Pourquoi ont-ils tué Chaussette ?
Qu’on m’épargne les mots, les lieux communs
concernant « Danse avec les loups » : romantique,
écologique, humaniste. A ces trivialités de magazine les deux pieds
dans l’époque, je réponds l’inverse : cruauté des
hommes, implacable chiennerie de la nature et poids de la solitude.
Assurément c’est une ode à l’Ouest sauvage
encore préservé, intact, quasiment authentique, avec sa faune (ses
loups et ses hordes de bisons), sa flore (ses plaines et ses
prairies) et ses occupants (quelques nations indiennes).
Le traitement des tribus autochtones par Costner est
d’autant plus plaisant qu’il n’est pas manichéen, l’une
étant assoiffée de sang et l’autre, pourtant plus pacifique, ne
rechigne pas à certaines violences toutes paléolithiques.
Traitement similaire chez les soldats yankee où il y a les gradés,
pondérés et bien éduqués et puis la piétaille, stupide, inculte
et cruelle. Impossible de déterminer si tout ceci est le reflet
d’une quelconque réalité des caractères et des pulsions, mais ça
semble crédible.
Le personnage de Kévin Costner est une sorte
d’ethnologue amateur qui aurait épousé les mœurs et coutumes de
la peuplade qu’il était censé étudier avec neutralité. C’est
l’assimilation qu’auraient dû subir les blancs venus du vieux
continent s’ils n’avaient colonisé farouchement, contraints par
le nombre et l’organisation. ?
Pour conclure, un film magnifique où la
contemplation et la stricte observance des rythmes ancestraux et
naturels sont violemment percutées par l’avancée civilisatrice
d’une armée en marche.
Des Nordistes affranchisseurs d’esclaves et perçus
comme les gentils de l’histoire seront également les génocideurs
en chef du totémisme à plumes. Les libérateurs des uns étant
les bourreaux, les ensevelisseurs des autres.
« Danse avec les loups » est un western
atypique, lyrique et gracieux, l’enfant légitime qu’auraient eu
ensemble « Little Big Man » et « Jeremiah
Jonhson ».
Samuel d’Halescourt