lundi 20 mars 2017

Chronique des enfers

Chapitre I (1)


Avant ma douloureuse mais sereine componction actuelle, il aura bien fallu que je vienne au monde. Ceux qui m’adoptèrent m’ont maintes fois raconté mon histoire. Celle de la découverte impromptue de mon berceau et de mes jeunes années passées à leur côté avant que la conscience ne me vienne et que mes souvenirs ne s’évaporent plus. Avant que je ne sois le panégyriste de ma propre mémoire.

Une faible délégation de la tribu des Nach Hassar s’en revenait péniblement de la ville pour rejoindre leur campement sous une pluie battante. Ils s’y étaient rendu pour vendre quelques moutons et acheter ce que même leurs artisans les plus doués ne pouvaient confectionner, des armes et des outils.

De leur retour, à l’orée du chemin caillouteux et d’un vénérable bois, ils tombèrent sur l’épave d’un carrosse couché sur le flan avec trois cadavres à ses côtés, les chevaux ayant disparus. Ils s’approchèrent prudemment des vestiges de ce qu’il y a une poignée d’heures vivaient encore. Transpercés de toutes parts, gisaient là deux hommes et une femme. Le cocher et un couple de hauts bourgeois. Leurs affaires, sacs, malles, coffrets et cassettes semblaient s’être volatilisés. Leurs poches étaient vides et leurs bijoux dérobés.

Pendant leur fouille minutieuse des pauvres macchabées, ils furent interdits d’entendre les braillements d’un nourrisson venant de l’intérieur de la carcasse échouée. L’un des membres de cette tribu décadente et bornée, quasiment en fin de race, monta d’un saut sur le véhicule. Il ouvrit la porte vers le ciel et découvrit un bébé d’à peine trois mois emmitouflé de couvertures en laine dans son couffin, sans la moindre égratignure. Il paraît que c’était moi et s’il faut en croire les évènements, déjà protégé par la providence.

Ils me ramenèrent à leur point de vie, là où la transhumance automnale les avait menés. Voyages et commerces étaient leurs deux raisons de vivre à ces bons Nach Hassar. L’examen de mon cas fit grand bruit au sein de l’assemblée spécialement réunie pour l’étudier et prendre la décision qui s’imposerait.




Samuel d’Halescourt

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