bien au niveau du récit que des dialogues. C’est d’ailleurs la première fois que je vois l’esquisse d’un T-shirt en guise de chapitre, le 14ème pour être précis.

Murakami invente, par le truchement de son narrateur, un auteur de science-fiction fictif, Derek Hartfield qui est censé l’avoir profondément inspiré et c’est tellement bien fait que je m’y suis laissé prendre, croyant à l’existence réelle du génie qu’il aurait pu être.

Pour conclure, si tous les premiers romans étaient de cet acabit, il y aurait plus d’écrivains à suivre.

C’est mon premier Haruki Murakami et je suis heureux de l’appréhender dans le respect de la chronologie suivant la méthode Houellebecqienne, celle des acharnés qui veulent que l’on remonte la rivière tels des saumons dévoreurs de mots pour démarrer à la source.

J’avoue que ma passion pour son homonyme, l’autre Murakami, le génial Ryu, m’avait un peu obscurci et entravé l’approche d’Haruki, chose désormais réglée, l’impasse étant levée, je vais me délecter de sa bibliographie, à commencer par son second roman Flipper, 1973.








Samuel d’Halescourt

dimanche 27 mars 2016

Le Choc des Titans de Desmond Davis (1980) Note :16/20

Le dernier acte d’un cinéma englouti


Je me souviens que, préadolescent, j’étais tombé sur un film au hasard du zapping d’un après-midi de vacances avec une scène très étrange qui m’a marqué où un jeune héros frisé venait à bout de la gorgone Méduse. Il m’aura fallu plus de vingt ans pour identifier ledit film et c’était le choc des titans.

Il conclut une ère, celle des effets spéciaux à l’ancienne et qui aura duré plus de soixante dix ans, de Méliès à l’œuvre ultime de Ray Harryhausen.

A sa date de sortie il était déjà anachronique, suranné et pourtant ce qu’il perd en fluidité, il le gagne en poésie. Car c’est le caractère poétique qui est la principale qualité du film avec l’animation image par image de toutes les créatures, du Pégase à Méduse en passant par le Kraken, le chien à deux têtes ou les scorpions géants.

Dans une vision purement rôlistique, ce serait un efficace scénario solo de Donjons et Dragons, dirigé par un maître de jeu des plus compétents.

Le casting est excellent et ajoute à la qualité, les incarnations de Persée, d’Andromède et Zeus sont impeccables, sans compter ce qu’on appellerait aujourd’hui le petit caméo d’Ursula Andress et la présence de Burgess Meredith, notre Mickey bien aimé.

Pour conclure, un fantasy-peplum légèrement ovniesque, réalisé par un inconnu mais orchestré par une légende de l’animation qui aura fait le bonheur de générations amatrices de bestiaires monstrueux qui prennent vie sur l’écran.

Glaive, bouclier, casque d’invisibilité et hibou mécanique d’or et d’argent, autant de présents offerts par les dieux et éléments décisifs de l’avancement du récit. Brandir la tête décapitée de Méduse devant le boss final pour le transmuter en pierre est simplement une idée géniale.




Samuel d’Halescourt

dimanche 20 mars 2016

Les yeux du dragon (1995) – Stephen King note : 14/20

Nini, drôle de nom pour un dragon




Un conte pour adolescent de la part de Stephen King, on pouvait craindre le pire et puis finalement non. Dans sa catégorie c’est plutôt bon, ça pourrait même figurer comme un livre additionnel au trône de fer de George RR.Martin, Delain devenant un territoire isolé de Westeros. Car au-delà du caractère merveilleux intrinsèque au conte, c’est de la pure dark fantasy, bien sombre, violente et sans concession, ce qui n’est pas étonnant lorsque cela sort de l’imaginaire ombrageux de King et retentit d’évocations sobrement malsaines et horrifiques.

La figure du méchant de l’histoire, Flagg, n’est pas sans rappeler l’empereur de Star Wars et sa folie meurtrière finale, Jack Torrence de Shining, complètement hors de contrôle.

Le seul dragon de l’histoire est très vite tué par le roi Roland vieillissant dont la tête est érigée comme trophée dans la salle royale destinée à l’exposition de tous animaux victimes de la chasse. Et c’est au travers de ses yeux que Thomas verra l’affreux Flagg donner la coupe de vin empoisonné au roi. Peter injustement accusé et emprisonné dans l’aiguille pendant de nombreuses années.

On peut d’ailleurs déplorer tous les chapitres qui traitent de la confection de la corde réalisée par Peter et qui sont passablement ennuyeux. Contrairement à ceux parlant de Ben, Naomi et Dennis qui au cœur d’un royaume enneigé participent à l’avancement d’une belle et noble histoire.

Pour conclure, un conte qui ressemble à l’œuvre de King malgré la jeune lectrice unique pour laquelle il fut rédigé. Du perroquet à deux têtes, du husky qui renifle les odeurs semblables aux couleurs, un dragon occis dès l’entame et des personnages savoureusement humains dans une structure monarchique et médiévale hormis le magicien pluri-centenaire et adepte de la fourberie et du machiavélisme.

L’ambiance générale qui se dégage du livre est des plus réjouissantes, hivernale évidemment, elle accompagnera à merveille un bon feu de cheminée pour ceux qui ont la chance d’en avoir une.








Samuel d’Halescourt


jeudi 17 mars 2016

Monnaie de singe de Norman Z.McLeod (1931) Note : 14/20

Croisière et gangstérisme




Un mélange entre La croisière s’amuse et Scarface, l’original, celui d’Howard Hawks.

Troisième film des Marx Brothers et la qualité ne cesse d’augmenter, ici épaulé par la présence de Norman Z. McLéod à la réalisation qui n’est pas une légende de l’industrie cinématographique mais apporte tout de même un petit plus et sa filmographie n’est pas si dégueu.

Les quatre frérots sont clandestins sur un paquebot de croisière et ils feront les quatre cents coups de l’absurde pour échapper aux autorités maritimes qui les traquent. Puis dans la deuxième partie du film ils seront au cœur d’une guerre que se mènent deux gangsters, l’un enlevant la fille de l’autre, que les Marx, notamment Zeppo, libéreront, les clowns se transformant en héros.

C’est à front renversé, les âneries d’Harpo étant plus drôles et pertinentes que d’habitude et Groucho a un peu moins de verve qu’à l’accoutumé.

La scène finale dans la grange est une espèce de dénouement de série B, la folie des Marx en prime.

Monnaie de singe est au final une bonne comédie, produit d’un scénario bicéphale taillé sur mesure pour les quatre frères, même si Chico est finalement un peu oublié et incontestablement inutile dans son emploi de moins en moins défini.

Pour conclure, un film léger qu’il faut juger sans anachronisme brutal, on est en 1931 et ça reste le haut du panier de l’époque avec un Groucho toujours star de l’équipe, capable de répliquer et désorientant le raisonnable le plus élémentaire.

Espérons que le prochain suive l’évolution de la courbe qui veut qu’il soit supérieur.








Samuel d’Halescourt




lundi 14 mars 2016

A Dangerous Method de David Cronenberg (2011) Note : 17/20

Collision au sommet ou la guerre des premiers psychanalystes




Un film tout bonnement magnifique. Cronenberg avance et se réinvente tout en gardant quelques obsessions qui lui sont propres, mettant en scène les relations mouvementées des précurseurs d’une nouvelle discipline aux confins de la psychologie, de la philosophie et de la médecine.

Les images et les cadres somptueux que subliment un peu plus une palette d’acteurs géniaux qui viennent s’incorporer à des décors quasiment surnaturels de par leurs beautés.

Mortensen en Freud est impeccable, interprétant à merveille le père fondateur de la psychanalyse et de ses théories sexuelles alambiquées et tordues. On apprend qu’il rejette en partie Jung de son petit cercle du seul fait qu’il n’est pas juif. Etrange qu’il n’existe pas de mot pour cette forme inversée d’antisémitisme. Peut-être l’antigoyisme qui, d’après le film, serait l’origine de l’éloignement des deux pionniers.

Selon une théorie toujours brillante de mon psy, la seule motivation d’un réalisateur dans la conception de son film serait le désir d’une seule et simple scène, le reste n’étant que sueur. Si l’on s’y fie, Cronenberg n’aurait réalisé « A Dangerous Method » uniquement pour la scène de fessée que reçoit Keira Knightley et accessoirement pour les dialogues dits par Vincent Cassel alias Otto Gross. Gross, personnage fascinant, anarchiste libertaire et toxicomane soigné quelques temps par Jung.

Pour conclure, une œuvre soignée, exigeante qui met en scène des intellectuels de haut niveau ayant marqués l’histoire de la pensée, en proie à leurs pulsions et qui nous démontre un peu plus que désir et intelligence sont deux animaux irréconciliables.

Knightley dans son interprétation de Sabina Spielrein et de ses crises d’hystérie au début du film est complètement crédible, submergée par l’angoisse , son visage en portant les stigmates, on peut affirmer que c’est bien joué.

Quant à Jung, au centre du film, la connexion commune des autres protagonistes, il est dépeint avec tellement d’élégance que l’on n’en vient à développer l’envie de lire sa production littéraire.








Samuel d’Halescourt




mercredi 9 mars 2016

Quinzième message du Kindred : Léda, terre de bamboche


Nous nous sommes regardés avec Floyd et nos yeux se sont accordés. Notre envie de fête et d’alcoolisation prononcée était limpide et semblable.

Mon sumotori s’enchaîne les Sylvebarbes pendant que j’alterne Gimli et Bombadil. La musique qui tourne en boucle est une espèce de transe féerique aux accents psychédéliques.

Nous sympathisons assez vite avec les deux rouquines, Ashley et Marilyn, qui se révèlent être deux néo-beatniks en goguette ayant pour but de visiter l’intégralité du système solaire habité. Egalement avec le patron, Guillermo, qui nous dit que ce serait cool que l’on vienne passer le réveillon du nouvel an dans son établissement. On y réfléchira !

Quant à Dridge, il s’est sauvé après avoir payé son coup, trop heureux de jouir des perspectives entreprenariales qui s’offrent à lui.

Floyd avait porté son dévolu sur Ashley, celle aux petits seins de bakélite et il s’y cassera les dents comme à son habitude, ne représentant rien sur le marché féroce de la séduction, il sera ramené à son statut de « négative creep » obèse.

En ce qui me concerne, je ne bougerai pas une oreille par solidarité, accomplissant la grande communion fraternelle des minables.

Nous nous sommes pieutés extrêmement tôt le lendemain matin et réveillés sur le coup de midi le cerveau en vrac.

Il nous faudra trois jours pour rallier Mars, notre vieille cité nous attendant en bas. Je sens déjà sa moiteur putride et mécanique envahir l’air, Vance City étant plus que jamais en proie à l’indolence qui la caractérise. Rien ne s’y passe jamais vraiment. Et puis il y a Evasine, ma belle hybride.

Je vous recontacte prochainement.




Samuel d’Halescourt



(Ici se terminent les premiers messages introductifs et commence la grande épopée du Kindred, « La Dernière Odyssée »).

vendredi 4 mars 2016

Les enfants qui mentent n’iront pas au paradis – Nicolas Rey (2016) Note : 16/20

Petit traité déguisé de politique élémentaire




Mon libraire fétiche avait bien le dernier Rey en rayon. Cette noble maison que je soupçonne de gauchisme attardisant et ostracisant Millet, Finkielkaut ou autre Zemmour, distribue encore l’auteur qui nous intéresse ici, ne s’étant encore jamais distingué médiatiquement de quelques saillies considérées comme réactionnaires. Infamie suprême chez le bisournous.

La thèse du livre est simple et se résume ainsi : les sentiments sont toujours plus forts que la morale ou l’idéologie. Leçon de vie élémentaire que l’on intègre généralement avec l’adolescence. Ici c’est l’amour qui gagne par KO devant les préjugés politiques du personnage principal.

Personnage qui semble être le seul type normal, le français moyen anarchisant uniquement mue par ses désirs et pris en tenaille par le parti national et la horde de parents d’élèves boboïsant encore plus intolérant que les premiers au nom évidemment de la tolérance, paradoxe commun à tout ce qui gravite au-delà du centre gauche.

Nicolas Rey nous gratifie de quelques scènes de sexe crues, certains diront trash, mais il faut être relativement humble dans le jugement de cette matière au référentiel fluctuant, chacun se voyant être le déviant de l’autre.

Il nous recase également cette citation qu’il aime tant et empruntée à Lévi-Strauss tirée, si mon souvenir est bon, de « Race et Histoire » : « Le barbare c’est celui qui croit à la barbarie », sur laquelle il y aurait beaucoup à dire, un peu comme l’abyssal slogan de mai 68 : il est interdit d’interdire.

Pour conclure, un des meilleurs livres de Rey. Du sous-houellebecq évidemment mais c’est le lot de tous les auteurs contemporains du maître.

Par amour pour Catherine (sosie de Sigourney Weaver) et dépendance de l’exultation du corps, il se rapprochera du parti national, faisant tomber les précautions qui étaient les siennes. Et comment l’en blâmer ? Il suit une pente logique qui apparaîtra limpidement à tous avec le temps, le général de Gaulle s’est réincarné et porte le jupon.








Samuel d’Halescourt

mardi 1 mars 2016

L’Explorateur en Folie de Victor Heerman (1930) Note : 12/20

Du Lovecraft sans épouvante


Largement supérieur à « Noix de Coco », cet Explorateur en Folie reprend les recettes du premier opus mais en les améliorant, donnant un film tout à fait convenable.

Film composé de trois parties bien distinctes qui s’imbriquent les unes dans les autres : les saillies verbales de Groucho, l’histoire du vol de tableau et les délires d’Harpo. Scénario complètement délirant que vous déconseilleraient formellement d’écrire ces escrocs que sont les professeurs de scénario qui n’ont jamais rien fait dans le cinéma et prétendent vous donner les clefs de la réussite. Du siècle écoulé, si les cinéastes avaient suivi leurs conseils et méthodes, la moitié des chefs d’œuvre du septième art n’auraient jamais vu le jour. Que dis-je la moitié, quatre vingt dix pour cent.

Il y a une unité avec le film précédent, une sorte de diptyque où l’on est clairement dans du théâtre filmé, le plus gros de l’histoire se passant dans une seule et même pièce. Etat larvaire de l’œuvre des Marx Brothers, début en forme de laboratoire de leur humour pour un cinéma parlant embryonnaire.

Le capitaine Spaulding (Groucho) apparaissant à l’écran avachi dans un palanquin porté par quatre africains en habits de folklore, est une grande scène, drôle et politiquement incorrecte.

Pour conclure, un film correct mais relativement bancal, un style collectif en gestation de par le scénario et la réalisation jusque là assurée par le contraire d’une pointure.

Un Groucho excellent comme dans le précédent qui sublime ce qui serait sans lui de la pure médiocrité cinématographique.

Un Harpo toujours aussi inquiétant, entre l’ahuri et le demeuré qui aurait clairement sa place en hôpital psychiatrique, Chico ne suffisant pas à canaliser sa folie.

Et un Zeppo (cette fois identifié), impeccable, le clown blanc de la troupe, accumulant classe et style ; il est la caution traditionnelle sérieuse du projet et on regrette qu’il n’ait pas plus de scènes.




Samuel d’Halescourt