mardi 27 juin 2017

Terreur – Yann Moix (2016) 14/20

L’inverse au carré


Si vous cherchiez quelques éclaircissements, quelques éléments de réponse sur le pourquoi du comment de la vague d’attentats islamistes que subit l’Europe depuis plus de deux ans, passez votre chemin. Vous n’y trouverez rien de concret, de conceptuellement satisfaisant, mais un ramassis de tautologies amphigouriques dont Moix se révèle être le roi.

Je ne nie pas le potentiel plaisir que l’on peut prendre à la lecture du tortueux et de l’alambiqué, mais finalement ce qu’il en reste c’est cette question anecdotique qui perturbe pourtant Moix : pourquoi certains terroristes ont l’honneur d’une fiche wikipédia et d’autres non ?

Les deux chapitres véritablement intéressants et qui auraient mérité d’être publiés en fascicule sont ceux établissant l’historique des attentats anarchistes et l’analyse du mouvement punk.

Le premier récapitule, évènement par événement, les différents attentats nés des mouvances anarchistes qui ont ensanglanté l’époque. Et bien que le parallèle sur le modus operandi est pertinent, il l’est beaucoup moins lorsque l’on examine sérieusement les motivations.

Quant à l’analogie avec les keupons, là c’est carrément n’importe quoi, mais le portait psychologique qu’il dresse du punk typique est assez juste et relèverait presque de la poésie, tendance Lautréamont.

Pour conclure, un livre bien faible, sans constance, uniquement sauvé par deux chapitres, pour le coup brillants, comme une quantité de graisse colossale sur deux os bien dessinés.

On y retrouve la façon de parler et de raisonner de Moix, proche de la tachypsychie, d’une crise réflexive. Un Moix qui penserait tout haut pour échafauder une pensée mais oublierait de la dégrossir pour en coucher sur le papier le pertinent substrat. Sans aucun esprit d’esthète, il nous en sert le brouillon.




Samuel d’Halescourt

lundi 26 juin 2017

Chronique des enfers

Chapitre I (4)


Pour commencer il y avait leurs mains, ces grosses pattes d’ours, lourdes et dodues, comparées aux miennes, des mains de poète, aux doigts rachitiques et délicats, capable de domestiquer par ses caresses tous les instruments de musique qui se présentaient, fussent-ils les plus rudimentaires.

Leur peau était étonnement blanche, presque d’albâtre, d’un crème immaculé alors que la mienne se voulait beaucoup plus cuivrée, définitivement complice du soleil et apparue à la nature dans une terre plus australe.

Leur nez était rond et volumineux, couperosé chez les plus anciens. Le mien détonnait, hautement aquilin, il était d’une autre engeance, d’autres contrées.

Et puis cet œil gauche blanchi que portaient tous les mâles de la tribu, maladie dégénérative qui apparaissait avec la puberté. Cette bille nacrée, enfoncée dans l’orifice oculaire, ce colifichet qu’ils portaient comme un trophée. Pour rien au monde ils n’en auraient cherché le remède, c’était leur particularité d’homme, leur passage à l’âge adulte, une fierté grossière et primitive. Le mien, d’œil, ne blanchirait jamais et cette différence fondamentale s’affirmant, je ne pourrais que constater l’exclusion.

Bien que pourvu de parents reconnus et officiels, l’éducation se faisait par la communauté, grande famille où chacun avait son mot à dire. Et les méthodes étaient plus que suspectes, les adultes se révélant être les rois du pancrace éducatif. Coups de pieds, coups de poings, tout y passait. Mon corps en était le réceptacle et aucune zone ne souffrait de discrimination. Et maltraité, du fait de ma complète bâtardise, je le fus plus que les autres souvent dans des élans de gratuité qui allumait en moi le terrible sentiment d’injustice. Parmi les femmes, certaines étaient tendres évidemment, mais c’est la brutalité et la violence qui marquent au fer rouge. Avec le temps et ma position, le ressentiment s’est évaporé mais je dois reconnaître que cet antécédent aura sûrement participé à mon long parcours chaotique, à ne pas grandir sereinement.

Au milieu de cette rusticité, y aurait-il des souvenirs relevant de la joie et du bonheur ?




Samuel d’Halescourt

lundi 12 juin 2017

The Crow d’Alex Proyas (1994) Note : 16/20

Maman est le deuxième nom de Dieu


Eric Draven, revenu d’entre les morts, moitié vampire, moitié zombie, le corbeau blanc vengeur. Se peinturlurant le visage comme le Joker, il s’en va dessouder les tortionnaires de sa défunte femme les uns après les autres jusqu’à l’affrontement final façon Highlander. Combat à l’épée sur le toit d’une église, tout l’esprit gothique du film y est résumé.

On pourrait légitimement penser que l’acteur principal du film n’est pas Brandon Lee mais Ernie Hudson. Au centre de tout, ce petit flic revêche erre dans cette ville chaotique où les bandes mafieuses et dégénérées font la loi à l’instar de celle de Michael Wincott. Lien entre tous et élément décisif à l’église.

Film de vengeance ésotérique, catégorie rare, qui clôt définitivement le cinéma des années 80, il en est la dernière trace, la marque terminale, la queue de comète.

Un film à la fois punkoïde et métalleux où une anarchie prégnante enveloppe une ville censée être contrôlée par une flicaille dépassée. Solo de guitare sur les toits à l’appui.

On y retrouve tous les éléments d’une cité américaine en décrépitude : la prostituée, le prêteur sur gage, la jeune fille pure au skateboard, le vendeur de hot-dog, le flic au grand cœur rabaissé par sa hiérarchie pour cause d’initiative et puis sa cargaison de criminels, rois du couteau ou de la seringue.

Pour conclure, un film culte pour tous ceux qui l’ont appréhendé au tournant de l’adolescence, la tête bourrée d’une iconographie rock et l’intuition d’un futur déliquescent.

« The crow » est un film éminemment moral où la cruauté trouvera toujours maille à partie avec un justicier déterminé, fusse-t-il d’outre-tombe et lié à un simple corbeau.




Samuel d’Halescourt