samedi 22 avril 2017

Chronique des enfers

Chapitre I (3)


Elle s’appelait Naïla et devait avoir le même âge que moi. En pleurant et geignant, elle se débattait à s’en désarticuler, maintenue fermement par ses parents devant l’entrée d’une yourte sacrée, contrainte de participer à une cérémonie ritualisée. Elle hurlait et s’agitait comme si on l’emmenait à l’abattoir. Comme possédée par l’esprit de l’autodétermination.

Cette vision m’a profondément marqué et ne m’a plus jamais quitté. Elle était porteuse de tout ce qui nourrira plus tard mon ressentiment à l’égard de l’existence. A peine conscient, je savais désormais que la vie serait dure et brutale. Contraint par des règles sociales iniques, leurs dominations seraient totales. Aucune échappatoire, la souffrance ne faisait que commencer. Je pouvais moi aussi me débattre à m’en désarticuler, la force en jeu est d’une autre grandeur, elle nous met à genoux, la lutte est vaine.

J’y vois également la révélation précoce des grands ordonnateurs du vivant, des entités cosmiques et de leurs plans machiavéliques.

Par mon détachement et ma nature observatrice, j’ai compris qu’il n’y avait que deux routes, deux voies possibles. L’on est soumis aux autres hommes ou l’on est soumis à Dieu, c’est-à-dire à soi-même. Car ce dieu choisi dans le catalogue vous accordera toutes les libéralités pour peu que vous suiviez votre intuition et votre instinct.

C’est avec cette expérience que je me détache à jamais de la tyrannie des hommes et de leurs conventions pour convoquer le divin et mon rapport direct avec lui, authentiquement mystique.

Et ce ne sera aucun des dieux des Nah Hassar que je rejetterai les uns après les autres mais celui que ma quête irréfrénée, entre mon âme et le couronnement supérieur, mettra sur mon chemin. Celui dont la doctrine répondra et épousera les raisonnements de mon intériorité bien qu’elle fût distordue par mes névroses et mes passions, apanage d’une jeunesse trop furieuse pour s’appesantir sur une analyse sérieuse de son moi. Distorsion qui sera encore accentuée par la découverte de mes différences physiques avec le reste des membres de la tribu.




Samuel d’Halescourt

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire