Prose de la dernière lumière
Les personnages, un homme
et son fils, n’ont pas de noms. Relégués au rang d’ectoplasmes
errant dans des paysages plus ou moins urbains, recouverts de
cendres. Peu importe leur identité, ils sont déjà morts, la
désolation ayant tout emporté.
Un goût d’apocalypse
envahit le moindre de leurs gestes, de leurs paroles, conditionnés
par la nécessité que confère l’impératif de la survie. C’est
la mise en mot d’un grand sentiment d’absurde qui nous étreint
face à la fin des temps, des dernières convulsions d’une poignée
d’hommes sur terre.
Le livre est savamment,
minutieusement découpé en minuscules chapitres, presque des
versets, d’un ou deux paragraphes tout au plus qui s’agglutinent
entre eux et déroulent la cauchemardesque agonie de nos héros.
Comme si un dieu
assoupi ouvrait régulièrement les yeux pour voir où en sont ses
dernières créatures, leur avancement au milieu des cendres. Un
dieu, qui n’ayant plus de fidèles pour lui donner persistance par
consciences interconnectées, s’éteindrait lui aussi à tout
jamais tel un soleil obstrué par un hiver nucléaire. Et ce
démiurge, en l’espèce, c’est Mc Carthy qui signe à la fois la
fin des hommes et la fin de sa carrière littéraire dans un même
élan crépusculaire.
Là où ça pèche, le
grand défaut du livre, c’est le style bien trop sommaire,
accompagné d’un vocabulaire des plus minimales. Quant aux
multiples tentatives de produire de la prose, ça tombe
irrémédiablement à plat, aucun effet poétique ne l’emporte. Un
peu léger pour un prix Pulitzer !
Pour conclure, « la
route » est une œuvre moyenne, qui aurait son petit éclat
chez un aficionado du post-apocalyptique mais une faible importance
dans un transgenre littéraire globalisant.
Ayant vu le film
d’Hillcoat avant de découvrir le bouquin, je pensais naïvement
qu’il y avait bien plus dans le second que dans le premier, qu’il
s’y trouvait peut-être des réflexions hautement philosophiques
intraduisibles à l’écran d’où sa relative propension au rien.
Eh bien non, le film est fidèle au livre, inconséquent !
Mais il demeure néanmoins
un élément captivant, c’est cette obsession des cendres. Car il y
est toujours question de cendres, le monde étant visiblement devenu
un immense cendrier.
Samuel d’Halescourt