lundi 14 novembre 2016

Province – Richard Millet (2016) Note : 18/20

Uxeilles ou l’ironiste désespéré

C’est avant tout une déclaration d’amour aux petites villes de province qui parlera à ceux qui y vivent mais également aux citadins, ceux des grandes villes, dont je fais parti et qui continuent à y croupir après en avoir exploité toutes les possibilités, en rêvant d’exil salvateur dans des provincialités profondes.

C’est l’histoire de Pierre Mambre qui au début se fait appeler Saint-Roch, débarquant à Uxeilles, son bourg natal dont la rumeur, entretenue par la narratrice, nous dit qu’il est revenu pour baiser le plus de femmes possibles.

C’est l’occasion pour Millet, en dépeignant et détaillant sa petite ville, de faire un portrait global de ce qu’est la France. Des deux clans idéologiques qui s’opposent, les lépantistes (figures de la droite réactionnaire) face aux océaniques (la gauche tolérante et irénique), jusqu’au désœuvrement des chevaliers de la perfection.

Millet nous offre une langue, un style sublime comme à son habitude, rehaussés par un fond riche en réflexions et quotidiennetés aventureuses.

Des phrases à la fois interminables et somptueuses pouvant dépasser la page et demie nous hypnotisent par leur majesté.

Une tentative d’hommage rendu à Balzac et à ces bourgades qui vivent encore à son heure, même si sa pertinence et son irrévérence le renverrait plutôt du côté d’un Barbey d’Aurevilly.

Pour conclure, un grand roman, pour les esthètes, les fondus de la belle langue française et de ses agencements. Pour les orphelins d’une culture française éternelle qu’ils n’ont entrevue qu’en nostalgie rêveuse et qu’ils peuvent ici sentir dans tout son éclat et son ironie sans concession.

Province est « le livre dont vous êtes le héros » pour tous les intuitifs de la saine réaction, c’est la huitième symphonie perdue de Sibélius.




Samuel d’Halescourt

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