dimanche 20 novembre 2016

Danse avec les loups de Kévin Costner (1990) note: 17/20

Pourquoi ont-ils tué Chaussette ?



Qu’on m’épargne les mots, les lieux communs concernant « Danse avec les loups » : romantique, écologique, humaniste. A ces trivialités de magazine les deux pieds dans l’époque, je réponds l’inverse : cruauté des hommes, implacable chiennerie de la nature et poids de la solitude.

Assurément c’est une ode à l’Ouest sauvage encore préservé, intact, quasiment authentique, avec sa faune (ses loups et ses hordes de bisons), sa flore (ses plaines et ses prairies) et ses occupants (quelques nations indiennes).

Le traitement des tribus autochtones par Costner est d’autant plus plaisant qu’il n’est pas manichéen, l’une étant assoiffée de sang et l’autre, pourtant plus pacifique, ne rechigne pas à certaines violences toutes paléolithiques. Traitement similaire chez les soldats yankee où il y a les gradés, pondérés et bien éduqués et puis la piétaille, stupide, inculte et cruelle. Impossible de déterminer si tout ceci est le reflet d’une quelconque réalité des caractères et des pulsions, mais ça semble crédible.

Le personnage de Kévin Costner est une sorte d’ethnologue amateur qui aurait épousé les mœurs et coutumes de la peuplade qu’il était censé étudier avec neutralité. C’est l’assimilation qu’auraient dû subir les blancs venus du vieux continent s’ils n’avaient colonisé farouchement, contraints par le nombre et l’organisation. ?

Pour conclure, un film magnifique où la contemplation et la stricte observance des rythmes ancestraux et naturels sont violemment percutées par l’avancée civilisatrice d’une armée en marche.

Des Nordistes affranchisseurs d’esclaves et perçus comme les gentils de l’histoire seront également les génocideurs en chef du totémisme à plumes. Les libérateurs des uns étant les bourreaux, les ensevelisseurs des autres.

Si les Sudistes avaient gagné la guerre de Sécession, le joug esclavagiste aurait sûrement perduré quelques décennies mais on compterait peut-être les indiens nord-américains par dizaine de millions.

« Danse avec les loups » est un western atypique, lyrique et gracieux, l’enfant légitime qu’auraient eu ensemble « Little Big Man » et « Jeremiah Jonhson ».




Samuel d’Halescourt

lundi 14 novembre 2016

Province – Richard Millet (2016) Note : 18/20

Uxeilles ou l’ironiste désespéré

C’est avant tout une déclaration d’amour aux petites villes de province qui parlera à ceux qui y vivent mais également aux citadins, ceux des grandes villes, dont je fais parti et qui continuent à y croupir après en avoir exploité toutes les possibilités, en rêvant d’exil salvateur dans des provincialités profondes.

C’est l’histoire de Pierre Mambre qui au début se fait appeler Saint-Roch, débarquant à Uxeilles, son bourg natal dont la rumeur, entretenue par la narratrice, nous dit qu’il est revenu pour baiser le plus de femmes possibles.

C’est l’occasion pour Millet, en dépeignant et détaillant sa petite ville, de faire un portrait global de ce qu’est la France. Des deux clans idéologiques qui s’opposent, les lépantistes (figures de la droite réactionnaire) face aux océaniques (la gauche tolérante et irénique), jusqu’au désœuvrement des chevaliers de la perfection.

Millet nous offre une langue, un style sublime comme à son habitude, rehaussés par un fond riche en réflexions et quotidiennetés aventureuses.

Des phrases à la fois interminables et somptueuses pouvant dépasser la page et demie nous hypnotisent par leur majesté.

Une tentative d’hommage rendu à Balzac et à ces bourgades qui vivent encore à son heure, même si sa pertinence et son irrévérence le renverrait plutôt du côté d’un Barbey d’Aurevilly.

Pour conclure, un grand roman, pour les esthètes, les fondus de la belle langue française et de ses agencements. Pour les orphelins d’une culture française éternelle qu’ils n’ont entrevue qu’en nostalgie rêveuse et qu’ils peuvent ici sentir dans tout son éclat et son ironie sans concession.

Province est « le livre dont vous êtes le héros » pour tous les intuitifs de la saine réaction, c’est la huitième symphonie perdue de Sibélius.




Samuel d’Halescourt

jeudi 3 novembre 2016

Préambule à la rétrospective intégrale de la saga Underworld



Des vampires et des loups-garous s’affrontant dans une mégapole et perpétrant un conflit hors d’âge, cela ne peut que me plaire. Mais malheureusement la saga est notoirement connue pour avoir délibérément franchi une frontière qui est celle de la série B et j’avoue que ça m’inquiète.

C’est une sous-licence qui doit sûrement compter des amateurs parmi les plus divergents du goût mainstream et à ce titre, les films méritent d’être vus et critiqués sans parti pris dépositaire d’une attente particulière.

Je me lance en subodorant le caractère gothique-punk dans le traitement qui serait peut-être la mise en image du « monde des ténèbres » (le cadre d’une série de jeu de rôles), qui dépeint notre réalité mais plus sombre, plus abrupte dans les rapports et admettant tout un bestiaire de créatures fantastiques cachées dans l’ombre.

Bref, je me souhaite bonne chance et plonge, à la fois enthousiaste et sceptique, dans cet univers en quatre bobines.




Samuel d’Halescourt

jeudi 20 octobre 2016

Cinquième antienne du Kindred : Vulcain, névraxe de la fédération


Une bille de métal orbitant entre Mars et Jupiter, concentrant tous les pouvoirs des nations ralliées de l’imposante fédération solaire. Le président, nommé parmi les différents chefs d’état, y règne d’une main de maître, élaborant les projets novateurs des futurs destins collectifs.

168,35 kilomètres de diamètre, accusant une population de 53 millions d’individus à l’année. Lieu de toutes les politiques et de tous les contrats juteux. Tout milliardaire qui se respecte se doit d’y avoir son penthouse, vue sur l’espace. Egalement lieu de pèlerinage, chaque habitant du système ayant effectué au moins un voyage sur l’homérique satellite artificiel afin de constater de ses yeux l’ingénieux esprit de réalisation des bipèdes humanoïdes, toutes races confondues.

Echafaudée au début du XXVème siècle sur une idée des pères de la fédération à l’avènement de celle-ci. Sa construction aura duré 18 ans et mobilisé cent millions de travailleurs dévoués à l’établissement d’un empire héliocentrique que les prochaines générations feront galactique.

Planète d’acier lilliputienne qui, avec les décennies, s’est vue affublée de deux satellites microscopiques à l’échelle du soleil mais néanmoins substantiels à la notre : New-Maccao, le plus grand casino de l’univers connu sur l’un et, sur l’autre, le quartier général de l’armée du Christ, une entité à la fois officielle et paramilitaire, défendant partout où elle le peut, les intérêts du fils de Dieu, reconnu comme tel par une majorité après passage aux rayons X de son message, le plus adapté aux desiderata d’une humanité apaisée et pacifique.

Certains esprits revêches l’appellent l’étoile noire ou l’étoile de la mort, pour le dénigrer, en référence à ce que tout le monde connaît.




Samuel d’Halescourt

mardi 11 octobre 2016

Casablanca de Michael Curtiz (1942) Note : 19/20

La première des Cantina




Le film s’ouvre sur les rues de Casablanca où, au détour d’une d’entre-elles, on peut apercevoir une affiche de propagande pétainiste où il est écrit (en français évidemment) : « je tiens mes promesses. Même celles des autres ». C’est bien trouvé, plutôt drôle et percutant, nous mettant directement dans l’ambiance.

Et puis un peu plus tard, apparaît Rick, Humphrey Bogart dans toute sa splendeur, au sommet de sa carrière et des performances qui en découlent.

Une époque où la virilité était encore symbolique. Bien que gringalet, Humphrey est fumeur, buveur et plein d’assurance, ce qui fait de lui un homme, un authentique. Ce qui a bien changé depuis, désormais pour le meilleur et pour le pire, la virilité est empirique, elle se mesure au tour de biceps, à la gueule de dur et au vit surpuissant. Aujourd’hui pour Humphrey ce serait la musculation ou les rôles de geek. Il ne pourrait pas asséner avec autant de classe et de détachement cette réplique cinglante « ma nationalité, c’est ivrogne ! ».

Le film est le représentant d’une catégorie peu usitée que l’on pourrait nommer « romance et gestion de club », un vrai genre à part entière.

Casablanca pourrait également être un spin-off de Star Wars. On y suivrait les aventures d’un bouge de Mos Esley, un million d’années avant la menace fantôme. Ca pourrait aussi être le cadre d’un appel de Cthulhu sans monstre tapi dans l’ombre, à part les allemands !

Pour conclure, un grand film, magique, éternel, classique parmi les classiques. Le club de Rick à jamais dans la légende de tous les cinéphiles acharnés. La réapparition d’Ingrid Bergman dans la vie de Rick, leurs flash-back à Paris, tout concorde à amadouer la nature qu’il s’est forgé et à percer des trous dans le filet de son cynisme.

Ici tout est beau et désuet, deux mots parfois synonymes.




Samuel d’Halescourt

mercredi 28 septembre 2016

Les délices de 36 – Nicolas Rey (2016) Note : 14/20

Quand l’obsession confine au hors sujet




Ca devait être un livre sur les premiers congés payés de 1936 et ce n’est qu’une toile de fond pour la description d’une amourette de vacances où son héros Marius, l’adolescent prolétaire, apprendra la vie et son lot de désillusions.

Nicolas Rey nous fait du Nicolas Rey, même avec sujet imposé. Il y développe son célèbre romantisme sauvage, par la genèse, où la partie masculine du binôme amoureux se casse les dents sur la réalité de l’indifférence pour finir désabusé et la proie d’addictions psychotropes.

Rey dévoile ici l’origine de son mal être et celui de ses personnages. Fracassé en pleine adolescence, le cœur en mille morceaux, anéanti dans l’engouement d’une sincérité première, d’un élan naïf où la moindre protection relèverait du manque flagrant d’éthique. Et toutes nos pensées étant conditionnées par la première expérience comme l’écrivait Nietzsche, la divergence prend racine avec tout au long du tunnel : alcoolisme, tabagie, récurrence de l’anxiolytique et peut-être quelques lignes de blanche.

Rey introduit habilement une différence de classe sociale entre ces deux juvéniles protagonistes. Marius, fils de pauvre profite pour la première fois de vacances (à Deauville). Emma, elle, est fille de bourgeois. Pour lui, elle est une chance historique ; pour elle, il est un amusement passager. Leur écart de rang pourrait en être la cause, car se mêle au désir physique tout un faisceau d’intérêts plus ou moins objectifs et conscients qui forme l’amour.

Pour conclure, l’homonyme du célèbre réalisateur de Johnny Guitar nous a fait un beau hors sujet au vu du défi lancé par la collection, mais il nous dévoile une part du mystère de son œuvre et de sa vision.

Dans la même collection, je me permets de vous conseiller le « Spiridon superstar » de Jaenada qui, lui, respecte le deal avec son éditeur, et avec maestria.




Samuel d’Halescourt

mercredi 14 septembre 2016

Dix-neuvième message du Kindred : Frères orques, qui après nous vivez

Frères orques, qui après nous vivez


L’histoire des orques remonte au début du XXII ème siècle, en 2107 exactement, année où le premier d’entre eux est sorti d’un caisson utérin, réplique du ventre d’une femme. On le prénomma Ceylan et dans la foulée d’autres de son espèce furent mis au monde.

Avant lui et ses congénères, l’entreprise Genetic Fantasy avait déjà donné naissance à des elfes, des nains et mêmes des gobelins et qui par la suite invoquerait des dragons et tout un tas de bestioles issues de bestiaires monstrueux imaginés par l’humanité, le tout répondant à cette maxime ; « tout ce qu’il sera possible de faire, l’humanité le fera ». Les manipulations génétiques étant capables de donner naissance à n’importe quoi pour peu qu’on en ait préalablement eu la projection mentale.

La petite communauté orque traversera un siècle en se posant un nombre considérable de questions identitaires et surtout métaphysiques, lot commun à toutes les créatures intelligentes propulsées hors du néant, jusqu’à ce que l’un d’entre eux exhume un ancien ouvrage d’un obscur animateur de la télévision française qui a vécu à cheval sur le XXème et le XXIème siècle dont les deux faits d’armes principaux étaient d’avoir introduit le prompteur et le télé-achat dans le pays.

Cet homme, Pierre Bellemare, avait à la fin de sa vie, à l’âge de 89 ans, sortit un livre émaillé de délires mystiques où il prétend avoir rencontré Dieu et révèle entre autre chose que celui-ci est de couleur verte.

Assez rapidement le prophète Pierre Bellemare s’imposa à tous et ce qu’il relata dans son livre sacré, « Ma rencontre », fut l’objet de centaines d’exégèses, devenues les piliers du Bellemarisme, religion commune à la plupart des peaux vertes.




Samuel d’Halescourt

mercredi 7 septembre 2016

Psycho de Gus Van Sant (1998) note : 10/20

La preuve que le cinéma a évolué



Sur le papier le concept était plutôt bon. Refaire à l’identique un chef d’œuvre du cinéma mondial en accusant un intervalle de quarante années.

Une sorte de remake primal, de copie totale, d’hommage plagiesque. Et finalement au vu du résultat, quelle putain de mauvaise idée !

Car, non seulement « Psycho » est d’une fadeur agressive mais en plus de cela, comme une hérésie suprême, il viendrait à nous faire douter du caractère génial de l’original. Le « Psychose » d’Hitchcock ne serait peut-être pas si formidable. Dépouillé de son aura de légende, notre œil aurait-il été sous influence ?

Simplement la preuve que le cinéma a évolué et que les trouvailles d’antan sont admirables une fois remises dans leurs contextes et par leurs puissances historiques dont il faut s’inspirer mais qu’il est vain de vouloir imiter.

Malgré la présence d’acteurs rares et fascinants comme Viggo Mortensen et William H.Macy, nous assistons à l’échec parfait, à l’effondrement d’une certaine forme d’idolâtrie nostalgique, de culte ancien réitératif, de bégaiement créatif.

On aurait pu assister au lancement d’un nouveau genre mais Gus Van Sant initie une tradition qui est tuée instantanément dans l’œuf.

Pour conclure, de bons acteurs bien dirigés et un scénario qui a fait ses preuves (évidemment) mais de fait une mise en scène surannée et une photographie des plus banales qui en deviendrait personnelle par son manque total d’individualisation.

Un hommage malheureux, raté qui fait d’un réalisateur estimé et estimable, un fournisseur officiel de quasi série B. On en éprouvera de la tristesse, un rassissement de l’estime ou alors on ne l’en aimera que plus, touché et rasséréné par l’échouement.




Samuel d’Halescourt

lundi 29 août 2016

Prometheus de Ridley Scott (2012) Note : 12/20

Des questions sans réponses et une promesse non tenue


Visuellement c’est impeccable mais le scénario est à se pendre, digne d’une série Z, accumulant incohérence et manquement à la crédibilité.

Le film était pourtant à la base une immense promesse, devant répondre et résoudre quelques mystères fondamentaux de l’univers. Mais voilà, l’extraterrestre créateur qui aurait pu nous apprendre tout un tas de choses, se retrouve être le roi des bourrins, préférant cogner dur au lieu de discuter et de nous éclairer.

Forcément lorsque l’on vise plus haut que son propre imaginaire, on se retrouve avec un tel personnage qu’on décide qu’il demeurera muet car on n’a trouvé aucun dialogue à sa hauteur.

Les deux seuls intérêts de ce film sont son caractère cyberpunk, toujours agréable et fascinant, et l’esthétique du vaisseau principal, le Prometheus, qui est tout bonnement sublime, magnifiquement dessiné, un des plus beaux transporteurs vus au cinéma.

Sur la petite échelle de la crédibilité, la pulsion kamikaze à la fin d’Idris Elba et de son groupe est réellement douteuse. Sur le simple bruit que le « gros bleu » voudrait pourrir la terre, un groupe de mercenaires, uniquement motivés par le fric, se retrouve être 1es Djihadistes de la défense de l’Humanité. Thèse anéantie par leur sacrifice qui détruit le vaisseau et prouve par la-même que la menace était surestimée.

Pour conclure, un film pas complètement mauvais, tout amateur de SF y trouvera même quelques scènes extrêmement kiffantes dont il restera trace que l’homme les aura imaginées puis mises en image ; mais dans l’ensemble ça suinte relativement le médiocre, le hasardeux et le bâclé. Un petit Ridley Scott.




Samuel d’Halescourt

dimanche 7 août 2016

Je suis une légende – Richard Matheson (1954) Note : 15/20

De quoi vampiris est-il le nom ?


L’action se déroule à la fin de la décennie 70, sur trois années entre 1976 et 1979, alors futur d’un Matheson qui anticipe ce récit post-apocalyptique depuis les années 50.

Un mal a contaminé toute l’humanité. Robert Neville est le dernier survivant grâce, semble-t-il, à une morsure de chauve-souris hautement immunisante. Autour de chez lui, les vampires pullulent ; il les élimine assez facilement, ils ne sont pas très coriaces.

Puis il y a la rencontre avec cette femme, apparemment elle-aussi épargnée par le mal, qui cherchera à se débarrasser de lui. Elle s’avère appartenir à un groupe hybride à mi-chemin entre l’humain et le vampire.

Entre deux verres d’alcool, Neville est obsédé par ses travaux qui consistent à isoler le virus, en fait un bacille responsable de la mutation.

C’est aussi l’occasion pour Matheson de questionner par le truchement de son personnage principal les poncifs ou fondamentaux qui entourent l’image du vampire. Un vampire non-chrétien, un vampire juif par exemple, peut-il être repoussé par un crucifix ? Quel principe actif contenu dans l’ail peut-il bien faire détaler le vampire ? Quant au soleil, quelle fonction vient-il perturber ?

Pour conclure, un classique de la science fiction qui tient relativement ses promesses. Il ne faut pas y chercher un grand style et une débauche de vocabulaire, cependant l’ambiance est prenante et l’histoire passionnante.

Mais Matheson est un visionnaire, un devin. Son «  je suis une légende » annonce en forme de métaphore l’arrivée imminente du sida. Les homosexuels, à la sexualité débridée à la f in des années 70, qui ont ensuite réussi à passer les années 80 sans être contaminés par le « cancer gay » sont clairement des légendes. Vampiris, c’est le VIH.




Samuel d’Halescourt

dimanche 31 juillet 2016

Chronique des enfers : Prologue (II)

Je perçois désormais la vanité de nos existences et la mienne particulièrement. Notre lot commun, la mort ! Cette mort que j’ai si souvent ordonnée en espérant la fuir définitivement. Que nous nous complaisions dans la luxure ou que nous menions une vie ascétique, pour tous la même finalité, le trépas et puis l’oubli. Prophète d’une eschatologie morbide, d’une téléologie dégoulinante de sang. De cette perspective je n’envisage plus qu’une option : le bien. Faire le bien à la hauteur de ses moyens, se comporter dignement, voilà toute vérité.

Il y a peu de temps, j’ai rencontré une femme sur la plage. Elle-aussi était une âme en errance avant d’atterrir sur ce plan paradisiaque, au milieu de ces êtres de lumière. Tout comme moi elle tente de se construire une ontologie céleste, pour devenir fils et fille de chérubin. Sa peau est mate et pourtant diaphane, sa chevelure noire de jais mais aux reflets or, toute son entité est un sublime paradoxe. C’est un spécialiste de l’angéologie qu’il me faudrait pour vous la décrire entièrement.

Je réapprends à aimer à son contact. A aimer sa présence, débarrassé de ma libido déviante et de mes instincts sadiques. Séraiä a vendu son corps pendant des années pour survivre et elle en garde quelques stigmates. Elle m’enseigne la tendresse, le frisson et la légèreté des corps.

J’ai rasé ma barbe et mes cheveux longs, vestige d’une époque morte à jamais. Ces petits détails contribuent à ma renaissance. Mes tatouages et mes scarifications, quant à eux, resteront malheureusement.

Nous déambulons au bord de la mer d’émeraude, croisant séraphins, trônes et toute une panoplie d’autres anges, créatures divines, soldats des dieux bons et loyaux. Leurs visages sont à la fois durs et innocents, se dégageant d’eux la pureté du combat juste. Ils sont mes modèles, mes sauveurs, ma dernière citadelle. C’est parmi eux que j’ai trouvé mon maître, celui qui m’a tendu la main : Onasis-Baptistin.








Samuel d’Halescourt

lundi 25 juillet 2016

La force du sexe faible – Michel Onfray (2016) Note : 16/20

La revanche des Girondines


Michel Onfray n’aura pas volé sa réputation de graphomane puisqu’il sort ce qui sera son troisième livre uniquement pour l’année 2016 et celle-ci est loin d’être terminée.

Il s’emploie à narrer le destin de cinq femmes majeures de la révolution française qui, par leur courage et leur détermination, laissent pantois et admiratifs. Citons-les : Olympe de Gouges, Marion Roland, Charlotte Corday, Théroigne de Méricourt et Germaine de Staël.


De la très connue à la jusqu’ici confidentielle, Onfray s’échine à démontrer qu’il y a chez toutes ces femmes des récurrences dans leurs implications totales au cœur des évènements, leurs pondérations et tempérances, leurs volontés d’une révolution où le sang ne coulerait pas, leurs visions d’une république clémente (y compris pour le roi). Des valeurs féminines et au combien girondines. Onfray s’y reconnaît jusqu’à l’exaltation.

Et puis, omniprésent, il y a Robespierre, leur némésis à toutes, dont les hagiographes communistes du siècle passé ont fait une figure lumineuse de la révolution et qu’Onfray déboulonne en nous en exposant le caractère immonde.

Pour conclure, un bel essai qui dépeint des idiosyncrasies, des esprits et des ambitions que l’on vient à admirer, aimer et accompagner leurs mémoires dépoussiérées.

Ce livre prouve que ce sont moins les époques que l‘histoire dominante qui est bel et bien misogyne. En effet dans tous les mouvements artistiques ou politiques et malgré leurs statuts social et culturel, il y a toujours une poignée de femmes exceptionnelles, mais malheureusement écartées ou minorées par les hommes qui écrivent l’histoire.




Samuel d’Halescourt

vendredi 22 juillet 2016

Le Patient anglais d’Anthony Minghella (1996) Note : 16/20

Hérodote et la mélancolie




Film d’une grande profondeur, aux personnages émouvants, étymologiquement romantique, dont le tragique subtil se confond avec la vie et les remous d’une histoire agitée qui façonne les destinées.

Mon incipit ou introït résolu, j’affirme qu’on a là une définition de ce que peut être la mélancolie, comme « Eyes Wide Shut » dans un autre style. Des dialogues bien placés sur des images maîtrisées, accompagnés d’une bande son qui évoque inexorablement une certaine forme de tristesse et d’introspection.

Juliette Binoche est émouvante, je ne lui enlèverai pas symboliquement son oscar mais Kristin Scott Thomas est démentielle, inspiratrice des pulsions adultérines d’un Ralph Fiennes qui ne peut que se résoudre à l’évidence de cet inexpugnable charme.

Tout comme Lawrence d ‘Arabie ou Or noir, on est là aussi face à une expérimentation du désert, dangereux, calme et inspirant.

Deux récits s’alternent, celui du souvenir et celui de l‘agonie. L’agonisant, lecteur d’Hérodote, se souvenant d’une passion amoureuse se terminant par un dénouement brutal plein de fractures.

Pour conclure, Minghella a survolé son sujet avec maestria, du grand cinéma romantique dépouillé de ses mièvres clichés pour accoucher de son essence la plus radicale, d’une volupté saisissante .

Un film de femme (avec tout ce que cela pourrait contenir de péjoratif) peut-être, mais hautement supérieur, exigeant, qui traite tellement de sujets que ça en devient vertigineux.








Samuel d’Halescourt

vendredi 8 juillet 2016

Vidéodrome de David Cronenberg (1983) Note : 19/20

Mort à Vidéodrome, longue vie à la nouvelle chair !




Petit film par le budget, grand film par le résultat. Œuvre proto-cyberpunk qui, en se focalisant sur la cassette VHS, annonce en fait internet et toutes les questions qui y sont liées, développées dans le film. Œuvre visionnaire d’un maître qui voit plus loin que ses confrères et invente un monde entre rêve et réalité, technologie et biologie mutante.

James Woods est impeccable dans son rôle d’homme solitaire, patron d’une petite chaîne de télé, à la recherche des vidéos les plus chocs pour alimenter son antenne. Pris dans un tourbillon qui le mènera jusqu’à la folie, débordé par l’immonde, il se fera justicier de la nouvelle chair.

Déborah Harry la chanteuse de Blondie est, elle aussi, incroyable, incarnant à merveille la femme mystérieuse en proie à ses fantasmes, tout Cronenbergien, existant à l’image telle une nymphe dangereuse et troublante.

Vidéodrome est peut-être le film ultime de Cronenberg, résumant au mieux son inconscient torturé et le message qu’il avait à livrer au monde.

Pour conclure, une claque cinématographique se situant aux confins des années 80, sombre et mélancolique, noyée dans un no futur post-punk des plus délétères, le Tetsuo d’Amérique du nord.

L’histoire d’un cynique qui, devant la révélation du pouvoir diabolique de l’image, évolue et se transforme en Christ rédempteur, flinguant tous les représentants du vice.

Le cinéma cyberpunk a trouvé avec Vidéodrome une de ses plus éminentes représentations.








Samuel d’Halescourt

lundi 27 juin 2016

Dispersez-vous, ralliez-vous ! – Philippe Djian (2016) Note : 8/20

Un auteur aussi évanescent que ses personnages


Le déclin de Philippe Djian n’est plus une spéculation mais une réalité et cet opuscule le prouve. C’est un lent effacement de l’intérêt au profit d’une liturgie de la vie dans sa plus ennuyeuse banalité. Djian a toujours eu ce penchant mais il était contrebalancé par des paragraphes surprenants et détonants. Ici, il n’y a qu’un gouffre béant et un vide abyssal. Une absence de ponctuation et des dialogues internes au récit qui entérinent un peu plus la platitude de la narration.

Et le style, seul bouée de sauvetage du roman, la grande affaire terminale, l’obsession dépouillée de tout autre artifice n’est pas au rendez-vous . Djian s’essouffle et perd peu à peu son génie. Fatigué, vieillissant, il livre les derniers colis d’une âme qui n’a plus grand chose à dire. Plus rien ne fait rebond, n’excite le neurone ou ne stimule le lecteur apathique que nous devenons.

C’est juste l’histoire de Myriam et des vingt premières années de sa vie d’adulte, morne, éthérée, sans aucune expression de fantaisie ou de panache, sans aucun moment de gloire, fut-il le plus minime possible.

Pour conclure, Djian avait relevé le niveau avec « Oh… » avant de s’effondrer par palier avec « Love song » et « Chéri-chéri », et finir au niveau le plus élémentaire de la littérature, l’ennui et le néant et sans aucune théorisation de ce qui aurait pu être une volonté d’intellectuel, c’est juste un ratage.

Il ne suffit pas d’introduire drogues et adultères dans la vie du personnage principal pour lui donner une quelconque saveur lorsqu’on la traite avec la distance propre aux fantômes des mauvais livres.

Mais tout cela ne m’empêchera pas de lire le prochain Djian, ma fidélité reste intacte.




Samuel d’Halescourt

lundi 20 juin 2016

Les aventures extraordinaires d’Adèle Blanc-Sec de Luc Besson (2010) Note : 12/20

Farandole de bons bougres




J’avoue ne pas avoir lu les bandes dessinées de Tardi, matériaux originels du film et serais donc bien mal placé pour juger de la fidélité de l’adaptation.

Néanmoins les quelques couvertures que j’ai pu voir sur le net me laissent à penser que Besson a vampirisé l’œuvre pour en faire un élément cohérent avec l’antériorité de sa filmographie. Le film est peut-être médiocre mais il est purement Bessonien, ce qui rattrape l’intérêt que l’on se doit d’y porter.

Les gros points forts du film sont les décors, les costumes et l’atmosphère générée, que l’on soit en Egypte (clin d’œil au 5ème élément) ou dans le Paris des années 1910 ; tout est minutieusement retranscrit, d’une luminosité peu souvent usitée pour décrire cette décennie.

Et puis vient l’actrice principale. Louise Bourgoin a certes la beauté particulière propre à l’époque, ce qui est d’une troublante crédibilité, mais son jeu laisse à désirer. On l’a sent peu sûre d’elle-même, au bord du tremblement propre aux imposteurs, qui en prennent conscience, quelques minutes avant de tourner. Elle ne s’exprime qu’en répliques cinglantes teintées de cynisme, ton amusant mais qui ne peut être le mode d’expression permanent d’un être normalement constitué.

Les seconds rôles sont plaisants, notamment Gilles Lelouch et Jean-Paul Rouve, incarnant à merveille des archétypes de personnages que l’on ne peut trouver qu’au cœur de la troisième république.

Pour conclure, un film entre deux eaux, correctement mis en scène avec les moyens financiers à la hauteur des ambitions, mais une héroïne qui patauge et une histoire qui ne sait choisir entre le ptérodactyle et la momie, concentrant deux récits mêlés jusqu’au bout alors qu’il aurait fallu choisir l’un ou l’autre et s’y tenir, quitte à envisager une suite pour réaliser celui que l’on aurait écarté.

Malgré tout je ne bouderai pas mon plaisir de voir un Besson récent, le seul capable de narrer des turpitudes d’adultes avec des yeux d’enfants.








Samuel d’Halescourt

vendredi 17 juin 2016

Chronique des enfers

Prologue (I)




Je ne sais pas quand je suis né. Ce qui signifie que je ne connais pas mon âge. Si ce n’est celui que je me suis donné, date de mon ouverture à la lumière, au bien, à la perspective d’un apaisement, d’une respiration.

L’idée simple de pourfendre tous les cynismes coagulés au fond de mon âme. En finir avec l’autodestruction, l’état suicidaire permanent, se bousiller à coups de marteau ridicule sur l’autel du malentendu. Admettre des références, des fluides porteurs de miséricorde plus forts que nous, l’altruisme léger encadré par une divinité souriante, la béatitude, la plénitude, reléguer les fantômes, les démons et les esprits vengeurs dans le coffre blindé des souvenirs.

Bref j’ai trois ans. J’appréhende le vrai depuis seulement trois ans, alors bien sûr je suis encore sujet à quelques soubresauts mais mon dieu que tout me paraît beau, tout est d’or fin, ciselé par la main même des anges.

Depuis quelques mois j’habite au bord de l’océan, cette grande étendue turquoise qui m’apaise plus que tout. J’en respire l’essence à plein poumon souvent en pleurant.

La bienveillance reflétée par chaque mètre carré de ces lieux m’inspire en retour le même sentiment pour mon environnement. Mes journées s’articulent autour de mes lectures auxquelles viennent se greffer réflexions métaphysiques, consommation de tabac et l’écriture de ce présent ouvrage. Ma phase de rédemption est quasiment révolue. Mon repenti n’occupe plus guère qu’une dizaine de minutes par jour si l’on en vient à en compresser tous les accès.

Je suis orphelin, sans aucune connaissance des miens et pourtant il y a quelques nuits, j’ai fait un rêve. J’étais au paradis et mon grand-père avec son visage de chevalier intègre m’a pris dans ses bras. J’ai senti sa chaleur, son couronnement, son armure bénie contre mon torse. Sa moustache vibrante m’a dit ces quelques mots : « je te pardonne ! ». Dans tout mon être une corde s’est mise à vibrer, C’était celle de l’harmonie, de la quiétude posée comme un voile sur la monstruosité de mon âme.





Samuel d’Halescourt

dimanche 12 juin 2016

Election 2 – Johnnie To (2006) Note : 11/20

Réinvention du chenil au cinéma


Le principal intérêt de cette suite, qui en a peu, est le personnage interprété par Louis Koo, entrepreneur charismatique en pleine réussite qui veut s’emparer du poste suprême de la prestigieuse triade. Apparaît trop peu Simon Yam, personnage pourtant incontournable de l’esprit du diptyque, président en place qui n’est exploité que comme un vulgaire troisième rôle, négligeable au récit.

Cependant il n’y a pas tromperie sur la marchandise et cette suite reste fidèle au premier opus par ses cadres, sa photographie, son ambiance et sa réalisation.

Le sceptre, si important dans l’original, n’a ici quasiment aucune importance, relégué au rang de gadget, ce qui se comprend de la part de To puisque revoir la cavalcade qui entourait sa captation aurait été redondant, du déjà vu.

Bien que moyen, Election 2 reste une belle carte de visite des potentialités du cinéma chinois de la décennie écoulée, surtout en matière de polar.

L’imposante aire urbaine alternant avec la quiétude campagnarde, l’explosion de violence faisant place à la tranquillité des protagonistes.

Pour conclure, un pari à demi réussi par Johnnie To, mais ne vaut-il pas mieux investir son talent sur le prolongement d’un bon film plutôt que de se planter lamentablement avec de l’inédit ?

Le parachute Election est tellement fort qu’il ne peut pas complètement décevoir.

Election 2 comme le premier est un film de triades contemplatif. Bien sûr il y a de l’égorgement, de l’écrasement de mains à la masse, du tabassage en voiture et de la cohabitation forcée avec berger allemand qui contenteront les pulsions et la catharsis qui y est liée des plus demandeurs d’images chocs, mais dans le fond ça demeure une belle fresque poético-urbaine sur un milieu des plus féroces.




Samuel d’Halescourt

dimanche 5 juin 2016

Dix-huitième message du Kindred : La mode du Métal vert

La mode du Métal vert


En tirant sur ma clope, je déambule dans la rue centrale de Vance City, remplie de bars, de boîtes de nuit et clubs de streap-tease bondés, débordant d’une faune hétéroclite avec tous les looks, tous les visages, toutes les dégaines possibles.

Je pénètre dans un de ces lieux de perdition où l’on donne un concert de green métal. Le groupe s’appelle les Green Bastards, composé de trois orques surchargés d’adrénaline. Je connais le chanteur et guitariste, Pierre-Yves, qui a pour pseudonyme Hawkmoon au sein de la formation et dans son boulot de videur ; une vieille référence littéraire aux confins de la fantasy et de la science-fiction qui n’évoque plus rien à personne.

Devant la scène, une vingtaine d’acharnés pogote du mieux qu’ils peuvent alors qu’une autre quinzaine, plus tranquille, sirote un verre confortablement assis à une table.

Je prends position au bar et commande une bière en appréciant les dernières notes de « Kill a Dwarf », une des compositions du trio monstrueux ou minorité mythologique comme se doit de les appeler le politiquement correct.

Le concert se termine. Je passe une main entrouverte sur la crête bleue qui culmine sur le sommet de mon crâne pour en vérifier la teneur, la raideur. Puis je vais à la rencontre de Pierre-Yves. Son prénom, comme tous ceux des orques Bellemaristes, facilement 90% de la race, commençe par Pierre et est suivi d’un autre typiquement français d’obédience francophone. Ainsi le bassiste s’appelle Pierre-Gilles et le batteur a été baptisé Pierre-Dieudonné.

Je vous recontacte prochainement.




Samuel d’Halescourt




mercredi 1 juin 2016

Election 1 de Johnnie To (2005) Note : 15/20

Soupçonné d’activités triadiques


Bon petit film de mafia chinoise donc de triades où l’on apprend deux choses essentielles : l’élection démocratique du chef de la triade concernée ici et la possession obligatoire d’un petit sceptre à la con pour voir son autorité légitimée.

Lok et Big D s’affrontent pour le poste de président et tous les coups sont permis du côté de Big D le chien fou. Une fois Lok élu, une sombre histoire de sceptre se met en mouvement, c’est le branle bas de combat pour mettre la main dessus. Il est finalement récupéré et les deux adversaires font la paix et règlent quelques contentieux avec certains récalcitrants jusqu’au dénouement où le ressentiment s’exprime à coups de pierres sur l’occiput.

Un film policier de sous-genre mafieux digne de ce nom ne serait rien sans la mise à l’écran d’atrocités inédites. Ici le dévalement d’une colline à multiples reprises par des captifs de Big D enfermés dans une caisse en bois qui en ressortent broyés et ensanglantés.

Mention spéciale à Simon Yam, acteur prodigieux qui incarne à merveille un chef de clan placide et calculateur, ne laissant parler la violence qu’au moment fatidique.

Pour conclure, du Johnnie To au meilleur de sa forme qui livre un film finalement difficile d’accès par sa complexité narrative et son entrecroisement des genres.

Les malades de Scarface ne retrouveront pas ce qui les fait jubiler dans le film de De Palma, on est plus sur un Soprano à la sauce Hong-Kongaise.

De la pure essence extrême orientale où la paisibilité et le déchaînement cohabitent de façon harmonieuse, l’un après l’autre.

La triade aura survécu au communisme tout comme Cosa Nostra au fascisme.




Samuel d’Halescourt


mercredi 25 mai 2016

Orgasme – Chuck PALAHNIUK (2016) Note : 13/20

Anticipation des nouvelles lubricités




Après « Damnés », roman pour le moins pusillanime et ouaté qui s’arrête au seuil du trash pour ne délivrer qu’une fantasmagorie infernale digne d’une adolescente biberonnée à l’eau de rose, d’une punkette sans vices (rebelle mais conforme), Polahniunk nous transmet cet « orgasme » qui a un peu plus d’intérêt dans ses modulations et son traitement.

Entre anticipation et allégorie, alternant des éléments crédibles, type hard-science, et des éléments surnaturels incohérents d’un point de vue physique.

« Orgasme » n’a rien d’un roman érotique, toutes les scènes de sexe, nombreuses, sont techniques, froides et cliniques, une simple expérimentation du geek milliardaire mettant au point ses produits Beautiful you. Si vous envisagiez l’excitation, passez votre chemin et c’est sans évoquer les séances avec baba Barbe-grise qui, si elles ne vous dégoûtent pas, vous laisseront dubitatif, spectateur d’un maître yoda qui aurait troqué la force par la lubricité.

Quant aux tableaux pouvant faire frétiller, cela se termine par la mutilation d’un pénis par des nanorobots agressifs lovés au fond du vagin de l’héroïne, Penny. De quoi largement faire débander une demi-molle à peine formée.

Le livre repose sur l’idée qu’une gamme de sexetoy révolutionnaire concentre les femmes sur leur désir au détriment de la société qui s’écroule irrémédiablement.

Pour conclure, Palahniuk est indispensable à la littérature contemporaine en ce sens qu’il ose pas mal de trucs que l’on ne voit nulle part ailleurs. Toujours satirique, il explose ici les codes du roman érotique typiquement féminin pour dessiner un futur envisageable fait d’orgasmes totaux qui ne sont que la mise en pratique de décennies de théories souhaitées.

Un bon livre qui, sans être exceptionnel, a le mérite d’être suffisamment original pour ne pas laisser indifférent, marque de fabrique du grand Palahniuk !








Samuel d’Halescourt

dimanche 22 mai 2016

Dix-septième message du Kindred : Tenir sa position dans les bas-fonds

Tenir sa position dans les bas-fonds


Ils m’avaient commandé quinze cachets de Red Gently autrement appelé la rouge. Un psychotrope des plus puissants qui vous plonge dans un délire hallucinatoire et cauchemardesque de plusieurs heures. A ne réserver qu’aux connaisseurs, à ceux qui savent jouer avec leur cerveau comme avec un élastique.

La légende veut qu’elle vous révèle vos peurs les plus profondes, les plus enfouies, les plus insoupçonnées et, ce faisant, qu’elle vous fasse gagner dix ans de psychanalyse. Elle enclencherait une connaissance accrue de vous-même.

Les deux acheteurs semblaient fébriles, donnant l’impression d’être peu habitués à ce genre de transaction. Un noir et un jaune, étrange association, surtout au XXVI ème siècle . Au premier abord, deux étudiants qui avaient pour projet d’arroser leur petit cercle d’amis de rouge.

Le marché se déroule au bas d’une ruelle sombre donnant sur l’entrée d’un train navette reliant Vance City à un autre dôme martien. La pénombre garantissait une certaine discrétion pour un acte hautement illégal, promettant quelques années de prison dans le cadre des lois de la fédération solaire.

Je me présente et m’assure de la bonne identité de mes clients :

  • Vous êtes Tony et Andy ?
  • C’est nous ! dit l’un des deux.
  • J’ai ce que vous m’avez demandé, continuais-je en sortant un petit sachet rempli de pilules écarlates.

Le noir sortit une liasse de billets de cinquante. Trente exactement pour aboutir au mille cinq cents Héllio-dollar réclamés. L’échange se fait, chaque trésor changeant de main.

  • C’est la première fois que vous m’achetez quelque chose ?
  • C’est pour nous et nos potes, soutint le jaune, ça fait un bail qu’on voulait essayer.
  • Si vous en revoulez ou quoi que ce soit d’autres, n’hésitez pas à me recontacter !

Sur quoi on se serre la main et les futurs consommateurs prennent la tangente. Je reste au milieu de ce cloaque urbain le temps de m’allumer une cigarette, une Jupiter’s extra, au filtre sucré et profondément addictif.

En inspirant une bouffée, je me demande qui était Tony et qui était Andy ?

Je vous recontacte prochainement.




Samuel d’Halescourt

samedi 14 mai 2016

Quatrième antienne du Kindred

L’avènement du troisième œil




Sorcier, magicien, chaman, marabout ou shogenja, autant d’appellations pour une même fonction, issue de la mutation de l’épiphyse. Excroissance hypertrophiée blottie dans une coque de métal à l’arrière du crâne, cerveau extérieur fragile, à la merci de l’assénement d’une arme malveillante. Les cliniques spécialisées délivrent leur traitement à ces quelques fous prêts à jouer leur santé mentale afin d’assouvir leurs sacerdoces surnaturels.

Leurs pouvoirs dépassent l’entendement, de la télépathie à la clairaudience, de la télékinésie à la thaumaturgie. Ils jonglent avec les éléments et la matière, l’électromagnétisme et la transmutation.

Hybridation entre le génie médical et le réveil des savoirs anciens, ils terrorisent ou réconfortent les âmes des peuplades rencontrées suivant la colorimétrie qui est la leur : magie blanche, noire ou rouge, pour les trois principales branches de leur art.

Lumière ou ténèbres, le troisième œil est un mode de vie au service d’une communauté primitiviste ou de missions rémunérées qui relèvent de leurs divines compétences.

Pas plus de cent mille dans le saint système solaire, ils s’organisent en cercles, confréries ou coteries, tous concurrents les uns des autres.

Malheur à celui qui les aura sur son chemin sans s’être préparé, il goûtera à la combustion spontanée s’il n’a pas anticipé l’ignifugeant.

Ils perçoivent d’autres dimensions, s’acoquinent souvent avec l’enfer et en convoquent les rejetons. Se confondant aux religieux, ils se font cybermoines, conjuguant l’ascétisme et la haute technologie. Mais même pour ces mutants du cortex, le fusil d’assaut reste un ami fidèle.








Samuel d’Halescourt

lundi 9 mai 2016

Penser l’islam – Michel Onfray (2016) Note : 14/20

Déchirement de l’interprétation


Il faut l’avouer, Onfray, pour ce livre-ci ne s’est pas cassé, le plus gros de l’ouvrage étant un entretien qu’il a eu avec une journaliste algérienne venue avec des questions salement orientées et d’une naïveté d’un autre bord.

Onfray fait assez vite la liste des sourates qui appellent au massacre et celles qui exhortent à la pondérence et sans en faire directement le constat, la balance penche irrémédiablement du côté du carnage pour celui qui se rangerait derrière une interprétation de la quantité des textes.

Il y développe encore une fois sa chère thèse sur les attaques occidentales envers les pays musulmans de ces vingt-cinq dernières années qui auraient déclenché celles dont nous fûmes victimes en 2015. Idée séduisante bien sûr mais n’ayant de seconde planète sous la main où ces incursions n’auraient pas eu lieu, constatant ainsi ce qu’il serait différemment avenu, nous ne pouvons la valider avec certitude et simplement y croire très fort pour ceux qui en sont capables.

J’apprends grâce à lui qu’en plus du coran et des hadiths, il existe un troisième livre fondamental qu’est la Sîra, une sorte de biographie officielle du prophète principal de l’islam et dont la sauvagerie, nous rapporte Onfray, est là aussi caractérisée.

Pour conclure, un livre intéressant, guidé par la raison et l’équilibre, ce qui peut défriser en temps de grande soumission. Les faits, rien que les faits, le texte, rien que le texte, et ainsi de suite en ce qui concerne le réel et la lucidité.

Je sens poindre la critique, il serait temps de lire le Coran (dans une traduction fidèle) pour se forger son propre avis, en effet il serait temps !

Mais en attendant le passage à l’acte et pour paraphraser Rockin’ Squat, en matière d’islam, j’écoute Eric Zemmour car il sait de quoi il parle, j’écoute Michel Onfray car il sait de quoi il parle.




Samuel d’Halescourt

jeudi 28 avril 2016

The Tree of Life de Terrence Malick (2011) Note : 17/20

Du big bang à l’esprit de famille


Dans le premier livre du pentateuque, la Génèse, il existe deux arbres au jardin d’Eden, le premier très connu, de la connaissance et du bien et du mal dont les deux proto-humains croqueront la pomme, et puis l’arbre de la vie, censé rendre immortel qui en goûterait le fruit et Dieu narguant Adam et Eve, leur expliquant qu’à celui-là ils n’auront jamais accès.

J’imagine que Malick veut nous parler de cet arbre et de la possibilité de titiller l’immortalité par la filiation d’où l’histoire de famille qui se situe dans le cœur des années cinquante, là où son enfance s’est probablement déroulée.

C’est un film hautement mystérieux, mystique et ésotérique, de l’épopée de la création, du big bang à l’hégémonie terrestre de notre espèce. La lumière est sublime, comme toujours avec Malick, qui inonde des cadres esthétiquement irréprochables, qu’ils soient urbains ou floraux.

Petite publicité mensongère sur la présence de Sean Penn au casting au même titre que Brad Pitt alors que l’on ne le voit, et encore de dos, que 3 minutes au début et deux à la fin.

Le père est autoritaire et parfois brutal alors que la mère n’est que conciliation et tendresse. Difficile de faire le tri entre les souvenirs de Malick et la portée symbolique, le message qu’il veut nous transmettre.

Pour conclure, du beau sur pellicule, du lyrisme indéterminé, entre éternité et éphémère, une expérimentation de l’immortalité mitotique.

A ne pas oublier la dimension christique de l’œuvre, la plénitude et la grâce que peuvent offrir la révélation et la foi. Le pardon d’un fils à son père qui entraîne la tranquillité de l’âme.
Du bel ouvrage !




Samuel d’Halescourt

dimanche 24 avril 2016

Le miroir aux alouettes, principes d’athéisme social (2016) – Michel Onfray Note : 16/20

Anarchisme bien ordonné commence par soi-même


Onfray compile ici toutes les thèses qui sont les siennes et qu’il distille sur les différents plateaux télés depuis quelques années, de son réquisitoire anti-Mitterrandien à sa vision de l’islam, à la fois dichotomique et unitaire, en passant par ses réflexions sur ce qui rend possible le FN.

Entouré de Palante et Proudhon, il ne philosophe pas au marteau mais au morgenstern à deux mains, pulvérisant certains prêt-à-penser contemporains de ses analyses perforantes et de son intelligence contondante.

Son éloge du général de Gaulle fait plaisir à lire, la reconnaissance du grand homme qu’il fût et des institutions qu’il imposa, taillées à sa dimension et non proportionnées aux nains qui lui succéderont.

Mitterrand en prend pour son grade. Sa biographie la moins reluisante, mais bien réelle, nous est assénée ainsi que la critique virulente de ses deux péchés originaux : le tournant libéral de 1983 et l’atlantisme de la guerre du golfe, qui constituent toujours les deux boussoles du pouvoir actuel sensiblement du même bord.

Onfray nous met également en garde contre le catéchisme anarchiste et nous invite à faire preuve d’esprit anarchisant même vis-à-vis des chapelles de l’anarchie ; bref être un athée social global et ne faire confiance, une fois débarrassé de ses névroses et ses passions, qu’à son propre intellect, débarrassé de toute idéologie, de tout dogme, ce qui implique forcément de pratiquer le transcourant et le hors piste.

Pour conclure, un bon livre d’Onfray qui résume une pensée développée depuis quelques années et qui est présentée de façon cohérente, les chapitres développant un thème amenant logiquement sur le suivant et qui constitue un trait d’union avec le travail qu’il fournira par la suite.

Sa critique des médias, n’allant pas jusqu’à dire qu’elle est pertinente, et tout du moins intéressante, ces agents du libéralisme transmutant le peuple en populace.

Et vive Georges Palante !




Samuel d’Halescourt


lundi 18 avril 2016

La Soupe au Canard de Léo McCarey (1933) Note : 16/20

Un préquel au Docteur Folamour


Le film ne vaut que pour ses vingt cinq dernières minutes qui sont, sans être hilarantes, un concentré de génie et de trouvailles.

Au début, on doit encore se taper les excentricités d’Harpo avec qui il faudrait employer des méthodes staliniennes et effacer toutes ses scènes solo des films des Marx Brothers tellement elles sont affligeantes, une réification de l’ânerie transcendantale.

L’apport de McCarey, qui sera par la suite oscarisé à deux reprises, n’est pas à négliger. Il doit même y être pour beaucoup dans la grandeur de ces quelques scènes finales qui commencent avec celle du faux miroir et se concluent avec l’escarmouche opposant les soldats de la Freedonie à ceux de la Sylvanie.

Cette soupe au canard est ce qu’aura produit de mieux le quarteron d’amuseurs parmi les cinq films de leur tableau d’honneur. J’en veux pour preuve cette simple séquence où Groucho se retrouve la tête enfoncée dans une cruche et lorsqu’on parvient à l’enlever, son occiput en a pris la forme et la dimension, la moustache en prime évidemment. On devine là une origine, un début de genre, la base d’un humour absurde et surréaliste qui essaimera et donnera des petits, une filiation. Tout démarra d’une cruche.

Pour conclure, une demi-heure de légende à ranger au panthéon du culte pour l’éternité.

Groucho reste la figure emblématique, la locomotive, l’attraction principale d’une œuvre taillée sur mesure pour lui et qui, in fine sans sa présence, côtoierait dangereusement le néant artistique.

Je termine ainsi ma plongée rétrospective dans l’univers décalé et anarchisant des Marx Brothers à quatre, avec des sentiments mitigés, partagés entre une certaine admiration et l’impression d’avoir été le témoin d’un trop plein de médiocrité.




Samuel d’Halescourt

jeudi 14 avril 2016

Flipper, 1973 d'Haruki Murakami (2016) Note: 14/20


A la recherche de la Spaceship disparue.

Un deuxième roman plus lyrique et poétique que le précédent mais qui perd du même coup sa simplicité, son caractère brut, essentiel, ainsi que l’écriture directe d’«Écoute le chant du vent ».

C’est l’histoire d’un type vivant avec deux sœurs jumelles sans prénoms, grand amateur de flipper et fréquentant assidûment les Game Center. Il tombe sous le charme d’une machine bien précise, la Spaceship qui disparaîtra du jour au lendemain avec la fermeture de la salle de jeux.

Le héros partira donc à la recherche de son flipper perdu dont seul trois exemplaires sont arrivés sur le sol japonais.

Par le fait que le personnage principal vit avec des sœurs jumelles, Murakami met en scène un fantasme masculin répandu. Comme il reste très prude dans l’évocation de leur relation, aucune allusion sexuelle, pas de baiser, pas de geste de tendresse, on pourrait conclure qu’ils vivent un amour tout platonique, malgré qu’ils partagent le même lit. Peut-être une pudeur nippone au caractère impénétrable.

Aucun nom propre qui permettrait de situer clairement le roman au Japon n’est dévoilé (seul le quartier de Shinjuku est évoqué une fois), ce qui donne un ton éthéré et universel, malgré les références culturelles exclusivement américaines, occupation post-seconde guerre mondiale oblige.

Et puis bien sûr, il y a le Rat, toujours aussi étrange, scrutateur d’un parangon de femme, il erre dans certains chapitres comme un ectoplasme en quête d’amour, une âme délaissée dans la modernité de 1973.

Pour conclure, un très bon roman même si le style s’embourbe parfois dans une prose bas de gamme dont on oublie la teneur aussitôt lue.

L’histoire encyclopédique du flipper délivrée à la fin du bouquin est passionnante pour le peu que tout ce qui est dit soit vrai.

Murakami cristallise pour l’éternité un art, une distraction désuète, voire morte, qui aura fait les beaux jours de la deuxième moitié du XXème siècle et dont les champions étaient sans nul doute les ancêtres de ceux du e-sport d’aujourd’hui.



Samuel d’Halescourt


dimanche 10 avril 2016

Plumes de cheval de Norman Z.McLeod (1932) Note : 12/20

Université et football américain


McLeod une nouvelle fois à la réalisation, le quatrième film des Marx Brothers est moins bon que le précédent « Monnaie de singe » et de fait ne respecte pas l’ascendance de la courbe qui voulait qu’ils s’améliorent au fur et à mesure.

Encore une fois, c’est finalement toujours la même critique, Groucho est très bon et voit s’agiter autour de lui des frères quasiment inutiles et même débarrasser de l’adverbe en ce qui concerne Harpo. Que l’énergumène ait pu faire rire à une époque (les années 30 en l’occurrence) me questionne sur l’état humoristique iconoclaste de mes anciens. Et je confesse que j’ai toujours préféré la verve aux mimes burlesques.

C’est très faible, bien en deçà de ce que le mythe pouvait laisser espérer. C’est bâclé ou sans génie, au choix, le résultat étant le même.

Seul point positif, les chansons qui lui donnent un petit côté comédie musicale qui est réussi.

Les scènes de fin, prises d’images d’un match de football américain, sont peut-être les premières du genre à figurer dans une œuvre de fiction et si c’est le cas, bravo pour l’entreprise pionnière.

Pour conclure, je m’attendais à un chef d’œuvre après ce que laissait augurer « Monnaie de singe » et me voici avec une banalité cinématographique, un objet nain sans saveur, grandeur ou intérêt.

Le fait que les premiers films des Marx Brothers, et notamment « Plumes de cheval », ne soient jamais programmés sur aucune chaîne de télévision est finalement assez justifié et mérité. En de dehors de son caractère historique, peu de valeur artistique.




Samuel d’Halescourt

mercredi 6 avril 2016

Seizième message du kindred : Plongée cosmique

Que peut-il bien y avoir derrière l’univers ?

D’autres univers, une mer cosmique, la maison des dieux, un pingouin géant ? Que l’on soit dans le fini ou dans l’infini, pour nos médiocres cerveaux humains, dans les deux cas, cela n’a pas de sens, les deux sont absurdes.

Nous ne pouvons les concevoir, les appréhender, les conceptualiser, au risque de devenir fou. Et pourtant se cachent bien là notre destin et le défi des générations futures ; nos descendants, à force d’acharnement, auront peut-être une réponse, un début de levée de voile, une forme de brèche.

Nous, bien sûr, nous serons morts depuis longtemps mais nous y aurons contribué, légère consolation pour nos esprits pourrissants.

Malgré cela on peut tout imaginer, la spéculation est un devoir et en mesurer la crédibilité, c’est secondaire mais salvateur.

Notre prison est immense et confortable mais bien réelle et à terme relativement pesante. Dépendant de nos sauts de puce, de planète en planète, d’étoile en étoile et un jour lointain de galaxie en galaxie.

Repousser nos limites et les frontières deviendra une habitude, une insatiabilité et nous ne pouvons admettre le dernier mur, la structure à abattre.

Le grand Tout à beau être en expansion, nos propulseurs le rattraperont et ce sera le dépassement ou le rebond. L’inconnu ou le renvoi.

Il y a quelque chose, j’en ai l’intuition, une entité, une intelligence, un verbe.

J’en étais là de mes réflexions métaphysiques quand mes deux clients approchèrent.

Je vous recontacte prochainement.




Samuel d’Halescourt

mardi 29 mars 2016

Ecoute le chant du vent (2016) - Haruki Murakami 15/20

Le Rat, bières et cigarettes

Merveilleux premier roman de Murakami qui peut donner de l’espoir à tous les écrivaillons en herbe en levant la difficulté de la mise en pratique, il suffit simplement de jeter sur le papier tout ce qui nous passe par la tête, sans se soucier d’une quelconque structure.

Murakami signe ici son « moins que zéro » remplaçant la drogue par bières et cigarettes dont le personnage principal est friand, lui arrivant même d’en fumer plus de 6000 en six mois, seul Gainsbourg pouvant faire mieux.

C’est avant tout l’histoire d’un type qui coule des bières avec son pote le Rat au J’s bar et qui vivra une succincte histoire d’amour avec une fille aux réflexions originales et n’ayant que quatre doigts à l’une des mains.

C’est singulier et très imaginatif, d’une grande créativité, d’un sérieux bouillonnement cortéxical aussi bien au niveau du récit que des dialogues. C’est d’ailleurs la première fois que je vois l’esquisse d’un T-shirt en guise de chapitre, le 14ème pour être précis.

Murakami invente, par le truchement de son narrateur, un auteur de science-fiction fictif, Derek Hartfield qui est censé l’avoir profondément inspiré et c’est tellement bien fait que je m’y suis laissé prendre, croyant à l’existence réelle du génie qu’il aurait pu être.

Pour conclure, si tous les premiers romans étaient de cet acabit, il y aurait plus d’écrivains à suivre.

C’est mon premier Haruki Murakami et je suis heureux de l’appréhender dans le respect de la chronologie suivant la méthode Houellebecqienne, celle des acharnés qui veulent que l’on remonte la rivière tels des saumons dévoreurs de mots pour démarrer à la source.

J’avoue que ma passion pour son homonyme, l’autre Murakami, le génial Ryu, m’avait un peu obscurci et entravé l’approche d’Haruki, chose désormais réglée, l’impasse étant levée, je vais me délecter de sa bibliographie, à commencer par son second roman Flipper, 1973.








Samuel d’Halescourt

dimanche 27 mars 2016

Le Choc des Titans de Desmond Davis (1980) Note :16/20

Le dernier acte d’un cinéma englouti


Je me souviens que, préadolescent, j’étais tombé sur un film au hasard du zapping d’un après-midi de vacances avec une scène très étrange qui m’a marqué où un jeune héros frisé venait à bout de la gorgone Méduse. Il m’aura fallu plus de vingt ans pour identifier ledit film et c’était le choc des titans.

Il conclut une ère, celle des effets spéciaux à l’ancienne et qui aura duré plus de soixante dix ans, de Méliès à l’œuvre ultime de Ray Harryhausen.

A sa date de sortie il était déjà anachronique, suranné et pourtant ce qu’il perd en fluidité, il le gagne en poésie. Car c’est le caractère poétique qui est la principale qualité du film avec l’animation image par image de toutes les créatures, du Pégase à Méduse en passant par le Kraken, le chien à deux têtes ou les scorpions géants.

Dans une vision purement rôlistique, ce serait un efficace scénario solo de Donjons et Dragons, dirigé par un maître de jeu des plus compétents.

Le casting est excellent et ajoute à la qualité, les incarnations de Persée, d’Andromède et Zeus sont impeccables, sans compter ce qu’on appellerait aujourd’hui le petit caméo d’Ursula Andress et la présence de Burgess Meredith, notre Mickey bien aimé.

Pour conclure, un fantasy-peplum légèrement ovniesque, réalisé par un inconnu mais orchestré par une légende de l’animation qui aura fait le bonheur de générations amatrices de bestiaires monstrueux qui prennent vie sur l’écran.

Glaive, bouclier, casque d’invisibilité et hibou mécanique d’or et d’argent, autant de présents offerts par les dieux et éléments décisifs de l’avancement du récit. Brandir la tête décapitée de Méduse devant le boss final pour le transmuter en pierre est simplement une idée géniale.




Samuel d’Halescourt