dimanche 30 novembre 2014

Hugo Cabret de Martin Scorsese Note : 16/20

Hugo Cabret de Martin Scorsese                                                                                 Note : 16/20



Hommage à Georges Méliès !


Le vingt-deuxième film de Scorsese, si j’ai bien compté, est étonnement un film pour enfant.

L’auteur de « Mean Streets » et « Casino » a commis un film pour enfant, pari audacieux quand on sait que l’expérience aboutit la plupart du temps au médiocre.

Mais on est loin des ridicules « spy kids » de Robert Rodriguez qui resteront comme une tâche dans une filmographie pourtant excellente ou de Luc Besson et ses minimoys, drôle de mode qui voit de bons réalisateurs s’abaisser à parler aux morveux. John Ford ou Hitchcok l’ont-ils fait ? certainement pas ! et pourquoi pas un film pour gamin de Tarantino pendant qu’on y est !

Pourtant Scorsese, lui, réussit à faire une œuvre qui parle au cinéphile.

Scorsese ne tombe pas dans ces pratiques avilissantes qui consistent à abaisser son niveau et le propos pour ne pas perturber les marmots. Il propose un hommage aux précurseurs du septième art, au burlesque muet par l’intermédiaire du personnage joué par Sacha Baron Cohen, à l’immense Georges Méliès, père de toutes les œuvres spéculatives, berceau de l’imaginaire.

L’automate est un personnage central du film, qui le définit irrémédiablement comme steampunk, cet univers à part où le mécanisme à la Jules Verne réglementerait tous les aspects de la science. Nous sommes donc face à un hybride qui aurait pour parents Oliver Twist et Steamboy.

Comment ne pas évoquer la galerie de personnages, parisiens typiques du début du XXème siècle dont le majestueux Christopher Lee, superbe dans son rôle de vieux libraire.

Pour conclure le cinéma se rend hommage à lui-même, un géant met en scène la figure d’un autre géant, le conte pour enfant délivré n’étant qu’un alibi.

Si vous aimez Scorsese, vous ne serez pas déçu et pas surpris que le maître New-Yorkais se réinvente encore une fois dans une fin de carrière que l’on espère longue.

Si vous avez gardé une âme d’enfant, vous serez scotché par la magie et la reconnaissance tardive de Méliès.

Et puis Christopher Lee…



Samuel d’Halescourt

mercredi 26 novembre 2014

Contagion de Steven Soderbergh Note : 14/20

Contagion de Steven Soderbergh                                                                                    Note : 14/20


Mais où sont les zombies ?

Voilà un film original, dont le protagoniste principal n’est rien moins qu’un virus, hautement meurtrier et contagieux qui ferait passer Ebola pour un petit rhume des foins. Virus que l’on verra naître, vivre en infligeant une cohorte de décès et puis s’éteindre par la magie d’un vaccin, dénouement proche du deus ex machina.

Le casting est prestigieux, de Kate Winslet à Jude Law en passant par un Matt Damon en père dépassé par les évènements dans un monde post-apocalyptique qui se dessine, une Marion Cotillard dont la mini histoire est assez incongrue mais quel plaisir de voir notre petite française au milieu de ce panel de stars. Et enfin Laurence Fishburne, toujours impeccable, crédible dans son rôle de médecin.

Il y a en fait cinq films en un, cinq destins plongés dans la tourmente, oeuvrant pour leur survie, le salut de l’humanité ou un scoop.

Soderbergh est un touche à tout passant d’un blockbuster à un film expérimental jusqu’au moyennement confidentiel. Celui-là appartient à la troisième catégorie et est mené d’une main de maître. Sans fioriture, la réalisation au service de l’histoire, qu’elle soit tragique ou stimulante.

Le plus fascinant est de voir et suivre les épidémiologistes faire leur travail et remonter jusqu’à l’origine de l’épidémie devenue pandémie.

Contagion est finalement le premier film de zombies sans zombies, dans sa version Romero, puis reprise par différents jeux vidéo et l’inénarrable « the walking dead », reprenant tous la théorie du virus initié par le maître du genre.

Pour conclure, Soberbergh réalise là un film abouti, j’irai jusqu’à dire palpitant, un thriller médical au goût optimiste, l’humanité se relève de tout, passe toutes les épreuves et triomphe à la fin.

Si vous aimez Soderbergh, vous ne serez pas déçu de découvrir une fois de plus un film qui ne ressemble ni au précédent ni au suivant, marque de fabrique d’une œuvre sans unité qui fait son charme. Si vous aimez les films de virus flirtant avec le post-apocalyptique, allez-y.

Enfin à voir juste pour Laurence Fishburne, un des cinq meilleurs acteurs afro-américains de l’histoire.



Samuel d’Halescourt

dimanche 23 novembre 2014

Je suis vivant et vous êtes morts – Emmanuel CARRERE Note : 15/20

Je suis vivant et vous êtes morts – Emmanuel CARRERE                                                      Note : 15/20



L’origine du simulacre

Ah ! Une biographie, que dis-je une hagiographie, du maître Philip.K.Dick. Phare parmi les phares. Templier de la schizophrénie. Héraut des mondes paranoïaques de demain.

Il faut vous dire que Philip K. Dick est un des dix plus grands auteurs américains du
XXe siècle. Il est incontournable tel Balzac pour le XIXe français.

Le passage le plus intéressant de la vie du champion de l’ucronie est sans conteste celui où il accueille tous les paumés et junkies chez lui lorsqu’il revit son adolescence à quarante ans passés.
Et puis la fin de sa vie où il se croit être un des premiers chrétiens de l’empire Romain. L’écriture du troisième testament « Exégèse ». Qui aura le courage de publier ces 8000 pages de mystique Dickienne, qu’on voit fleurir les premiers adeptes de cette nouvelle église.

Le livre est bien écrit, on suit avec passion les différentes étapes de la vie du Dick ; ses nombreuses compagnes, ses ambitions, les villes qu’il a fréquentées.

Je découvre donc Carrère et sa belle plume, sons sens de la narration et de l’évocation.

Il résume et décrypte les meilleurs romans : Ubik, le Maître du Haut Château, Coulez mes larmes dit le policier, Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?, Substance mort et bien d’autres…

Il y a aussi ses romans classiques qui n’ont rien à envier à un Jim Thompson ou à un John Fante.

Pour conclure, si vous êtes un fondu de Philip K. Dick comme moi, cette biographie vous ravira, vous renseignera et vous enrichira. Vous pouvez aussi la lire pour Carrère qui démontre là une certaine sororité d’âme avec tous les passagers du Kindred.

En tout cas l’alliance des deux donne un cocktail détonnant. Simplement la vie et l’œuvre du dernier prophète.




Samuel d’Halescourt

mercredi 19 novembre 2014

Skin Trade – George R.R Martin Note : 4/20

Skin Trade – George R.R Martin                                                                                 Note : 4/20

Loup-garou à tous les étages

Mauvais, mauvais et mauvais ! Trois fois mauvais !

Sur le papier, les protagonistes sont pourtant intéressants : deux détectives privés, un tueur en série, une flopée de loups-garous dont un des détectives.

D’abord le style, indigent au possible, digne d’une rédaction de CM2. Des phrases lambda, sans goût, sans saveur, des descriptions bâclées.

Puis l’histoire, banale, vue et revue malgré la présence toujours sympathique de lycanthropes. C’est faible. Le tout ressemble à une mauvaise série fantastique pour adolescents (pléonasme), à du Stephen King mal inspiré (pléonasme partiel).

Pourtant George R.R. Martin n’est pas n’importe qui, c’est le Tolkien américain version dark fantasy, l’auteur du génialissime « Trône de fer », saga nerveuse aux multiples rebondissements, passionnante de bout en bout, en tout cas jusqu’au tome 10 (Le Chaos) là où j’en suis.

Alors comment ce Martin là, prolifique et talentueux, a pu commettre ce « Skin Trade » abominable, cette menthe à l’eau insipide, ce reliquat de la littérature fantastique contemporaine.

Enfin ce livre date de 1989 et peut-être qu’en cette année de chute de mur, il apportait quelque chose de nouveau. Enfin vampires et lycanthropes feront toujours recette, ces créatures chéries de mon adolescence autrefois confidentielles aujourd’hui à la mode, donc dévoyées, horriblement dépeintes et aseptisées devenues romantisme de l’époque c’est-à-dire à l’opposé de son sens initial.

Pour conclure, si vous êtes un admirateur de George R.R. Martin et que vous avez à cœur de lire l’intégralité de son œuvre, vous devez évidemment lire ce livre. Si votre passion pour les loups-garous est supérieure à votre exigence de qualité littéraire, vous pouvez aussi tenter le coup.
Pour les autres, commencez le « Trône de fer ».


Samuel d’Halescourt

mardi 18 novembre 2014

Le suicide français – Eric ZEMMOUR Note : 18/20

Le suicide français – Eric ZEMMOUR                                                                                Note : 18/20


Eric ZEMMOUR, le flamboyant, délirant mais génial.



Zemmour, le Morpheus français, qui nous offre ici la pilule destinée à nous ouvrir les yeux, à nous débrancher de la matrice soixante-huitarde, à cette propagande que l’on nous fait avaler à la petite cuillère depuis qu’on est gosse. A cette alliance peut-être contre nature mais ô combien historique entre les libéraux et les libertaires.

Ce livre, que dis-je, cette somme, ce condensé d’analyse pertinente, diaboliquement lucide, cette antidote à la zombification consumériste nous apprend pèle-mêle ou nous rappelle que DE GAULLE c’était du lourd quand même, que l’immigration eh bien « le patronat l’exige », qu’ « Hélène et les garçons » a dévirilisé toute une génération, que Pierre Perret est un grand naïf culpabilisateur, que le football n’est plus ce qu’il était et que Pétain aurait aussi droit à son révisionnisme.

Ces analyses sont parfois tirées par les cheveux mais ô combien justes ; la justesse qu’ont les raisonnements des grands paranoïaques, forte de conviction, rationnelle, ça tient la route.
Eric ZEMMOUR est un cercle Proudhon à lui tout seul, capable de réconcilier, de gauche comme de droite, tous les adversaires d’un libéralisme débridé qui emporte tout sur son passage : économie, mœurs et déplacement de population.

Le suicide français est le livre d’un homme rétif, rebelle, qui, dans les années cinquante, aurait juste été un type normal et qui passe aujourd’hui pour le porte flambeau des insoumis de tous poils, des derniers dinosaures qui bougent encore, des jeunes qui comptent bien faire à leurs parents ce qu’eux-mêmes ont fait aux leurs : une révolution ! Dialectique subtile entre conservatisme et révolution. Le conservateur d’un jour étant le révolutionnaire d’un autre, uniquement défini par l’idéologie dominante du moment.

Pour conclure, achetez ce livre pour ceux qui aiment quand ça pense, au marteau ou à la tronçonneuse, pour ceux qui pensent comme moi que plus c’est délirant, plus c’est génial !


Samuel d’Halescourt