dimanche 31 juillet 2016

Chronique des enfers : Prologue (II)

Je perçois désormais la vanité de nos existences et la mienne particulièrement. Notre lot commun, la mort ! Cette mort que j’ai si souvent ordonnée en espérant la fuir définitivement. Que nous nous complaisions dans la luxure ou que nous menions une vie ascétique, pour tous la même finalité, le trépas et puis l’oubli. Prophète d’une eschatologie morbide, d’une téléologie dégoulinante de sang. De cette perspective je n’envisage plus qu’une option : le bien. Faire le bien à la hauteur de ses moyens, se comporter dignement, voilà toute vérité.

Il y a peu de temps, j’ai rencontré une femme sur la plage. Elle-aussi était une âme en errance avant d’atterrir sur ce plan paradisiaque, au milieu de ces êtres de lumière. Tout comme moi elle tente de se construire une ontologie céleste, pour devenir fils et fille de chérubin. Sa peau est mate et pourtant diaphane, sa chevelure noire de jais mais aux reflets or, toute son entité est un sublime paradoxe. C’est un spécialiste de l’angéologie qu’il me faudrait pour vous la décrire entièrement.

Je réapprends à aimer à son contact. A aimer sa présence, débarrassé de ma libido déviante et de mes instincts sadiques. Séraiä a vendu son corps pendant des années pour survivre et elle en garde quelques stigmates. Elle m’enseigne la tendresse, le frisson et la légèreté des corps.

J’ai rasé ma barbe et mes cheveux longs, vestige d’une époque morte à jamais. Ces petits détails contribuent à ma renaissance. Mes tatouages et mes scarifications, quant à eux, resteront malheureusement.

Nous déambulons au bord de la mer d’émeraude, croisant séraphins, trônes et toute une panoplie d’autres anges, créatures divines, soldats des dieux bons et loyaux. Leurs visages sont à la fois durs et innocents, se dégageant d’eux la pureté du combat juste. Ils sont mes modèles, mes sauveurs, ma dernière citadelle. C’est parmi eux que j’ai trouvé mon maître, celui qui m’a tendu la main : Onasis-Baptistin.








Samuel d’Halescourt

lundi 25 juillet 2016

La force du sexe faible – Michel Onfray (2016) Note : 16/20

La revanche des Girondines


Michel Onfray n’aura pas volé sa réputation de graphomane puisqu’il sort ce qui sera son troisième livre uniquement pour l’année 2016 et celle-ci est loin d’être terminée.

Il s’emploie à narrer le destin de cinq femmes majeures de la révolution française qui, par leur courage et leur détermination, laissent pantois et admiratifs. Citons-les : Olympe de Gouges, Marion Roland, Charlotte Corday, Théroigne de Méricourt et Germaine de Staël.


De la très connue à la jusqu’ici confidentielle, Onfray s’échine à démontrer qu’il y a chez toutes ces femmes des récurrences dans leurs implications totales au cœur des évènements, leurs pondérations et tempérances, leurs volontés d’une révolution où le sang ne coulerait pas, leurs visions d’une république clémente (y compris pour le roi). Des valeurs féminines et au combien girondines. Onfray s’y reconnaît jusqu’à l’exaltation.

Et puis, omniprésent, il y a Robespierre, leur némésis à toutes, dont les hagiographes communistes du siècle passé ont fait une figure lumineuse de la révolution et qu’Onfray déboulonne en nous en exposant le caractère immonde.

Pour conclure, un bel essai qui dépeint des idiosyncrasies, des esprits et des ambitions que l’on vient à admirer, aimer et accompagner leurs mémoires dépoussiérées.

Ce livre prouve que ce sont moins les époques que l‘histoire dominante qui est bel et bien misogyne. En effet dans tous les mouvements artistiques ou politiques et malgré leurs statuts social et culturel, il y a toujours une poignée de femmes exceptionnelles, mais malheureusement écartées ou minorées par les hommes qui écrivent l’histoire.




Samuel d’Halescourt

vendredi 22 juillet 2016

Le Patient anglais d’Anthony Minghella (1996) Note : 16/20

Hérodote et la mélancolie




Film d’une grande profondeur, aux personnages émouvants, étymologiquement romantique, dont le tragique subtil se confond avec la vie et les remous d’une histoire agitée qui façonne les destinées.

Mon incipit ou introït résolu, j’affirme qu’on a là une définition de ce que peut être la mélancolie, comme « Eyes Wide Shut » dans un autre style. Des dialogues bien placés sur des images maîtrisées, accompagnés d’une bande son qui évoque inexorablement une certaine forme de tristesse et d’introspection.

Juliette Binoche est émouvante, je ne lui enlèverai pas symboliquement son oscar mais Kristin Scott Thomas est démentielle, inspiratrice des pulsions adultérines d’un Ralph Fiennes qui ne peut que se résoudre à l’évidence de cet inexpugnable charme.

Tout comme Lawrence d ‘Arabie ou Or noir, on est là aussi face à une expérimentation du désert, dangereux, calme et inspirant.

Deux récits s’alternent, celui du souvenir et celui de l‘agonie. L’agonisant, lecteur d’Hérodote, se souvenant d’une passion amoureuse se terminant par un dénouement brutal plein de fractures.

Pour conclure, Minghella a survolé son sujet avec maestria, du grand cinéma romantique dépouillé de ses mièvres clichés pour accoucher de son essence la plus radicale, d’une volupté saisissante .

Un film de femme (avec tout ce que cela pourrait contenir de péjoratif) peut-être, mais hautement supérieur, exigeant, qui traite tellement de sujets que ça en devient vertigineux.








Samuel d’Halescourt

vendredi 8 juillet 2016

Vidéodrome de David Cronenberg (1983) Note : 19/20

Mort à Vidéodrome, longue vie à la nouvelle chair !




Petit film par le budget, grand film par le résultat. Œuvre proto-cyberpunk qui, en se focalisant sur la cassette VHS, annonce en fait internet et toutes les questions qui y sont liées, développées dans le film. Œuvre visionnaire d’un maître qui voit plus loin que ses confrères et invente un monde entre rêve et réalité, technologie et biologie mutante.

James Woods est impeccable dans son rôle d’homme solitaire, patron d’une petite chaîne de télé, à la recherche des vidéos les plus chocs pour alimenter son antenne. Pris dans un tourbillon qui le mènera jusqu’à la folie, débordé par l’immonde, il se fera justicier de la nouvelle chair.

Déborah Harry la chanteuse de Blondie est, elle aussi, incroyable, incarnant à merveille la femme mystérieuse en proie à ses fantasmes, tout Cronenbergien, existant à l’image telle une nymphe dangereuse et troublante.

Vidéodrome est peut-être le film ultime de Cronenberg, résumant au mieux son inconscient torturé et le message qu’il avait à livrer au monde.

Pour conclure, une claque cinématographique se situant aux confins des années 80, sombre et mélancolique, noyée dans un no futur post-punk des plus délétères, le Tetsuo d’Amérique du nord.

L’histoire d’un cynique qui, devant la révélation du pouvoir diabolique de l’image, évolue et se transforme en Christ rédempteur, flinguant tous les représentants du vice.

Le cinéma cyberpunk a trouvé avec Vidéodrome une de ses plus éminentes représentations.








Samuel d’Halescourt