Chéri-Chéri – Philippe Djian Note : 9/20
Travesti et gangster
Annonçons la couleur, j’aime Philippe Djian, « Vers chez
les blancs » est pour moi un des meilleurs romans français de
ces vingt dernières années, si ce n’est le meilleur. L e fait
d’affirmer que Philippe Djian est un grand auteur est purement
subjectif, je ne sais pas s’il sera là encore dans cent ans,
contrairement à Houllebecq, qui lui objectivement le sera et on le
lira comme on lit Proust ou Céline aujourd’hui.
Ceci étant posé, Djian n’écrit
plus qu’un bon livre tout les trois livres. « Oh … »
était excellent, « Love song » très moyen et ce
« Chéri-chéri » insoutenable dans l’insipide. A force
de privilégier le style à l’histoire, on risque gros, surtout
quand le style n’est pas réellement au rendez-vous, il n’y a
plus rien.
L’histoire, un écrivain
confidentiel se travestit le soir venu dans un cabaret façon Michou,
se voit contraint pour rembourser une dette à son beau-père mafieux
de profession, de participer à un recouvrement avec Robert, bras
droit du même beau-père. A la fin l’écrivain couche avec sa
belle-mère. C’est en effet assez mince, juste quelques idées
balancées sur la table, alibi pour ne pas complètement basculer
dans l’abstrait.
Le style maintenant, certes
agréable mais pas au niveau, un niveau d’excellence dont on sait
Philippe Djian capable d’atteindre, il nous l’a déjà prouvé.
C’est donc un livre sur le
travestissement, déconnecté de toutes pulsions homosexuelles, comme
un jeu d’enfant, innocent et ludique, détaché de tout problème
d’identité, d’un homme qui souhaiterait devenir femme, non,
simplement une immense farce de carnaval, un travestissement festif.
Denis pourrait aussi bien se déguiser en Batman ou en Pokémon, se
serait aussi dépourvu d’arrière-pensée.
Pour conclure, il ne faut pas
juger Djian sur ce simple opus, qu’il faut appréhender comme
l’élément d’un édifice plus large qui s’appelle son œuvre,
une œuvre magnifique, délectable, jouissive.
Mais si l’on juge le livre
seul, de façon isolé, il faut reconnaître son caractère mineur,
son absence de souffle, la succession de phrases molles.
Espérons que la prochaine cuvée
de Djian sera de meilleure facture.
Samuel d’Halescourt
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