lundi 27 juin 2016

Dispersez-vous, ralliez-vous ! – Philippe Djian (2016) Note : 8/20

Un auteur aussi évanescent que ses personnages


Le déclin de Philippe Djian n’est plus une spéculation mais une réalité et cet opuscule le prouve. C’est un lent effacement de l’intérêt au profit d’une liturgie de la vie dans sa plus ennuyeuse banalité. Djian a toujours eu ce penchant mais il était contrebalancé par des paragraphes surprenants et détonants. Ici, il n’y a qu’un gouffre béant et un vide abyssal. Une absence de ponctuation et des dialogues internes au récit qui entérinent un peu plus la platitude de la narration.

Et le style, seul bouée de sauvetage du roman, la grande affaire terminale, l’obsession dépouillée de tout autre artifice n’est pas au rendez-vous . Djian s’essouffle et perd peu à peu son génie. Fatigué, vieillissant, il livre les derniers colis d’une âme qui n’a plus grand chose à dire. Plus rien ne fait rebond, n’excite le neurone ou ne stimule le lecteur apathique que nous devenons.

C’est juste l’histoire de Myriam et des vingt premières années de sa vie d’adulte, morne, éthérée, sans aucune expression de fantaisie ou de panache, sans aucun moment de gloire, fut-il le plus minime possible.

Pour conclure, Djian avait relevé le niveau avec « Oh… » avant de s’effondrer par palier avec « Love song » et « Chéri-chéri », et finir au niveau le plus élémentaire de la littérature, l’ennui et le néant et sans aucune théorisation de ce qui aurait pu être une volonté d’intellectuel, c’est juste un ratage.

Il ne suffit pas d’introduire drogues et adultères dans la vie du personnage principal pour lui donner une quelconque saveur lorsqu’on la traite avec la distance propre aux fantômes des mauvais livres.

Mais tout cela ne m’empêchera pas de lire le prochain Djian, ma fidélité reste intacte.




Samuel d’Halescourt

lundi 20 juin 2016

Les aventures extraordinaires d’Adèle Blanc-Sec de Luc Besson (2010) Note : 12/20

Farandole de bons bougres




J’avoue ne pas avoir lu les bandes dessinées de Tardi, matériaux originels du film et serais donc bien mal placé pour juger de la fidélité de l’adaptation.

Néanmoins les quelques couvertures que j’ai pu voir sur le net me laissent à penser que Besson a vampirisé l’œuvre pour en faire un élément cohérent avec l’antériorité de sa filmographie. Le film est peut-être médiocre mais il est purement Bessonien, ce qui rattrape l’intérêt que l’on se doit d’y porter.

Les gros points forts du film sont les décors, les costumes et l’atmosphère générée, que l’on soit en Egypte (clin d’œil au 5ème élément) ou dans le Paris des années 1910 ; tout est minutieusement retranscrit, d’une luminosité peu souvent usitée pour décrire cette décennie.

Et puis vient l’actrice principale. Louise Bourgoin a certes la beauté particulière propre à l’époque, ce qui est d’une troublante crédibilité, mais son jeu laisse à désirer. On l’a sent peu sûre d’elle-même, au bord du tremblement propre aux imposteurs, qui en prennent conscience, quelques minutes avant de tourner. Elle ne s’exprime qu’en répliques cinglantes teintées de cynisme, ton amusant mais qui ne peut être le mode d’expression permanent d’un être normalement constitué.

Les seconds rôles sont plaisants, notamment Gilles Lelouch et Jean-Paul Rouve, incarnant à merveille des archétypes de personnages que l’on ne peut trouver qu’au cœur de la troisième république.

Pour conclure, un film entre deux eaux, correctement mis en scène avec les moyens financiers à la hauteur des ambitions, mais une héroïne qui patauge et une histoire qui ne sait choisir entre le ptérodactyle et la momie, concentrant deux récits mêlés jusqu’au bout alors qu’il aurait fallu choisir l’un ou l’autre et s’y tenir, quitte à envisager une suite pour réaliser celui que l’on aurait écarté.

Malgré tout je ne bouderai pas mon plaisir de voir un Besson récent, le seul capable de narrer des turpitudes d’adultes avec des yeux d’enfants.








Samuel d’Halescourt

vendredi 17 juin 2016

Chronique des enfers

Prologue (I)




Je ne sais pas quand je suis né. Ce qui signifie que je ne connais pas mon âge. Si ce n’est celui que je me suis donné, date de mon ouverture à la lumière, au bien, à la perspective d’un apaisement, d’une respiration.

L’idée simple de pourfendre tous les cynismes coagulés au fond de mon âme. En finir avec l’autodestruction, l’état suicidaire permanent, se bousiller à coups de marteau ridicule sur l’autel du malentendu. Admettre des références, des fluides porteurs de miséricorde plus forts que nous, l’altruisme léger encadré par une divinité souriante, la béatitude, la plénitude, reléguer les fantômes, les démons et les esprits vengeurs dans le coffre blindé des souvenirs.

Bref j’ai trois ans. J’appréhende le vrai depuis seulement trois ans, alors bien sûr je suis encore sujet à quelques soubresauts mais mon dieu que tout me paraît beau, tout est d’or fin, ciselé par la main même des anges.

Depuis quelques mois j’habite au bord de l’océan, cette grande étendue turquoise qui m’apaise plus que tout. J’en respire l’essence à plein poumon souvent en pleurant.

La bienveillance reflétée par chaque mètre carré de ces lieux m’inspire en retour le même sentiment pour mon environnement. Mes journées s’articulent autour de mes lectures auxquelles viennent se greffer réflexions métaphysiques, consommation de tabac et l’écriture de ce présent ouvrage. Ma phase de rédemption est quasiment révolue. Mon repenti n’occupe plus guère qu’une dizaine de minutes par jour si l’on en vient à en compresser tous les accès.

Je suis orphelin, sans aucune connaissance des miens et pourtant il y a quelques nuits, j’ai fait un rêve. J’étais au paradis et mon grand-père avec son visage de chevalier intègre m’a pris dans ses bras. J’ai senti sa chaleur, son couronnement, son armure bénie contre mon torse. Sa moustache vibrante m’a dit ces quelques mots : « je te pardonne ! ». Dans tout mon être une corde s’est mise à vibrer, C’était celle de l’harmonie, de la quiétude posée comme un voile sur la monstruosité de mon âme.





Samuel d’Halescourt

dimanche 12 juin 2016

Election 2 – Johnnie To (2006) Note : 11/20

Réinvention du chenil au cinéma


Le principal intérêt de cette suite, qui en a peu, est le personnage interprété par Louis Koo, entrepreneur charismatique en pleine réussite qui veut s’emparer du poste suprême de la prestigieuse triade. Apparaît trop peu Simon Yam, personnage pourtant incontournable de l’esprit du diptyque, président en place qui n’est exploité que comme un vulgaire troisième rôle, négligeable au récit.

Cependant il n’y a pas tromperie sur la marchandise et cette suite reste fidèle au premier opus par ses cadres, sa photographie, son ambiance et sa réalisation.

Le sceptre, si important dans l’original, n’a ici quasiment aucune importance, relégué au rang de gadget, ce qui se comprend de la part de To puisque revoir la cavalcade qui entourait sa captation aurait été redondant, du déjà vu.

Bien que moyen, Election 2 reste une belle carte de visite des potentialités du cinéma chinois de la décennie écoulée, surtout en matière de polar.

L’imposante aire urbaine alternant avec la quiétude campagnarde, l’explosion de violence faisant place à la tranquillité des protagonistes.

Pour conclure, un pari à demi réussi par Johnnie To, mais ne vaut-il pas mieux investir son talent sur le prolongement d’un bon film plutôt que de se planter lamentablement avec de l’inédit ?

Le parachute Election est tellement fort qu’il ne peut pas complètement décevoir.

Election 2 comme le premier est un film de triades contemplatif. Bien sûr il y a de l’égorgement, de l’écrasement de mains à la masse, du tabassage en voiture et de la cohabitation forcée avec berger allemand qui contenteront les pulsions et la catharsis qui y est liée des plus demandeurs d’images chocs, mais dans le fond ça demeure une belle fresque poético-urbaine sur un milieu des plus féroces.




Samuel d’Halescourt

dimanche 5 juin 2016

Dix-huitième message du Kindred : La mode du Métal vert

La mode du Métal vert


En tirant sur ma clope, je déambule dans la rue centrale de Vance City, remplie de bars, de boîtes de nuit et clubs de streap-tease bondés, débordant d’une faune hétéroclite avec tous les looks, tous les visages, toutes les dégaines possibles.

Je pénètre dans un de ces lieux de perdition où l’on donne un concert de green métal. Le groupe s’appelle les Green Bastards, composé de trois orques surchargés d’adrénaline. Je connais le chanteur et guitariste, Pierre-Yves, qui a pour pseudonyme Hawkmoon au sein de la formation et dans son boulot de videur ; une vieille référence littéraire aux confins de la fantasy et de la science-fiction qui n’évoque plus rien à personne.

Devant la scène, une vingtaine d’acharnés pogote du mieux qu’ils peuvent alors qu’une autre quinzaine, plus tranquille, sirote un verre confortablement assis à une table.

Je prends position au bar et commande une bière en appréciant les dernières notes de « Kill a Dwarf », une des compositions du trio monstrueux ou minorité mythologique comme se doit de les appeler le politiquement correct.

Le concert se termine. Je passe une main entrouverte sur la crête bleue qui culmine sur le sommet de mon crâne pour en vérifier la teneur, la raideur. Puis je vais à la rencontre de Pierre-Yves. Son prénom, comme tous ceux des orques Bellemaristes, facilement 90% de la race, commençe par Pierre et est suivi d’un autre typiquement français d’obédience francophone. Ainsi le bassiste s’appelle Pierre-Gilles et le batteur a été baptisé Pierre-Dieudonné.

Je vous recontacte prochainement.




Samuel d’Halescourt




mercredi 1 juin 2016

Election 1 de Johnnie To (2005) Note : 15/20

Soupçonné d’activités triadiques


Bon petit film de mafia chinoise donc de triades où l’on apprend deux choses essentielles : l’élection démocratique du chef de la triade concernée ici et la possession obligatoire d’un petit sceptre à la con pour voir son autorité légitimée.

Lok et Big D s’affrontent pour le poste de président et tous les coups sont permis du côté de Big D le chien fou. Une fois Lok élu, une sombre histoire de sceptre se met en mouvement, c’est le branle bas de combat pour mettre la main dessus. Il est finalement récupéré et les deux adversaires font la paix et règlent quelques contentieux avec certains récalcitrants jusqu’au dénouement où le ressentiment s’exprime à coups de pierres sur l’occiput.

Un film policier de sous-genre mafieux digne de ce nom ne serait rien sans la mise à l’écran d’atrocités inédites. Ici le dévalement d’une colline à multiples reprises par des captifs de Big D enfermés dans une caisse en bois qui en ressortent broyés et ensanglantés.

Mention spéciale à Simon Yam, acteur prodigieux qui incarne à merveille un chef de clan placide et calculateur, ne laissant parler la violence qu’au moment fatidique.

Pour conclure, du Johnnie To au meilleur de sa forme qui livre un film finalement difficile d’accès par sa complexité narrative et son entrecroisement des genres.

Les malades de Scarface ne retrouveront pas ce qui les fait jubiler dans le film de De Palma, on est plus sur un Soprano à la sauce Hong-Kongaise.

De la pure essence extrême orientale où la paisibilité et le déchaînement cohabitent de façon harmonieuse, l’un après l’autre.

La triade aura survécu au communisme tout comme Cosa Nostra au fascisme.




Samuel d’Halescourt