Uxeilles ou l’ironiste désespéré
C’est l’histoire de Pierre Mambre qui au début
se fait appeler Saint-Roch, débarquant à Uxeilles, son bourg natal
dont la rumeur, entretenue par la narratrice, nous dit qu’il est
revenu pour baiser le plus de femmes possibles.
C’est l’occasion pour Millet, en dépeignant et
détaillant sa petite ville, de faire un portrait global de ce qu’est
la France. Des deux clans idéologiques qui s’opposent, les
lépantistes (figures de la droite réactionnaire) face aux
océaniques (la gauche tolérante et irénique), jusqu’au
désœuvrement des chevaliers de la perfection.
Millet nous offre une langue, un style sublime comme
à son habitude, rehaussés par un fond riche en réflexions et
quotidiennetés aventureuses.
Des phrases à la fois interminables et somptueuses
pouvant dépasser la page et demie nous hypnotisent par leur majesté.
Une tentative d’hommage rendu à Balzac et à ces
bourgades qui vivent encore à son heure, même si sa pertinence et
son irrévérence le renverrait plutôt du côté d’un Barbey
d’Aurevilly.
Pour conclure, un grand roman, pour les esthètes,
les fondus de la belle langue française et de ses agencements. Pour
les orphelins d’une culture française éternelle qu’ils n’ont
entrevue qu’en nostalgie rêveuse et qu’ils peuvent ici sentir
dans tout son éclat et son ironie sans concession.
Province est « le livre dont vous êtes le
héros » pour tous les intuitifs de la saine réaction, c’est
la huitième symphonie perdue de Sibélius.
Samuel d’Halescourt
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