Chronique des enfers
Chapitre I (2)
Certains plaidaient pour
que l’on me confie à un temple ou à un orphelinat. D’autres
pour que l’on me ramène là où on m’avait trouvé. Un original
voulait que l’on me sacrifie aux dieux en échange de grâces en
tout genre de leurs parts. Enfin un couple, qui tentait désespérément
de mettre au monde un enfant depuis une dizaine d’années, émit le
souhait de m’adopter.
Après un échange confus
et délétère pour la cohésion de la tribu qui dura une éternité,
le chef, le grand sage et le chaman décidèrent d’évacuer les
représentants et de décider par eux-mêmes sachant que personne
n’oserait remettre en cause leur jugement.
Les trois autorités
suprêmes disputèrent une heure entière avant d’énoncer leur
sentence unanime : « cet enfant, nous le garderons et
l’élèverons en le confiant à Lakmar et Sodaya comme ils en ont
fait la demande. Mais attention, il devra comprendre, et ce dès son
plus jeune âge, qu’il n’est pas tout à fait des nôtres ! »
Et c’est ainsi que
quelques jours plus tard, je fus intronisé par un baptême rituel,
sous l’égide du dieu du sang purifié, chez les Nach Hassar. Mes
adoptants me nommèrent Haegel en l’honneur d’un obscur vieil
oncle maternel mort en affrontant un demi-ogre lors d’une virée
aventurière vingt ans auparavant.
La yourte familiale était
une des plus imposantes, privilège dû au rang qu’impliquait le
métier de mon père, il faisait office de maréchal soigneur, charge
ancestrale qu’il avait héritée de ses aïeux. Quant à ma mère,
en plus de ses occupations domestiques, elle s’adonnait à la
poterie, dont elle approvisionnait toute une partie de la tribu, le
surplus étant vendu une fois l’an sur le marché d’une grande
place judicieusement choisie.
C’est dans ce contexte
que je ferai mes premiers pas, non pas empli d’amour mais
correctement choyé. J’aurais pu regretter de ne pas être
abandonné sur les marches d’un temple. Mais puisque l’on juge
toujours le passé en fonction de notre présent, j’estime que le
destin a bien fait les choses.
Et bientôt viendra
l’heure de mon premier souvenir alors que je n’avais que trois
ans.
Samuel d’Halescourt
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