samedi 27 décembre 2014

Roman de gare de Claude Lelouch (2007) Note : 11/20

Roman de gare de Claude Lelouch 

Manipulation et Usurpation


Ce qui fut sera, ce qui s’est fait se refera et il n’y a rien de nouveau sous le soleil ! Du Lelouch pur jus malgré quelques nouveautés. On retrouve ses deux marottes : émission de radio omniprésente et plans de route (caméra posée à l’avant d’une voiture roulant).

Le casting est prestigieux, enfin dans une dimension franco-française : Fanny Ardant, Audrey Dana, Dominique Pinon, Zinedine Soualem et Michèle Bernier. Cherchez l’erreur ! Je n’ai rien de spécial contre Michèle Bernier mais sa présence est clairement une faute, les scènes où elle apparaît nous font plonger dans un vulgaire téléfilm.

Pinon est excellent dans l’ambiguïté, entre nègre frustré de Fanny Ardant et tueur compulsif potentiel.

Les images sont de belles factures, léchées, classiques mais caractéristiques. Lelouch a su imposer une ambiance par le cadre, l’image, le choix des décors. Le passage dans la ferme, chez Myriam Boyer, contient toute l’essence du film, la pierre angulaire, un court-métrage dans le long-métrage.

Le scénario est malin, soufflant le chaud et le froid, en perpétuelle tension, au cœur d’un suspense haletant. A noter la performance de Serge Moati dans son propre rôle, animateur télé dépassé par certains membres de son public.

Un Lelouch qui signe un renouveau, le début du dernier cycle de sa carrière.

La scène finale, Fanny Ardant se jetant du haut d’une série d’escaliers, constitue la morale du film. L’imposture, l’usurpation ne paient pas et vont même jusqu’à rendre fou au point de se jeter dans le vide.

Pour conclure, Lelouch réveille l’auteur qui est en lui. Pas un film majeur, que ce soit dans l’absolu ou dans sa filmographie, mais film agréable qui pourrait figurer en bout de queue de son top 10.

Bon casting, scénario valable, mise en scène à la fois classique et personnelle, à voir comme tous les Lelouch quand on s’intéresse un tant soit peu au cinéma français.





Samuel d’Halescourt

mardi 9 décembre 2014

Shining, l’enfant lumière – Stephen King (1977) Note : 10/20

Shining, l’enfant lumière – Stephen King                                                                             Note : 10/20


Attaqué par un buisson


Concernant Stephen King, j’ai d’abord lu « Docteur Sleep » et « Joyland », les derniers livres publiés. Lecture plutôt agréable mais à des années lumières de ce que j’attendais de l’auteur culte qu’on m’avait vendu.

Palliant cette déception, je me rue sur Shining, œuvre historique, fantastico-horrifique du maître, me disant que dans les débuts j’appréhenderais la véritable essence de King.

Pari perdu, ce n’est pas mal écrit mais côté horreur on reste sur sa faim, à part la folie de Jack Torrance et la femme fantôme aperçue par Daniel, l’épouvante n’est pas au rendez-vous. Le comble de la peur ne saurait être incarné par les buissons tueurs, certes en forme d’animaux, notamment en lion, mais des foutus buissons quoi !

Le personnage le plus intéressant est sans conteste Dick Hallorann, le cuisinier, lui-même affublé du don, mais d’un degré inférieur à celui du petit Danny, figure bienveillante qui sera celle du sauveur.

La chambre 217 de l’hôtel Overlook concentre toute la tension du roman, point de rendez-vous de l’épouvante, vision de l’horrible, agitation de la terreur, le générateur de l’effroi.

Le livre est un pur roman Américain, dans les codes et l’atmosphère, les paysages et les couleurs.


C’est évidemment un livre sur une famille en déliquescence, un père, ancien alcoolique et violent pris de crises de démence, une femme qui veut protéger son fils et ne pense qu’au divorce puis à fuir. Et un fils capable de voir des morts et doué de télépathie avec ceux qui partagent son don même si c’est à un niveau plus faible.

Pour conclure, Stéphen King n’est pas un grand écrivain du point de vue du style, c’est formel et basique mais on est obligé de louer ses vertus en matière d’imagination.

Le côté horrifique n’est pas au rendez-vous, alors que c’est le principal argument du livre. Peut-être que King n’est pas le maître du genre dont on l’affuble ou est-ce suranné, nos générations ayant déjà vu dix fois pire au cinéma et in fine l’épouvante « kingienne » nous semble bien sage.

C’est tout de même un classique, lisez-le !



Samuel d’Halescourt

lundi 8 décembre 2014

Poème personnel : Le dernier anarchiste tendance cyberpunk

Le dernier anarchiste tendance cyberpunk




Je suis
l’étymologie avec un flingue,
le fer à repasser sur le drapeau noir,
l’équarrisseur de paradigmes,
la sextape de Bob Marley,
l’origine de l’anomalie,
l’ennemi du verbe,
l’ensevelisseur d’évidences,
le bureau des hurlements,
l’épanchement cosmique et raisonnable,
le cauchemar du troupeau,
l’avalanche sourde et paranoïaque,
le primaire embrassant le complexe,
le délire mégalomaniaque le plus abouti,
l’ordination des épouvantails,
le chant de la régénération,
la bible, juste la bible,
la solitude des archipels,
Dieu et ses cyborgs sexuels,
la lame scindant l’alternative,
l’apaisement des dictateurs exilés,
le stigmate d’une civilisation pré-spatial,
l’anachronisme perturbateur,
le déviant repenti.


Samuel d’Halescourt

dimanche 7 décembre 2014

Chéri-Chéri – Philippe Djian (2014) Note : 9/20

Chéri-Chéri – Philippe Djian                                                                                           Note : 9/20

Travesti et gangster


Annonçons la couleur, j’aime Philippe Djian, « Vers chez les blancs » est pour moi un des meilleurs romans français de ces vingt dernières années, si ce n’est le meilleur. L e fait d’affirmer que Philippe Djian est un grand auteur est purement subjectif, je ne sais pas s’il sera là encore dans cent ans, contrairement à Houllebecq, qui lui objectivement le sera et on le lira comme on lit Proust ou Céline aujourd’hui.

Ceci étant posé, Djian n’écrit plus qu’un bon livre tout les trois livres. « Oh … » était excellent, « Love song » très moyen et ce « Chéri-chéri » insoutenable dans l’insipide. A force de privilégier le style à l’histoire, on risque gros, surtout quand le style n’est pas réellement au rendez-vous, il n’y a plus rien.

L’histoire, un écrivain confidentiel se travestit le soir venu dans un cabaret façon Michou, se voit contraint pour rembourser une dette à son beau-père mafieux de profession, de participer à un recouvrement avec Robert, bras droit du même beau-père. A la fin l’écrivain couche avec sa belle-mère. C’est en effet assez mince, juste quelques idées balancées sur la table, alibi pour ne pas complètement basculer dans l’abstrait.

Le style maintenant, certes agréable mais pas au niveau, un niveau d’excellence dont on sait Philippe Djian capable d’atteindre, il nous l’a déjà prouvé.

C’est donc un livre sur le travestissement, déconnecté de toutes pulsions homosexuelles, comme un jeu d’enfant, innocent et ludique, détaché de tout problème d’identité, d’un homme qui souhaiterait devenir femme, non, simplement une immense farce de carnaval, un travestissement festif. Denis pourrait aussi bien se déguiser en Batman ou en Pokémon, se serait aussi dépourvu d’arrière-pensée.

Pour conclure, il ne faut pas juger Djian sur ce simple opus, qu’il faut appréhender comme l’élément d’un édifice plus large qui s’appelle son œuvre, une œuvre magnifique, délectable, jouissive.

Mais si l’on juge le livre seul, de façon isolé, il faut reconnaître son caractère mineur, son absence de souffle, la succession de phrases molles.

Espérons que la prochaine cuvée de Djian sera de meilleure facture.



Samuel d’Halescourt

jeudi 4 décembre 2014

Constellation – Adrien Bosc (2014) Note : 16/20

Constellation – Adrien Bosc                                                                                                  Note : 16/20


Un drame aux Açores


Voilà un livre particulier, j’irai jusqu’à dire une idiosyncrasie littéraire. Un récit-enquête sur un événement phare de l’après guerre, l’écrasement sur le flanc d’une montagne, le mont Redondo, sur l’île de Sao Miguel, aux Açores, de l’avion transportant Marcel Cerdan, le Lockheed Constellation F-BAZN.

Le style y est clinique, descriptif, pas froid mais sans lyrisme excessif. Juste et très bien ficelée, la narration est limpide, on avance chapitre après chapitre, dans les méandres de l’investigation post-crash et l’évocation des passagers de l’avion qu’ils furent célèbres ou anonymes.

Adrien Bosc remet au goût du jour un mot sublime comme prosopopée et le livre est en effet une immense prosopopée (l’art de faire parler les morts) qui met en scène les défunts dans leur vie quotidienne. Que ce soit Marcel Cerdan, Ginette Neuveu, cinq bergers basques ou Kay Kamen, personnage fascinant, pionnier du marchandising en contrat avec Disney, créateur de la fameuse montre Mickey, les dix pages qui lui sont consacrées sont savoureuses.

Les enquêteurs n’ont trouvé aucune explication au crash de l’avion, Adrien Bosc nous faisant suivre les avancées de l’enquête, les mois passant.

Les citations mises en exergue au début de chaque chapitre sont bien trouvées, je cite de mémoire celle de Voltaire qui m’a parlé : « les grammairiens sont aux écrivains ce que le luthier est aux musiciens ».

On ne verra donc jamais ce combat, qui serait resté légendaire entre Marcel Cerdan et Jack La Motta, le fameux Raging Bull de Scorsese, à cause entre autre d’une Edith Piaf tellement impatiente de revoir son bombardier marocain qu’elle le convainquit de prendre l’avion plutôt que le bateau.

Pour conclure, nous sommes là face à un très bon livre, didactique, intelligent, agréable aussi bien sur le fond que sur la forme.

Adrien Bosc est un jeune auteur à suivre à l’instar d’un Joël Dicker, ajoutant au plaisir de la lecture la découverte de l’écrivain et l’embryon d’une œuvre que l’on prendra plaisir à suivre au fur et à mesure qu’elle s’étoffera au long des années.




Samuel d’Halescourt

mardi 2 décembre 2014

Rochester, le dernier des libertins de Laurence Dunmore Note : 17/20

Rochester, le dernier des libertins de Laurence Dunmore (2004)                                  Note : 17/20


Festin et agonie


L’adage était donc vrai : un mauvais film avec Johnny Depp ça n’existe pas ! Même dans un film pourtant mineur passé quasiment inaperçu, d’un réalisateur inconnu au bataillon, Depp délivre une performance époustouflante, passant par tous les stades du jeu.

Pas facile d’incarner John Wilmot, deuxième comte de Rochester, le Sade anglais, en moins sordide et plus truculent, d’une bonhomie toute Rabelaisienne, exhibant une sexualité lumineuse et roborative teintée de burlesque, évidemment excessive et outrancière mais rien à voir avec le malsain du divin marquis.

Peut-être que je me trompe mais j’ai l’impression que le film a été tourné à la bougie, à l’instar d’un Barry Lyndon qui donne des cadres parfois partiellement obscurs, amenant une ambiance à la Ravenloft (pour les vieux rôlistes qui connaissent) ,mais sans barde loup-garou, comte vampire ou chevalier fantomatique.

La maladie contractée par Rochester dont les dégâts sont présentés dans les vingt dernières minutes, constitue une espèce de punition divine, d’expiation pour tous ces outrages à la bonne morale.

Malkovich en roi d’Angleterre est impeccable à la fois aérien et chtonien. Wilmot, précurseur du dandy, valétudinaire par nature qui justifie sa fin, était artiste, fantasque et libre de mœurs comme le montre le film au milieu d’une époque où la vie n’était que rudesse et grande pauvreté.

Ce film pourrait constituer le dernier volet d’une trilogie comprenant Sleepy Hollow et From Hell. En effet, on y retrouve un grand Johnny Depp, une atmosphère sombre et esthétisée et le destin d’un homme seul mis à rude épreuve : société, cavalier sans tête ou Jack l’éventreur.

Pour conclure si vous aimez les biopics sur des personnages hors du commun qui ont marqué leur époque, les films à l’esthétique léchée, unique et cohérente, les ambiances pesantes voire glauques, les festins libertaires, alors visionnez-le.

Et puis un film avec Johnny Depp c’est comme un film avec Brad Pitt, un gage de qualité !





Samuel d’Halescourt