jeudi 26 octobre 2017

Chronique des enfers


Chapitre I (5)



La part de mon enfance heureuse est gorgée de souvenirs d'images et d'odeurs, de visions bucoliques troublées par des bourrasques de vents poussiéreux et capricieux, de chevaux magnifiques montés par des cavaliers à l'air hiératique, de prairies immenses aux arbres solitaires, d'éclats de rire de marmots aux visages laiteux, de jeux traditionnels ou inventés dans l'instant, de camarades certes violents mais compréhensifs. Nous n'étions sujet à aucune contrainte si ce n'est la connaissance d'épopées divines et l'apprentissage de nombreux métiers.

Cet age ne s'encombrait d'aucune ambition, d'aucun rêve particulier sur le devenir, simplement le plaisir d’être au monde et d’évoluer au contact hasardeux du destin.

De ces années, une interrogation de mes petits camarades revenait sans cesse : « pourquoi tu ne te bats jamais ? » Je ne savais pas quoi répondre mais le fait était là ! Mon caractère pacifique, mon esprit profondément androgyne impropre à toute violence étaient bien réels. J'étais une énigme pour moi comme pour les autres.

Seuls mes plus proches, mon groupe d'amis, n'y voyaient rien de ridicule. Médi, Xima et Malène, liés par l'enfance et l'entraide. Je vous retrouverai un jour pour vous extirper à cette vie de misère, pour votre malheur à tous.

Médi était un colosse pour son jeune age et sa simple présence suffisait à dissuader d'éventuels harceleurs de venir nous chatouiller.

Xima était le fils du chef de la tribu et jouissait de ce fait d'avantages héréditaires, un mélange de respect et de mise à l'écart.
Quant à Malène, pourtant convoitée par d'autres groupes plus attrayants, conformes et prometteurs, elle s'était entichée de notre petit groupe de marginaux prépubères auquel elle apportait toute sa générosité et sa différence en plus de sa beauté et de son intelligence.

Les nombreuses transhumances dont nous suivions servilement l'itinéraire ne repassaient jamais deux fois au même endroit, ce qui nous donnait une impression de perpétuelle aventure mais de nous sentir comme étranger partout où nous atterrissions.




Samuel d'Halescourt

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