jeudi 6 avril 2017

Chronique des enfers

Chapitre I (2)


Certains plaidaient pour que l’on me confie à un temple ou à un orphelinat. D’autres pour que l’on me ramène là où on m’avait trouvé. Un original voulait que l’on me sacrifie aux dieux en échange de grâces en tout genre de leurs parts. Enfin un couple, qui tentait désespérément de mettre au monde un enfant depuis une dizaine d’années, émit le souhait de m’adopter.

Après un échange confus et délétère pour la cohésion de la tribu qui dura une éternité, le chef, le grand sage et le chaman décidèrent d’évacuer les représentants et de décider par eux-mêmes sachant que personne n’oserait remettre en cause leur jugement.

Les trois autorités suprêmes disputèrent une heure entière avant d’énoncer leur sentence unanime : « cet enfant, nous le garderons et l’élèverons en le confiant à Lakmar et Sodaya comme ils en ont fait la demande. Mais attention, il devra comprendre, et ce dès son plus jeune âge, qu’il n’est pas tout à fait des nôtres ! »

Et c’est ainsi que quelques jours plus tard, je fus intronisé par un baptême rituel, sous l’égide du dieu du sang purifié, chez les Nach Hassar. Mes adoptants me nommèrent Haegel en l’honneur d’un obscur vieil oncle maternel mort en affrontant un demi-ogre lors d’une virée aventurière vingt ans auparavant.

La yourte familiale était une des plus imposantes, privilège dû au rang qu’impliquait le métier de mon père, il faisait office de maréchal soigneur, charge ancestrale qu’il avait héritée de ses aïeux. Quant à ma mère, en plus de ses occupations domestiques, elle s’adonnait à la poterie, dont elle approvisionnait toute une partie de la tribu, le surplus étant vendu une fois l’an sur le marché d’une grande place judicieusement choisie.

C’est dans ce contexte que je ferai mes premiers pas, non pas empli d’amour mais correctement choyé. J’aurais pu regretter de ne pas être abandonné sur les marches d’un temple. Mais puisque l’on juge toujours le passé en fonction de notre présent, j’estime que le destin a bien fait les choses.

Et bientôt viendra l’heure de mon premier souvenir alors que je n’avais que trois ans.




Samuel d’Halescourt

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